La situation est moins resplendissante qu'elle n'a pu l'être il y a un ou deux ans », reconnaît d’emblée Matthieu Vincent, le cofondateur du cabinet de conseil spécialisé DigitalFoodLab, en introduction du Foodtech Festival. Celui-ci adopte une définition large du secteur : « l’ensemble des innovations sur toute la chaîne de valeur du domaine alimentaire, de la production au consommateur final. »
Le consultant, qui publie chaque année un rapport sur la Foodtech en Europe, a identifié plusieurs grands facteurs qui font de l’alimentation un enjeu crucial pour les décennies à venir. Le plus évident est le changement climatique : celui-ci a des conséquences majeures sur l’agriculture et l’alimentation, tout en étant une conséquence de ces activités. Un quart des émissions mondiales de CO2 sont en effet liées à la chaîne de valeur alimentaire.
Dans le même temps, la démographie bouleverse le secteur, avec d’une part, de moins en moins de bras pour l’agriculture dans les pays développés et, d’autre part, une croissance de la population - et donc de la demande alimentaire - dans les pays émergents. À cela s’ajoutent de nombreux enjeux liés à la santé, dans laquelle l’alimentation joue un rôle clé.
30 % des investissements en Europe, 10 % en France
Changement climatique, démographie, santé… Autant de sujets dans lesquels les startups peuvent apporter des solutions innovantes, en particulier en se positionnant sur l’une des six “megatrends” que sont les “sustainable proteins”, les “resilient farms”, les “smart supply chains”, la “food as medicine”, “l’instant retail” ou la “food automation”.
Et pourtant ! Comme dans la plupart des secteurs, les investissements dans la foodtech ont fortement chuté en 2023, après la forte accélération de 2021. « On observe des investissements divisés par 3, 4 ou 5 selon les régions », constate Matthieu Vincent, qui se veut tout de même optimiste.
Il met ainsi en avant le fait que les investissements en amorçage et en “early stage” se maintiennent. « Cela veut dire que le futur est préservé », estime-t-il, avant d’ajouter que certes, « les grosses startups sont en difficulté, mais c’est surtout dans des sujets, qui, si on est honnête, n’auraient jamais dû être financés, ou en tout cas pas à ces niveaux-là ». Il pense notamment au secteur du “quick commerce” et ses centaines de millions levés par Gorillas, Getir ou Flink.
Malgré les faillites et les désillusions, cette bulle a eu un effet positif : « cette tendance était portée par l’Europe, elle a mis le continent sur la carte des investisseurs. »
En effet, en zoomant sur la situation en France et en Europe, le consultant identifie des signaux encourageants pour l’avenir. « En 2017, la France représentait 1,7 % des investissements mondiaux du secteur. A la fin de l’année, ce sera 10 % », pointe-t-il. De même en Europe, qui représente désormais 30 % des investissements, contre 10 % il y a quelques années. « Il faut surfer cette vague : sur le rebond, si on n'est pas trop mauvais collectivement, on va bien s'en sortir en Europe. »
La France, tout particulièrement, a une carte à jouer en raison de la vitalité de ses entreprises qui opèrent dans l’agritech et la biotech et/ou ont adopté des modèles BtoB, plus résilients que le BtoC. Pour autant, Matthieu Vincent reste réaliste : « les faillites vont continuer, et c’est normal : cela permet de remettre les notions de risque et de rentabilité au coeur de la discussion. »