Aurélia Azoulay-Guetta a toujours aimé la musique. Chanteuse amatrice, elle n'imaginait pas que la musique puisse prendre une place prépondérante dans sa carrière. Elle y arrivera pourtant par la voie de l’entrepreneuriat, un chemin qui l’angoissait profondément à sa sortie de l’EDHEC en 2013, une école qui l’avait davantage préparée à faire du conseil ou à rejoindre un grand groupe. C’est lors d’un concert en plein air organisé chez les scouts qu’elle a finalement rencontré ses cofondateurs.

« On a vraiment galéré avec les partitions qui s’envolaient après avoir passé un temps fou à les annoter, raconte Aurélia Azoulay-Guetta, CEO de Newzik. On était tous fraîchement diplômés et on s’est regardé à la fin du concert. On adorait la musique et on travaillait tous sur partition, mais ce n’était pas normal que cela soit si compliqué. On s’est décidé à se lancer ce jour-là. ».

Newzik propose une application pour la lecture des partitions

À partir de 2014, et pendant les deux années suivantes, ils passent davantage de temps avec les orchestres et sur des concerts que dans leurs bureaux. Ils cherchent à faire la preuve du concept en construisant le produit main dans la main avec les musiciens. À partir de 2016, la commercialisation commence et ils arrivent petit à petit à convaincre des orchestres d’utiliser Newzik.

Au début, l’application se présente comme un lecteur PDF collaboratif dédié à la lecture de partition, mais le marché les invite à se montrer plus ambitieux et ils commencent à développer de la reconnaissance musicale à partir de 2018. En effet, la startup a injecté de l’intelligence artificielle pour que l’application puisse analyser les partitions en profondeur et reconnaître les notes.

Ce tournant dans l’histoire de Newzik arrive à point nommé puisque le Covid vient plonger dans la tourmente le modèle économique de la startup. En effet, il était jusqu’alors centré sur la vente en SaaS de la solution en B to B à des orchestres, une activité qui s’arrête en mars 2020.

« On a immédiatement pivoté, explique Aurélia Azoulay-Guetta. Si les orchestres s’arrêtent, les écoles devaient continuer. On a donc sorti une offre éducation avec un grand distributeur américain nommé Music First. Grâce à eux, on a déployé le produit sur le web pour ne plus être uniquement sur l’univers Apple et permettre aux écoles d’utiliser Newzik sur leurs Chromebook par exemple. Cela a été un vrai tournant commercial et produit qui a été impulsé par le Covid. ».

En effet, le produit est désormais accessible pour les musiciens amateurs, ce qui représente 40 % du chiffre d’affaires de la startup aujourd’hui. Ce pivot a aussi été rendu possible par un coup de chance : Newzik avait clôturé une levée de fonds de 3 millions d’euros quelques jours avant l’annonce du premier confinement. La jeune pousse s’est ainsi retrouvée avec suffisamment de cash pour voir venir et préparer la suite de l’aventure.

Une démonstration avec l'Opéra de Paris pour Tim Cook

Sur la décennie écoulée, la startup a réussi à s’installer auprès des plus grands orchestres symphoniques et opéras, parmi lesquels la Scala à Milan, le Metropolitan Opera à New York, ou encore l’Opéra de Vienne. « Ils utilisent tous nos solutions pour partager les partitions, les annoter et les jouer, lance Aurélia Azoulay-Guetta. On a ainsi plus de 50 orchestres clients en Europe, 350.000 utilisateurs dans le monde et 10 millions de partitions stockées dans notre cloud. ».

Un succès qui est arrivé jusqu’aux oreilles de Tim Cook, le CEO d’Apple, qui est venu leur rendre visite en 2019. En effet, l’adoption de Newzik par ces orchestres s’est faite avec l’achat de nombreux iPad Pro.

« Cet usage a boosté les ventes de ce modèle, s’exclame la CEO de Newzik. C’est remonté aux équipes de ventes France, puis US jusqu’à arriver aux oreilles de Tim Cook. Ils ont principalement conçu les iPad pour les graphistes et découvrir ce nouveau use case l’intéressait. On avait organisé un concert avec des musiciens de l’Opéra de Paris et Tim Cook avait les yeux qui brillent en voyant les iPad prendre vie en musique. ».

Le CEO d’Apple avait d’ailleurs questionné sur la possibilité de travailler avec Garage Band, leur application musicale maison. Si cela n’avait pas été possible à l’époque, les discussions reprennent alors que la reconnaissance de partitions par l’IA ouvre de nouvelles perspectives.

Vers la rentabilité

Comme de nombreuses startups actuellement, la rentabilité est également un grand sujet. « On a bientôt 10 ans, partage Aurélia Azoulay-Guetta. Amazon a mis 10 ans pour être rentable. Et je le vois comme un drapeau rouge —une date limite— qui invite à chercher la rentabilité. C’est ce qui dicte toutes nos décisions au quotidien. ».

2023 devrait donc être l’année de la rentabilité pour Newzik. Un objectif qui va devenir un impératif s’ils veulent aussi respecter l'engagement qu’ils ont pris de ne plus faire de levée de fonds.