Alors que les dérives de la fast-fashion font de plus en plus souvent les gros titres (la marque Shein ajoutant en moyenne 7.200 modèles chaque jour à son catalogue), la marque française Asphalte mise sur le slogan « moins de vêtements, plus de qualité » en proposant une collection restreinte de pièces qui se montreront plus durable. Depuis ses débuts, la marque s’appuie sur la co-création en interrogeant constamment sa clientèle sur les vêtements qu’ils souhaitent voir proposer à la vente. Un moyen d’éviter la production de pièces qui ne rencontreront pas le succès.

De la même manière, Asphalte se démarque en fonctionnant presque exclusivement à la précommande, leur permettant d’adapter leur production à la demande. La marque va pourtant faire une exception à cette règle en ouvrant une boutique pop-up à Paris du 25 novembre 2023 au 14 janvier 2024 pour permettre à de nouveaux clients de les découvrir. Une bonne idée business puisqu’Asphalte avait recruté 40 % de nouveaux clients lors de sa première boutique pop-up au printemps 2023.

Asphalte veut mettre le pouvoir entre les mains du client

William Hauvette (CEO) et Rodolphe Gardies (Chief Brand Officer) se sont rencontrés autour d’une autre marque de vêtement. En effet, William Hauvette avait d’abord fondé Six&Sept, une marque spécialisée dans la maille et proposait des pulls haut de gamme. « Cette marque suivait exactement ce que faisait toutes les marques de vêtements : c’est-à-dire une boutique physique, des revendeurs partout en France et dans le monde, et qui produit des vêtements avant d’essayer ensuite de les distribuer », explique Rodolphe Gardies.

Si les pulls de la marque sont de qualité, ils coûtaient très cher et vieillissaient assez mal. Rodolphe Gardies est d’abord venu rejoindre William Hauvette pour participer au développement de cette marque, mais ils se retrouvent rapidement à parler de ce qu’ils pourraient créer ensemble. Si la marque Asphalte ne semble pas avoir vécu de traversée du désert avant de trouver son public, c’est parce qu’elle a bénéficier de cette précédente expérience.

« On a alors mis ensemble nos compétences et nos savoir-faire pour repenser le modèle de création de vêtements depuis le début. Plutôt que de créer des vêtements tout seul dans notre coin, on a décidé de demander aux gens ce qu’ils attendaient. Avec Asphalte, on voulait mettre le pouvoir entre les mains du client. »

Le 27 octobre 2016 à 10:00, ils lancent la précommande de leur premier produit : le « pull parfait », l’aboutissement du travail de William Hauvette sur la marque Six&Sept. Une méthode qu’ils vont reproduire pendant les années à venir. En plus de leur permettre de dérisquer la production, le système de précommande leur permet de réduire leurs coûts et de proposer l’objectif qu’ils s’étaient fixé : « de la bonne qualité au bon prix ».

L’accélération de trop ?

Galvanisés par ce premier succès, les fondateurs d’Asphalte multiplient les produits : jeans, chemises, tee-shirts, chaussures, etc. Ils grandissent suffisamment pour proposer une nouvelle référence chaque semaine. Quelle est l’étape d’après ? William Hauvette et Rodolphe Gardies se posent la question et décident d’accélérer encore la cadence pour viser les deux lancements par semaine en 2021. C’était l’accélération de trop.

« Cela a mis une pression sur l’équipe qui était à flux tendu pour tenir notre promesse d’avoir un bon produit et un bon marketing. » Le catalogue perd en clarté et la cadence commence à les faire ressembler aux acteurs de la fast-fashion qu’ils condamnent depuis leurs débuts. Ils tiendront le rythme pendant un peu moins d’un an avant de revenir vers celui d’une référence par semaine.

La leçon est apprise pour Asphalte qui se recentre : « Tout l’enjeu réside dans le fait de bien choisir les produits que l’on fait, de bien les travailler, et d’en optimiser le marketing. Faire en sorte que chaque lancement performe de mieux en mieux. »

Asphalte sur les marchés anglais et allemand

Suite à cette erreur, Asphalte se met en quête d’une accélération plus saine. Celle-ci se fera du côté de l’ouverture de la mode femme en 2021 (qui représente aujourd’hui 25 % de son chiffre), juste après s’être ouvert à de nouveaux marchés.

« On a décidé de se lancer vers les marchés anglais et allemand en 2020. Au début les statistiques étaient en faveur du marché anglais, mais progressivement le marché allemand s’est montré plus sensible à notre démarche écologique et notre promesse de durabilité. Aujourd’hui, les clients allemands dépensent même 25 % de plus que les clients français. » La marque réalise tout de même 90 % de son chiffre en France (l’Allemagne représentant environ 8 %).

Cette accélération a d’ailleurs été au centre d’une levée de fonds de 5 millions d’euros réalisée en mars 2023 auprès de Kostogri (société d’investissement du CEO de Betclic, Nicolas Béraud), et des fonds M Capital, Quadia et Naco. La surconsommation n’a qu’à bien se tenir.