Le rapport entre banque et climat est-il en train d'évoluer sous l'impulsion des «néobanques vertes» ? C'est en tout cas ce que cherchent ces acteurs bancaires numériques nouvelle génération ciblant une clientèle soucieuse de l'environnement. Ces banques en ligne évoluent chacune à leur rythme pour agir face au changement climatique et faire bouger les mentalités dans un secteur concurrentiel. Green-Got revendique 327 millions d'euros de transactions tandis que Helios vise la rentabilité en 2026. Ces deux néobanques vertes créées en 2020 partagent le même objectif : s'accaparer les parts de marché des banques historiques françaises, dont la contribution à l'industrie fossile recule progressivement, mais demeure toujours importante.

Les banques françaises ont été entre janvier 2016 et juin 2023 impliquées dans plus de la moitié des emprunts émis sur les marchés par l'industrie fossile dans le monde, a calculé un consortium de journalistes dans une enquête publiée le 26 septembre. Dans ce type d'opérations, les banques ne prêtent pas directement de l'argent mais conseillent les compagnies pétrolières pour qu'elles empruntent auprès d'investisseurs privés.

Une goutte d'eau pour financer la transition écologique

Chez Green-Got, «un euro émet quatre fois moins d'émissions que dans une grande banque française», affirme à l'AFP sa co-fondatrice Maud Caillaux, qui propose à ses clients un compte courant à six euros par mois. Grâce à ses 62 000 utilisateurs, Green-Got finance des projets «avec toujours le même socle commun : limiter les émissions de gaz à effet de serre et préserver la biodiversité», précise-t-elle. A titre d'exemple, un projet de reboisement dans la forêt de Brocéliande en Bretagne après les incendies de 2022 ou le développement d'une centrale solaire en Inde.

Pour étoffer son portefeuille de produits, qui comprend un compte joint, un compte pro et une assurance-vie, Maud Caillaux envisage notamment de lancer un Livret A à compter de début 2024. Un pas que ne franchira pas la co-dirigeante de Helios, Maeva Courtois. Rémunéré à 3 %, «le Livret A est un produit réglementé, pas géré à 100 % par la banque et qui ne nous permettrait pas de gérer la transition écologique comme on le souhaiterait», souligne-t-elle. De fait, un amendement permet de financer l'industrie de la défense grâce au Livret A, depuis son adoption ce mois-ci dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, un secteur qui n'est pas la cible d'Helios.

La gamme de services mise en place par Helios pour ses 23 000 comptes comporte un compte courant (à six euros par mois), un compte joint, un compte jeune ou encore un programme de fidélité éco-responsable. Depuis sa création, Helios a financé six millions d'euros de projets (agriculture durable, rénovation thermique de bâtiments, recyclage du plastique...). Des thématiques «identifiées par les scientifiques comme celles à financer dans les prochaines années pour transformer l'industrie», assure Maeva Courtois. Un tel montant sur trois ans est une goutte d'eau par rapport aux 60 à 70 milliards d'euros nécessaires chaque année pour financer la transition écologique, selon un rapport de l'économiste Jean Pisani-Ferry et de l'inspectrice générale des finances Selma Mahfouz.

«Pas des banques»

Une néobanque verte peut-elle désormais se substituer à une banque de détail traditionnelle ? Pour Raphaël Cros, chargé de campagne pour l'ONG Reclaim Finance, elles «n'ont pas cette vocation, les volumes n'étant pas comparables». En revanche, elles «constituent un vrai attrait pour les citoyens» désirant un changement de paradigme dans le rapport entre banque et climat.

Le directeur du marché des particuliers au Crédit coopératif, une banque qui finance l'économie sociale et solidaire depuis 130 ans, Imad Tabet salue leur existence comme «positive» mais rappelle qu'elles «ne sont pas des banques», ne disposant pas de l'agrément bancaire. Elles n'ont pas l'autorisation de proposer à leurs clients de crédit immobilier, par exemple, ce qui restreint leur capacité à faire jeu égal avec les banques traditionnelles. OnlyOne, qui s'est lancée en 2018 comme néobanque, s'est elle transformée en plateforme financière se revendiquant «responsable», proposant aux banques et aux fintechs des algorithmes d'empreinte carbone et un éco-coach, pour encourager une consommation durable chez les clients.