Le gouvernement veut prendre le virage de l’intelligence artificielle (IA). Et il multiplie les annonces en lien avec cette technologie depuis plusieurs mois. Entouré d’experts français de l’IA, Stanislas Guerini, le ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques, a encore dévoilé de nouveaux projets jeudi matin. Avec une philosophie simple : “mettre l’intelligence artificielle au service de l’humain”. “L’erreur fondamentale serait d’opposer innovation numérique et services publics”, ajoute le ministre, qui se place dans une logique d’expérimentation pour s’emparer des technologies liées à l’IA et anticiper “les transformations profondes” qu’elles entraîneront.

Un premier outil, déployé dans le cadre de Services Publics +, aide déjà les agents dans leur tâche depuis plusieurs semaines. “L'intelligence artificielle pré-mâche une réponse aux questions posées sur le site par les usagers des services publics. L’agent peut ensuite reprendre telle quelle cette réponse mais aussi la modifier à sa guise, avant de l'envoyer”, explique Ulrich Tan, chef du pôle Datalab au sein de la direction interministérielle du numérique (Dinum). 

Recours à des briques technologiques fournies par d’autres acteurs

L’outil fonctionne en utilisant une IA déjà développée par ailleurs. En l'occurrence, c’est l’IA générative “Claude” qui a été implémentée. Mise au point par la société américaine Anthropic, fondée par d’anciens d’Open AI, ce chatbot est un concurrent de ChatGPT.

“1 000 agents se sont portés volontaires pour tester l’outil”, se réjouit Stanislas Guerini. “D’après leurs premiers retours, il permet de réduire les délais de réponses et dans les deux tiers des cas, les agents estiment utiles les réponses suggérées par l’IA”, précise le ministre.

En parallèle, un autre outil est élaboré depuis juin par une équipe de huit personnes au sein de la Dinum. “L’idée est d’aller un cran plus loin, avec 2 millions d’euros déjà dédiés à ce projet”, indique Stanislas Guerini. “Nous travaillons à développer une IA maison, implantée sur nos serveurs, sans déperdition de données chez d'autres acteurs, comme Open AI ou Anthropic”, assure Ulrich Tan.

Pour concevoir cet outil, la Dinum se base sur “des briques technologiques, des intelligences artificielles pré-entraînées et disponibles en open source, comme Llama développé par le groupe Meta ou Falcon”, concède l’ingénieur polytechnicien. “Ces IA pré-entraînés sont comme des robots qui ont appris à parler mais ne savent pas forcément répondre à une question de réglementation. Nous devons donc les ré-entraîner sur de nouvelles données”, explique Ulrich Tan. Une pratique appelée “fine-tuning” dans le milieu de l’IA.

Albert, l’IA maison du gouvernement

Ce deuxième outil, appelé “Albert” dans les couloirs du ministère de la Fonction Publique, doit être proposé à l’ensemble des administrations de l’Etat en 2024. Et celles qui le souhaiteront pourront alors s’en emparer. Mais d’ici la fin de l’année, une expérimentation doit d’abord être lancée avec les maisons France Services, qui conseillent les usagers dans leurs démarches administratives et l’utilisation de services numériques.

Là encore, l’IA doit épauler les agents et les aider à formuler des réponses précises aux usagers. “Il faut former les agents aux prompts (courts textes envoyés à une IA pour obtenir une réponse, ndlr)”, estime Stanislas Guerini. “Il y a un travail d’adaptation à faire, pour aller sur des cas d’usages concrets”, poursuit-il. Le ministre souhaite aussi former les cadres de l’Etat sur les différents enjeux autour de la data et de l’IA générative.

Multiplication des annonces sur l’intelligence artificielle

Par ailleurs, la Dinum a lancé cet été un incubateur baptisé “Alliance”. “Il regroupe déjà 30 à 40 personnes et doit permettre des partenariats publics-privés innovants dans l’IA”, précise Stéphanie Schaer, la directrice interministérielle du numérique.

Le 20 septembre, la première ministre, Elisabeth Borne, avait aussi annoncé un “comité de l’intelligence artificielle générative”. Composé d'acteurs spécialisés dans la recherche, comme Yann Le Cun, chief AI scientist chez Meta, Bernard Charlès, le patron de Dassault Systèmes ou encore Arthur Mensch, le fondateur de Mistral, ce comité a pour objectif de présenter “des propositions concrètes” dans les six mois sur la stratégie à suivre par le gouvernement sur l’IA.

Dès mi-juin, le président de la République, Emmanuel Macron, avait donné le la sur l’intelligence artificielle, en annonçant une enveloppe de 500 millions d’euros pour soutenir la recherche et la formation sur cette nouvelle technologie en France. La concurrence fait rage  dans le secteur de l’IA, avec de nouveaux acteurs qui émergent, notamment aux Etats-Unis, et qui ont déjà réussi à lever des milliards de dollars pour développer leurs produits.