« Tous les problèmes qui peuvent arriver finissent par arriver un jour. ». Il s’agit de l’intitulé de la loi de Murphy (aussi connue comme étant la loi de l’emmerdement maximum). Une loi que la startup a adaptée pour ses propres besoins : « Quelle que soit la qualité des produits que l’on achète, complète Guy Pezaku, CEO de la startup Murfy,Tous les produits vont finir par tomber en panne, c’est inévitable. ».

Or, le marché de la réparation est principalement organisé autour de la réparation sous garantie qui n’est qu’une infime partie du sujet. « Une entreprise qui voit 3 ou 4 % de pannes sous garantie va virer le directeur de son usine, explique encore Guy Pezaku. Mais 100 % des produits finissent par tomber en panne lorsqu’ils sont hors garantie. ».

En croisade contre l’obsolescence programmée

La révélation qui allait mener à la création de Murfy a eu lieu très tôt dans la vie de Guy Pezaku :
« Je me rappelle très bien une émission diffusée par Arte sur l’obsolescence programmée que j’avais vue quand j’étais au lycée. J’avais été scandalisé par ce gâchis avec notamment l’exemple des imprimantes qui sont désignées pour tomber en panne après un certain nombre de cycles. ». Bricoleur dans l’âme, le jeune entrepreneur a toujours eu à même de bidouiller les appareils autour de lui. Que ce soit sa Vespa 1966 achetée à l’âge de 15 ans et qu’il possède toujours, ou le lave-linge de sa colocation dont il avait été obligé de scier la cuve pour en changer les roulements.
« La machine a encore duré cinq années après cette réparation, partage Guy Pezaku. Et c’est à ce moment que l’on s’est rendu compte de la complexité de faire réparer ces appareils. ».

Le CEO de Murfy reconnaît d’ailleurs une certaine forme de naïveté en arrivant sur ce marché en 2017. Persuadée que le problème venait de là, l’entreprise se lance d’abord dans la gestion des pièces détachées pour les fabricants et les distributeurs. Les cinq cofondateurs découvrent que si la disponibilité des pièces est une problématique, ce n’est rien comparé à la gestion des opérations de service après-vente. Ils décident donc de proposer un logiciel SaaS pour les fabricants et distributeurs.

Un cheminement de plusieurs mois avant d’arriver à cette réalisation : « On s’est finalement rendu compte que ce n’était pas vraiment leur volonté stratégique que de développer la réparation hors garantie. Les fabricants et distributeurs étaient surtout obnubilés par le sous garantie pour satisfaire les engagements vis-à-vis de leurs clients. ». À l’été 2018, Murfy devient donc une entreprise de réparation d’électroménagers.

Cinq ans plus tard, l’entreprise compte 350 salariés pour un chiffre d’affaires en 2023 de 15 millions d’euros. « On recrute une quinzaine de personnes par mois, annonce Guy Pezaku. Et on double de taille à peu près tous les ans. Et on va continuer de le faire dans les prochaines années. ».

Les "emmerdements maximums" de Murfy

La success-story de Murfy en fait rêver plus d’un et la startup est pressentie pour devenir l’une des prochaines « licornes sobres » (ou « licornes à impact »). Son parcours ne s’est pourtant pas fait sans son lot de difficultés. D’une manière assez inattendue, le CEO de Murfy ne cite pas la période COVID comme l’une d’elles. « Au contraire, cela a quasiment été une opportunité pour nous. À partir du moment où ils ont annoncé le chômage partiel et les PGE, nous avons pu interrompre nos opérations pendant deux mois pour pouvoir prendre le temps de structurer la boîte pour préparer la reprise de mai 2020. ».

C’est un peu plus tard que les effets de la COVID se sont révélés à la startup. « Il y a eu une énorme tension au début du deuxième confinement en septembre 2020 du côté de l’emploi. Les gens étaient hyper stressés par la conjoncture et on ne trouvait pas un seul technicien pour partir de Darty ou Boulanger pour venir travailler chez Murfy. On n’arrivait plus à recruter. ».

En réponse, ils deviennent organisme de formation en ouvrant la Murfy Académie. S’ils ont déjà formé 150 techniciens depuis son lancement, ce sont encore 300 autres qui le seront dans les dix-huit prochains mois. Une formation financée par Pôle Emploi pendant les trois premiers mois et qui débouche sur une embauche en CDI chez Murfy.

Le prochain défi de l’entreprise est déjà bien connu. Il s’agit de la rentabilité. Si les plans la plaçaient initialement au second semestre 2025, elle a été avancée à l’été 2024. Un objectif qu’il faudra tenir dans un contexte où l’accès au financement est loin d’être évident. « Notre plus grosse difficulté, cela a vraiment été le closing de notre deuxième levée de fonds à l’été 2022. Le marché financier était en train de se fermer et les fonds ont commencé à paniquer. Le closing devait se faire le 7 juillet, trois jours avant mon mariage et notre fonds principal n’était plus sûr. Et on n’était pas en capacité de payer les salaires à la fin du mois. Il a fallu rattraper les choses. J’ai failli divorcer avant de me marier. ».

La rentabilité est donc maintenant presque à portée de bras de Murfy. Et pourtant, il lui faudra réaliser une nouvelle augmentation de capital d’ici là. « On est rentable sur nos opérations, mais on fait beaucoup d’investissement, décrypte Guy Pezaku. Le réflexe naturel serait de ralentir, de faire moins de croissance pour prendre moins de risque. Sauf que nous sommes sur un modèle industriel où il faut faire du volume pour que cela fonctionne. On a donc plutôt besoin d’accélérer pour amortir nos coûts fixes et nos investissements. ».

Murfy a ainsi réalisé 5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021, 10 millions en 2022, projette 15 millions d’ici la fin de l’année 2023, et vise 30 millions d’euros pour objectif 2024.
Si la startup semble donc en phase pour réussir son pari, ce n’est évidemment pas le moment de baisser sa garde. Les cinq cofondateurs sont bien décidés à faire mentir la loi de Murphy pour tenir leur trajectoire ascendante le plus longtemps possible.