Petit-fils et fils de vigneron, Edouard Roy a monté plusieurs entreprises avant de renouer sérieusement avec ses origines champenoises en 2017. Alors intrapreneur chez Accor, il développe avec son père un champagne blanc de blancs millésimé, vendu sous le nom Alain Edouard, l’alliage de leurs deux prénoms : « C’est un projet qui a bien fonctionné, malgré des petits moyens. Nous ne faisions pas beaucoup de volume, mais nous avons rapidement pu palper les points de douleurs de la chaîne de produit », partage Edouard Roy.

En 2018, alors que l’activité commence à décoller, Edouard Roy décide de s’investir à temps plein dans le projet, et s’associe à Jérôme Queige. « Nous cherchions à pénétrer un monde compliqué d’accès, nous avions besoin de quelqu’un qui maîtrisait la partie commercialisation », commente Edouard Roy.

Repenser le modèle d’élaboration du vin

« Dans le monde du vin, il y a trois types d’acteurs : les vignerons indépendants qui ont leurs propres vignes et vinifient eux-mêmes, les coopératives qui représentaient une large partie des viticulteurs qui y font vinifier leur raisin, et les négociants, qui achètent du jus ou des vins clairs et les assemblent », explique Edouard Roy. « Depuis quelques années, les grandes maisons ont développé leurs propres unités de production, retirant ainsi une large partie de leur activité aux coopératives qui jouissent pourtant d’outils de grande qualité », poursuit-il.

Forts de ce constat, ils décident de créer une maison de champagne qui repense le modèle d’élaboration. « Nous proposons un voyage en Champagne. Chaque cuvée est faite à un seul endroit, d’année en année. L’idée est de collaborer avec des vignerons partenaires, de les mettre en avant avec une rémunération bien répartie, et d’offrir aux consommateurs des vins de grande qualité, issus d’aucun mélange, et traduisant avec précision le terroir dont ils sont issus », indique Edouard Roy. « Nous pensions que le simple fait de bien exécuter, de répondre aux attentes du monde actuel devait permettre de pouvoir rapidement prendre des parts de marché », ajoute-t-il.

Xavier Niel et la famille Mulliez investissent dans Champagne EPC

Richard Dailly, un chef de cave renommé, soutient le modèle et rejoint la jeune pousse dès ses débuts. Quelques mois après, ils réalisent une première levée de fonds de 1,5 million d’euros en amorçage. À l’époque, la marque Champagne EPC n’existe pas encore. Camille, la troisième associée, est alors recrutée pour développer la marque.

« Nous avons eu un intérêt très rapide d’investisseurs qui ne venaient pas du champagne », indique Edouard Roy. Xavier Niel et la famille Mulliez par exemple rejoignent l’aventure. « Ils étaient tous intéressés par le regard différent que nous portions sur un marché fermé, mais qui regorge d’opportunités », poursuit Edouard Roy. Parmi les investisseurs, pas de fonds d’investissement, que des business angels ou des family offices. « Nous n’avons pas créé notre entreprise dans le but de la revendre », insiste Edouard Roy.

Un David parmi les Goliath

Pour incarner au mieux leur modèle, ils créent la marque Champagne EPC, trois lettres qui représentent l’épicurisme. « Nous avons souhaité une marque qui mette en valeur la traçabilité et la transparence. Être à la fois le champagne des champenois et des épicuriens », confie Edouard Roy. Après avoir lancé la commercialisation avec une plateforme de marque qu’ils jugent clivante, ils retravaillent trois ans plus tard une version plus premium.

Cette première étape leur permet tout de même d’être commercialisés dans 32 pays. En 2022, ils vendent 250.000 bouteilles de champagne. Des résultats qui leur permettent de se hisser dans la cour des grands. « Au total, on dénombre un peu plus de 1.000 maisons de champagne. Nous souhaitons à terme intégrer le top 10 des maisons les plus reconnues », indique Edouard Roy. « Au début, nous avons été vus comme des ovnis, maintenant les grandes maisons de champagne nous félicitent et nous considèrent », confie-t-il.

En juillet 2022, ils réalisent une Série A de 5,5 millions d’euros, permettant de continuer à financer le développement de l’export, et du grand export aux US et en Asie, ainsi que le développement produit.

Aujourd’hui, Champagne EPC est commercialisé dans une quarantaine de pays. La maison mère, Grinclair, a répliqué son modèle avec un vin rosé de Provence à travers la maison Aurose. « La recette est la même : traçabilité, mise en valeur du terroir, valorisation des systèmes vigneron », avance Edouard Roy. Cette année, ils prévoient d’expédier 500.000 bouteilles, dont 30 % à l’export. « Pour réussir dans le champagne, il faut soit énormément d’argent, soit énormément de temps. Notre modèle, repensé de fond en comble, nous a permis d’aller plus loin et plus vite », se félicite-t-il.

Stéphane Baschiera au board d’EPC

Pour naviguer et continuer à s’imposer dans le monde du vin, la jeune maison s’appuie sur un savant mélange de valeurs sûres et d’innovations. En 2022, par exemple, Stéphane Baschiera, un ponte du champagne, a rejoint le board d’EPC.
« C’était le meilleur signal que nous pouvions envoyer au marché. Stéphane a dirigé Moët & Chandon, Veuve Cliquot, Ruinart et Dom Pérignon », commente Edouard Roy.

En parallèle, EPC Champagne, fonctionne comme toute startup innovante. Ils ont par exemple créé Dave, leur propre outil marketing. « C’est une sorte d’ERP-CRM qui intègre la prospection avec pas mal d’intelligence artificielle », explique Edouard Roy. Un outil qui leur permet d’avoir la connaissance clients, là où beaucoup de leurs concurrents passent encore par des revendeurs qui offrent peu d’informations sur la destination finale des bouteilles. « Sur la partie corporate, pour les cadeaux d’affaires par exemple, on peut facilement se faire balader de service en service. Avec notre outil, nous multiplions notre productivité par dix par rapport au phoning classique, c’est un facteur d’accélération énorme ». Encore une nouvelle manière d’innover et de continuer à se faire leur place dans le monde du vin.