Pendant très longtemps, Loic Le Meur a suivi le parcours que la société lui indiquait, ce qu’il nomme aujourd’hui “la roue du hamster”. « Mes parents me disaient qu’il fallait que je réussisse : OK, je vais réussir. Qu’il fallait aller dans les meilleures écoles : OK, j’ai fait HEC. Après ils m’ont dit qu’il fallait que je trouve le meilleur job du monde. Et même que créer sa boîte c’était encore mieux : OK, mais c’est pas facile quand même ».

Loic Le Meur suit pourtant ce schéma et crée son premier business en 1996 à l’âge de 24 ans. En 2003, il crée l’aventure Ublog, une solution d’hébergement de blogs qu’il revendra onze mois plus tard à Six Apart. La société est basée à San Francisco et lui donnera le rôle de directeur général pour l’Europe. A son départ en 2007, il lance Seesmic, une startup qui permettait de laisser des commentaires en vidéo et facilitait ainsi les discussions pour une communauté. Une crise économique et quelques pivots plus tard, Seesmic se revendra à Hootsuite en 2012. En parallèle, Loic Le Meur commence à monter une petite conférence, qui va devenir une référence...

Nommé LeWeb, le petit événement va très vite prendre de l’ampleur pour devenir l’une des grandes messes européennes de l’entrepreneuriat. Les légendes de la tech s’y succèdent : Jack Dorsey viendra y lancer Square et c’est dans un couloir du salon que Travis Kalanick va avoir l’idée qui deviendra Uber, etc. Loïc Le Meur semble avoir répondu à un grand nombre des injonctions sociétales. On le voit au sommet de Davos, il déjeune avec le président Sarkozy. Il est à ses côtés en 2007 pour animer la campagne participative de l'UMP. Sa conférence LeWeb est alors devenue un rendez-vous incontournable de l’écosystème. L’entrepreneur n’est pourtant pas heureux. Il revend LeWeb (même s’il regrette encore aujourd’hui ce choix) et divorce à 40 ans. Loic Le Meur va beaucoup se chercher jusqu’au jour où, à 45 ans, il fait la connaissance d’une tribu en plein cœur de la forêt amazonienne.

Une prise de conscience pour Loïc Le Meur

Ce sera le début d’une longue prise de conscience pour Loïc Le Meur qui va multiplier les rencontres avec différents peuples premiers. Il va s’immerger dans leurs cultures en passant de longues périodes à leur contact, participant à de nombreuses cérémonies. Il rencontrera notamment les Kogi, un peuple vivant dans les montagnes de la Sierra Nevada de Santa Marta (Colombie). « Pour moi, c’est l’un des peuples les plus avancés au monde, confie Loïc Le Meur à Maddyness. C’est du niveau des bâtisseurs des pyramides d’Égypte. Ce ne sont pas des extraterrestres… ils sont humains, mais ils sont connectés à l’univers d’une manière totalement différente de nous. ».

Plus il passe de temps à leurs contacts, et plus il façonne une fascination pour ces peuples qui lui apprennent à voir le monde sous un nouvel angle. « Je ne suis pas du tout contre les nouvelles technologies, précise-t-il. Mais ces peuples sont détenteurs d’un savoir qui est plus précieux que la plupart de nos savoirs à nous. Ils sont véritablement les meilleurs gardiens de la nature. ».

LeWeb de la forêt

Marqué par cette expérience, avec sa complice Magdalena Sartori, Loïc Le Meur s’est demandé comment il pouvait faire pour ramener cette expérience de (dé)connexion au plus grand nombre. La création d’une conférence était à la fois la solution la plus évidente et la plus adaptée.

C’est la naissance de Paua, dont la deuxième édition a eu lieu à Station F en mai dernier : le seul événement où se côtoient des questions d’intelligence artificielle et de métavers, au côté de savoirs ancestraux en provenance de ces peuples racines. Une intersection incongrue qui donne naissance à des moments particulièrement riches. Comme quand l’entrepreneur Rand Hindi termine sa prise de parole sur l’IA et qu’un chef Kogi lève la main pour poser cette question : « Vous parlez d’intelligence artificielle, mais avez-vous demandé à la terre, à la nature, l’autorisation de faire quoi que ce soit d’artificiel ? ».

Loïc Le Meur a donc trouvé son rôle. « Nous avions plus de 400 journalistes à LeWeb, s’amuse l’entrepreneur. L’année dernière à Paua, il y en avait zéro. Cette année, nous en avons eu trois. ». L’événement réussit pourtant doucement à trouver sa place et à avoir un impact concret sur le terrain. Chaque année, Paua rassemble une communauté qui s’est mobilisée pour financer la préservation de la forêt.

« Cela a l’air d’être une conférence, mais ce sont les prémisses d’une plateforme pour le bien, commente Loïc Le Meur. J’ai toujours adoré connecter les gens et c’est en train de se passer avec la communauté Paua qui échange constamment. Je peux mourir demain et la communauté sera encore là, elle est complètement décentralisée, elle n’appartient à personne. On est en train de faire quelque chose qui va nous survivre… comme un réseau de mycélium, des champignons sous les arbres qui permettent à la nature de communiquer. Mais si tu coupes un arbre, et bien la forêt va rester. C’est un modèle décentralisé et autonome… comme le web3 au final ».