Pendant qu’une Cité Universelle est en train de sortir de terre à Pantin, avec un bâtiment de 30 000 mètres carrés qui a l’ambition de rompre toute distinction entre publics valides et handicapés, les travaux d’un autre espace sont officialisés ce mardi en présence du maire de Saint-Denis. En effet, le Handilab, lieu de 15 000 mètres carrés qui s’est autoproclamé « Station F dédiée au handicap », ambitionne de rassembler dans un même lieu startups, grands groupes, associations… pour innover sur le secteur du handicap. Il s’agit assurément d’une bonne nouvelle pour la Handitech qui souffre d’un important déficit de visibilité.

« C’est aujourd’hui l’enjeu numéro un du secteur : on a besoin de pédagogie, de faire comprendre que le handicap est une réalité multiple et que la handitech n’est pas un marché de niche. Il y a 10 millions de personnes en situation de handicap en France. C’est 10 % de la population », explique Laurence Vergès, déléguée générale de l'association Handitech. Elle est persuadée que, outre le fait que l’innovation peut veut venir au service du handicap, l’inverse est aussi vrai : en effet, d’après elle, le handicap pourrait venir au service de l’innovation. 

Le handicap au service de l’innovation

Ainsi, la première télécommande aurait été inventée pour les tétraplégiques, avant de devenir un outil de zapping indispensable pour le reste de la planète. Les ascenseurs dans les transports en commun, s’ils ont été mis en place pour assurer l’accessibilité aux personnes en fauteuil, sont principalement utilisés par des personnes valides (avec des bagages, des poussettes, des vélos …). Les meilleures innovations semblent donc être celles qui font tomber la barrière du handicap pour améliorer la vie du plus grand nombre. C’est le cas de la lampe de bureau Polux : si cet objet intelligent a été pensé pour les personnes malvoyantes, il vient surtout se présenter comme une solution pour mieux éclairer tous les bureaux.

L’association Handitech souhaite d’ailleurs soutenir ce genre de produit inclusif en annonçant la création d’un label Conception Universelle. En effet, elle part du principe que les entreprises ne devraient plus designer un produit pour les clients valides, avant de chercher un moyen de l’adapter aux personnes en situation de handicap : elles devraient immédiatement chercher cette universalité.  De nombreuses innovations développées par des startups de la Handitech ont d’ailleurs multiplié leur impact en ciblant également la Silver Economy.

Dans un même temps, l’intelligence artificielle trouve de nombreux débouchés dans la Handitech où les interfaces homme-machine permettent de changer la donne pour de nombreuses personnes.

Un financement compliqué

Si la Handitech semble donc avoir des atouts, le secteur rencontre aussi plusieurs embûches. Tout d’abord, il est important pour Laurence Vergès de casser l’image du handicap comme étant une dénomination réservée aux personnes non voyantes ou en fauteuil. En effet, de nombreux handicaps sont invisibles comme les troubles dys, l’autisme ou le diabète. Par conséquent, l’association la Handitech souhaite démontrer l’importance d’investir dans ce secteur qui est bien loin de ne représenter qu’une niche. « C’est pourtant la croix et la bannière pour trouver des financements », explique sa déléguée générale.

Entre la méconnaissance des sujets par les investisseurs, le cadre réglementaire strict, les longs temps de développement du secteur et la difficulté à rentrer en contact avec sa clientèle, la Handitech est parfois sur un timing qui n’est pas compatible avec celui des fonds d’investissement. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’une des grandes success stories de la Handitech : Wandercraft, la startup française qui s’est illustrée grâce à la création d’un exosquelette.

« Si on regarde leur histoire, ils ont été créés en 2012… et ils ont commencé à commercialiser en 2019. Quels fonds d’investissement sont prêts à attendre sept ans ? Ils se sont d’ailleurs lancés directement aux États-Unis et ont vendu 12 appareils à l’heure actuelle, après une levée de 40 millions en 2021 », rapporte Laurence Vergès.

La Handitech prend donc son temps, mais elle émerge avec de grandes ambitions : améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap… et pourquoi pas améliorer le quotidien du reste du monde dans le même temps.