Quand Ryad Boulanouar, Hugues Le Bret, Pierre de Perthuis et Michel Calmo se rassemblent en 2010 pour imaginer ce qu’allait devenir le compte Nickel (quand le projet s’appelait encore No Bank), ils le voient comme un outil pour les personnes en rupture avec la banque, voire en interdit bancaire. Ils considèrent que la banque est devenue trop jargonnante, véhiculant une complexité qui est subie par les clients. Il faut donc faire simple.

D’où la naissance d’un compte que l’on peut ouvrir en cinq minutes auprès d’un buraliste, et qui va offrir tous les services bancaires essentiels : un compte courant, un RIB et une carte Mastercard. Le tout pour un prix défiant toute concurrence puisque les clients dépensent en moyenne 70 euros pour leur compte Nickel, là où le service coûterait en moyenne 220 euros auprès d’un autre établissement. « Dès le lancement, l’entreprise rencontre un succès commercial qui dépasse toutes les espérances, lance Marie Degrand-Guillaud, directrice générale déléguée de Nickel depuis 2019. L’ouverture d’un compte auprès d’un commerçant, personne n'avait pensé que cela marcherait. Les études marketing prédisaient un échec. Et en fait, ça cartonne ! ».

Le compte Nickel s’attaque au marché allemand

Les effets du bouche-à-oreille sont puissants et la clientèle dépasse très vite les attentes. Moins de trois ans après le lancement, il paraît évident aux fondateurs que la stratégie la plus pertinente serait de rejoindre un groupe bancaire. En effet, au vu du succès, ils ressentent le besoin de s’adosser à des experts pour répondre à toutes les exigences réglementaires de l’univers bancaire. Le 12 juillet 2017, BNP Paribas annonce le rachat de la startup en prenant 95 % des parts (laissant 5 % à la confédération des buralistes).

L’entreprise décide alors d’entrer dans une phase de structuration et va refaire son « Core Banking », le noyau de son service. Puis, en 2019, la nouvelle direction décide que c’est le moment de réaccélérer. « Cette année-là, on fait un plan pour l’entreprise jusqu’en 2024, partage Marie Degrand-Guillaud. En se disant que cette entreprise est un OVNI, un bijou qui pourrait aller beaucoup plus loin. On se donne alors pour ambition de croître pour atteindre les 4 millions de clients en 2024 en France et de se construire en leader européen. ». À un an de la date fixée, les signaux sont au vert avec 3,5 millions de clients (elle en avait 1,7 million en 2020) et une ouverture à l’Espagne, au Portugal, en Belgique et plus récemment en Allemagne.

L’affichage des transactions en temps réel, un défi technologique

Bien loin de l’image qui colle parfois encore à la peau de Nickel puisque l'offre n’est pas seulement utilisée par des personnes en rupture avec le système bancaire. Aujourd’hui, cette population représenterait un tiers de la clientèle. Un autre tiers est composé de personnes qui trouvent que leur banque coûte trop cher et veulent un établissement qui offre une plus grande transparence. Le dernier tiers, enfin, réunit ceux qui utilisent le compte Nickel en compte secondaire lorsqu’ils partent en voyage (Nickel a zéro frais sur le taux de change), ou pour faire leurs achats sur internet.

Il faut dire que l’entreprise a su tirer son épingle du jeu dans plusieurs domaines. En effet, derrière l’apparence d’un service très simple, il y a énormément de technologie pour permettre la plus grande fluidité de l’expérience utilisateur. Au-delà de l’ouverture d’un compte en cinq minutes, tout en réalisant toutes les étapes d’identification du client, Nickel affiche les transactions en temps réel. Le client évite ainsi plusieurs jours de latence entre un achat et le mouvement de l’argent sur le compte, tout se fait de manière instantanée. « Cela vient rendre totalement obsolète la notion de découvert, explique la directrice générale déléguée de Nickel. Le découvert a lieu quand vous engagez un paiement sans avoir en tête toutes les opérations en cours et c’est impossible sur notre compte. ».

Mais pourquoi un « petit » acteur comme Nickel peut-il afficher les mouvements de compte en instantané à la différence de presque tous les autres ? « C’est un défi technique, résume Marie Degrand-Guillaud. Et quand on est un nouvel entrant, on n’a pas toute la complexité empilée d’un acteur historique. Parce que quand vous êtes une banque traditionnelle lancée il y a 100 ans, vous avez empilé des complexités qui transforment cette fonctionnalité en un défi colossal. ».

Une diversification sur le crédit ou l’assurance ?

Nickel confirme son statut d’OVNI à chaque tournant, construisant son produit sur des valeurs très fortes qui amènent à une proposition de valeur différenciante. « L’une de nos valeurs principales, c’est l’universalité. On propose le même service à tout le monde, décrypte la directrice générale déléguée. Nous n’avons pas de segmentation client d’après vos revenus ou votre patrimoine. On est accessible pour les étrangers en acceptant plus de 190 passeports, on a des cartes avec des encoches pour les malvoyants, on a pensé nos produits pour les personnes non binaires ou transgenres. C’est un sujet qui est dans notre ADN. ».

Le compte Nickel poursuit donc sa progression, sachant qu’une grosse part de sa croissance se fait par le bouche-à-oreille. « 60 % de nos clients viennent sur une recommandation. C’est énorme. On est en fait une sorte de révolution silencieuse. Et c’est quand même très rare d’aller parler de sa banque à ses proches. Ce n’est pas le premier sujet dont on est fier de partager l’achat. ».

Presque 10 ans après son lancement, Nickel a la fierté de mettre en avant une très grande fidélité à l’ADN de ses débuts, même si elle compte aujourd’hui plus de 800 collaborateurs. L’entreprise est ainsi restée focus sur la question du compte bancaire sans se disperser sur de nombreux sujets. « Aujourd’hui, on regarde les sujets de l’épargne, du crédit et de l’assurance parce que nos clients le demandent, concède Marie Degrand-Guillaud. Mais on le fait en mode pilote, en faisant des partenariats avec des acteurs qui ont l’expertise. On avance étape par étape. ».