L'ambition de Morfo ? Restaurer les écosystèmes forestiers à grande échelle, en utilisant notamment des drones pour venir planter rapidement des capsules de semences. Et d’ici à la fin de l’année 2023, la startup aura déjà reforesté plus de 600 hectares, soit 800 terrains de football. D’après l’ONU, il faudrait pourtant réussir à restaurer 1 milliard d’hectares de forêt d’ici à 2030 pour répondre à l’urgence climatique. Au rythme actuel, seulement 5 % de l'objectif serait atteint. Morfo se donne donc pour mission de faire passer à l’échelle la reforestation.

Hugo et Pascal Asselin sont frères et habitent en Guyane française où leur père travaillait à la mine. Pascal avait lancé une startup dans les Legaltech et Hugo a suivi son père dans une société minière, où il se chargeait de la fermeture des mines et de la réhabilitation des sols. C’est là qu’il découvre les enjeux et la difficulté de restaurer les écosystèmes. Les deux frères rencontrent alors Adrien Pages, un entrepreneur qui avait déjà lancé une entreprise développant une alternative aux matières plastiques pour réaliser les emballages. Il trouve que l’activité n’apporte pas un impact suffisant et cherche son nouveau challenge. Ensemble, ils imaginent ce projet de reforestation par drones.

« L’idée paraissait un peu lunaire, reconnaît Adrien Pages, CEO de Morfo. On l’a soumise à des scientifiques en France et notamment auprès de l’IRD (l'institut de recherche pour le développement) et du CIRAD (centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). Ils ont validé l’idée et on a lancé une première collaboration de recherche avec eux. On était en mai 2021. Il s’agit d’ailleurs d’un point qui nous différencie beaucoup : on a une relation très forte avec la recherche publique qui a été hyper bénéfique en nous donnant une crédibilité, une confiance, mais aussi une accélération. ».

Multiplier les validations en peu de temps

Les choses vont en effet très vite pour les trois jeunes entrepreneurs puisqu'en janvier 2022, huit mois plus tard, ils se retrouvent sur une mine de Guyane avec leur premier prototype fonctionnel pour planter les premières graines. Ce même mois, ils signent leur premier client pour un projet au Gabon. Quelques mois plus tard, la startup intègre Agoranov, l’incubateur sciences et tech de Paris. Moins d’un an après sa création, Morfo a donc réussi à recueillir une validation scientifique, commerciale et du marché. Une nouvelle validation arrivera en novembre 2022 avec une levée de 4 millions d’euros auprès de Demeter, Raise Ventures, AFI Ventures (Ventech), TeamPact Ventures et des business angels.

Morfo est ainsi dans une position assez unique. En effet, une entreprise deeptech va généralement passer ses cinq premières années à faire de la recherche avant de déployer sa solution. Les trois cofondateurs ressentaient pourtant l’urgence, pas simplement climatique, mais de se confronter au marché. L’équipe compte donc 22 collaborateurs et a signé des clients de plusieurs centaines de milliers d’euros (voire de quelques millions d’euros).

Une croissance qui les a amenés à ouvrir un bureau au Brésil où la traction était particulièrement forte auprès de l’industrie minière. En effet, les clients sont majoritairement de cette industrie aujourd’hui mais pourraient rapidement se diversifier. « On est sur des temps commerciaux qui peuvent monter jusqu’à douze ou dix-huit mois, explique Adrien Pages. Et nous avons deux ans d’existence. Nous avançons donc avec des collectivités publiques, des États, mais aussi des entreprises de l’agroalimentaire. L’objectif, c’est de diversifier énormément parce que le besoin de reforestation est vraiment global ! ».

L’heure du passage à l’échelle

Et Morfo voit les choses en très grand avec l’ambition d’être l’acteur qui permettra vraiment le passage à l’échelle d’une reforestation de qualité. L’enjeu n’est en effet pas seulement de planter des arbres à tour de bras puisqu’il faut proposer une grande variété des essences pour favoriser le retour d’écosystèmes diversifié qui en permettra la résilience.

La startup vise ainsi un impact sur le long terme, utilisant les nombreux travaux de recherches pour sélectionner les arbres qui vont encore s’épanouir dans quarante ans, même si le climat fait un bond de 4°C. « On souhaite reforester l’équivalent de la surface de l’Allemagne et de l’Espagne d’ici à 2050, explique Adrien Pages avec simplicité. Cela commencera à avoir un vrai impact à l’échelle du globe. Mais même si on y arrive, ce ne sera toujours pas suffisant et il faudra que d’autres boîtes s’y mettent. ». La taille du problème est gigantesque, mais celle de l’ambition des cofondateurs de Morfo l’est tout autant.