L’Union européenne annonce à l’occasion du sommet européen sur l'espace qui se déroule cette semaine à Séville vouloir rattraper son retard dans l’exploration et la conquête spatiale. Cet aveu ne devrait pas surprendre. Il est le reflet d’une chronique d’une défaite annoncée. Si nous avons pris du retard sur la modernisation de notre stratégie spatiale, il est encore temps d’allumer plein feu les réacteurs du « newspace » et de jouer collectif pour concurrencer sérieusement SpaceX. Ce moment est décisif pour notre souveraineté européenne à plusieurs égards, notamment concernant nos télécommunications qui dépendent directement de nos capacités spatiales. Il est impératif pour la qualité et la souveraineté de nos échanges sur internet que l'Europe prenne des mesures pour préserver son indépendance industrielle dans le domaine spatial.

Traditionnellement, les développements de satellites sont définis par des règles de qualités strictes définies par les Agences Spatiales comme l’ESA ou la NASA. Certains gros satellites peuvent durer plus de 15 ans en orbite sans possibilité de maintenance ce qui induit des normes de qualité et des exigences de fiabilités très élevées. Les barrières à l’entrée liées à ces exigences de qualités ainsi que le coût de développement très élevé (plusieurs centaines de millions d’euros) ont freiné l’arrivée de nouveaux entrants jusqu’à aujourd’hui… L’ère des géants industriels comme Airbus, Thales Alenia Space, Boeing ou Lockheed Martin qui dominent depuis des années est mise à mal. Probablement à cause d’un manque de concurrence et à une certaine arrogance, le secteur spatial n’a pas su anticiper l’arrivée d’un nouvel entrant affranchi de toute contraintes réglementaires ou géopolitiques. En quelques années, entre innovations de rupture pour les lanceurs réutilisables et constellation de satellites, SpaceX a défini un nouveau paradigme économique dans le spatial avec comme première victime Ariane.

Starlink, une menace pour les opérateurs

La constellation Starlink d’Elon Musk vient déstabiliser l’univers des télécommunications. En promettant un accès à Internet rapide partout dans le monde, Starlink représente une véritable menace pour les opérateurs et notre souveraineté.

Se connecter à internet grâce à un satellite n’a rien de révolutionnaire. Cependant, les satellites de Starlink, grâce à leur position, pourraient vite prendre le dessus sur les autres : la vitesse de communication est rapide et accessible de n’importe quel endroit dans le monde, de quoi répondre aux problèmes des zones blanches. À l’inverse, ses concurrents fournissent un accès à Internet par des satellites géostationnaires avec un temps de latence plus élevé et donc moins pertinent pour le streaming. Six mois après son lancement en France en 2021, la solution Starlink comptait déjà 10.000 abonnés.

Thierry Breton, commissaire européen à l'Industrie et à l'Espace, a annoncé en novembre le coup d'envoi d'Iris2, faisant face à cette menace. Cette constellation de satellites multi-orbites devrait être opérationnelle dès 2027. Il s’agit d’une alternative européenne indispensable qui doit être développée et soutenue pour éviter que tout le marché des télécommunications soit transformé. C’est notre souveraineté qui est en jeu.

Un enjeu de souveraineté européenne

Pour préserver notre souveraineté, un partenariat stratégique a été formé entre Airbus Defense and Space, Eutelsat, Hispasat, SES et Thales Alenia Space, qui se sont engagés à créer un consortium ouvert à d'autres acteurs. En investissant dans la constellation Iris2, l'Europe se dote d'une infrastructure de communication sécurisée et résiliente. Cela nous permettra de maintenir le contrôle de notre infrastructure même dans des situations critiques, telles que des conflits, des cyberattaques ou des catastrophes naturelles.

Dépendre exclusivement d'innovations étrangères privées, n'est pas viable et nous amène à nous interroger sur la protection des données personnelles et leurs utilisations. Une telle situation enverrait un signal contradictoire après les efforts mis en place par la Commission européenne pour limiter l'hégémonie des entreprises américaines de la tech et protéger les données numériques des ressortissants de l'Union européenne. Pour préserver notre souveraineté, nous devons accélérer le processus d'approbation des budgets, prendre des risques en investissant dans des acteurs émergents sans les contraintes imposées par les règles de retour financier géographique des projets européens.

Ne laissons pas notre souveraineté dans les télécoms être compromise ; investissons dans notre avenir numérique dès maintenant.