Alors que les levées de fonds des startups en Europe, aux Etats Unis et en Chine, ont baissé de 50% en 2023 par rapport aux années précédentes, et que les taux d’emprunt explosent, les jeunes pousses doivent résolument se tourner vers l’augmentation de leur chiffre d’affaires pour financer leur croissance. Le développement d’une startup se fait le plus souvent en deux phases. Une phase d’expérimentation (les POC ou preuve de concept) puis une phase de passage à l’échelle.

La focalisation sur le développement du chiffre d’affaires n’arrive généralement qu’une fois la première phase passée. Cette phase d’expérimentation, où la startup teste son produit auprès de grands groupes, était financée principalement par l’emprunt ou la levée de fonds. L’argent provenant de ces sources se faisant plus rare et plus cher, il leur faut désormais se pencher plus tôt sur leurs ventes. Par conséquent, il va leur falloir passer par les directions Achats de leurs futurs clients alors qu’ils avaient plutôt tendance à les éviter au maximum.

Travailler avec des startups est une situation extrême

Paradoxalement, ce changement d’horizon pour les startups aura pour elles un impact limité en termes d’organisation. Le véritable défi réside plutôt dans la nécessité pour elles de comprendre et de s'adapter aux processus d'achats propres à chaque grand groupe client. En revanche, l’impact sera bien plus important sur les clients, et particulièrement sur leurs fonctions Achats. Car travailler avec des startups est une situation extrême qui met à mal tous les réflexes et processus établis du monde classique des achats orientés vers la maîtrise des risques et l’optimisation financière.

Les startups représentent en effet les fournisseurs les plus à risques qui soient. Par définition sans modèle d’affaires établi et avec peu de clients, elles ne présentent que rarement les garanties exigées des fournisseurs classiques. En cas de défaillance de ce fournisseur fragile, le client peut se retrouver fortement exposé opérationnellement et judiciairement.

Ensuite, les projets avec les startups portent majoritairement sur des innovations qui ne rentrent pas dans les cases des Achats. Ce sont des projets complexes, avec de nombreux interlocuteurs et des problématiques à la fois commerciales et touchant à la propriété intellectuelle, mais aussi portant sur des montants relativement faibles. L’application des procédures et comportements Achats classiques freine tout possibilité de coopération.

Apprendre à gérer les risques plutôt que de les éliminer

Pour autant, les grands groupes ont besoin de ces startups qui sont de grandes sources de renouvellement et d’innovation. Pour arriver à coopérer efficacement avec elles, il leur reformer leurs fonctions Achats pour les rendre plus innovantes. Les acheteurs de nouvelle génération doivent pouvoir faire le pont entre la startup et le grand groupe, mais aussi au sein de leur entreprise entre les différentes fonctions, Recherche et Développement, Marketing, Juridique...

Cela leur demande des compétences différentes : savoir jauger l’innovation, établir des connexions, travailler dans l’incertain et l’ambigüe, mais aussi développer leur empathie vis-à-vis des fournisseurs innovants comme des utilisateurs des solutions qui leurs sont achetées. Et cela demande une nouvelle approche des risques : il ne s’agit plus de chercher à les éliminer mais de travailler à les gérer.  Demain, les acheteurs seront aussi amenés à accompagner les startups en allant directement travailler avec eux à monter leur supply chain aval – transférant ainsi leurs connaissances sur ce qui fait leur force actuelle.

Travailler avec des startups – et particulièrement les plus jeunes d’entre elles – appelle une révolution dans le leadership des Achats. D’une orientation vers l’optimisation de la qualité, des coûts et des délais, il s’agit de favoriser d’abord l’extension de la capacité d’innovation de l’entreprise en travaillant sur l’interne et sur l’externe. C’est avec ces changements dans les modes de fonctionnement des achats que les startups pourront aller chercher du cash en toute confiance. C’est à ce prix que des écosystèmes nouveaux et solides pourront s’élaborer, sur la base de relations d’affaires apaisées, et non de recherches de financements de plus en plus ardues.