“Comment avoir un impact avec ses investissements, sans pour autant négliger la performance financière ?” Voilà une question que se posent de plus en plus d’entrepreneurs ayant réalisé un cash-out. “La question de l’horizon d’investissement est centrale et si une déconnexion ponctuelle est possible à court-terme, investir en générant de l’impact social ou environnemental est compatible avec la performance financière à moyen ou long terme”, explique ainsi Lise Moret, la Directrice Finance Durable & Investissement à Impact de la banque Hottinguer. 

Chacun peut toutefois appréhender ce sujet de façon différente, étant donné que la notion d’impact recouvre de nombreux aspects. L’investissement à impact peut de fait, poursuivre plusieurs objectifs de durabilité associés à l’objectif de performance financière. Diversité ? Gouvernance ? Protection de la biodiversité ? Relocalisation ? Réduction des émissions de CO2 ? “L’impact” regroupe ainsi des thématiques très diverses, avec des enjeux et des critères d’évaluation bien spécifiques dans chaque cas.

Les marchés cotés : un relai d’impact à fort potentiel

Une fois ses objectifs définis, comment passer à l’action ? “Pour un investisseur privé qui veut faire de l’impact, le ‘non-coté’ est le ‘terrain de jeu’ le plus naturel”, estime Lise Moret. Comme son nom l’indique, ce “non-coté” regroupe l’ensemble des investissements réalisés en dehors des marchés boursiers listés, tels que les prises de participation en direct (dans le cadre d’une activité de business angel, par exemple) ou le recours à des fonds de Private Equity ou de dette privée.

Néanmoins, le non-coté n’est pas la seule option pour générer un impact par ses investissements. “Il ne faut surtout pas s’interdire d’aller vers les marchés boursiers cotés : ces marchés représentent la majorité des flux financiers et financent une part importante du tissu économique”, rappelle ainsi Lise Moret.

Des produits “à impact” existent d’ores et déjà sur les marchés, comme les “green” et “social” bonds, des obligations destinées à financer des projets clairement identifiés avec un impact mesurable, ou comme les fonds actions thématiques se basant sur des critères d’impact dans leur sélection.

Communication ESG et indicateurs d’impact en cours de standardisation

“Certes, ces stratégies thématiques se heurtent à la rareté des « pure players » sur les marchés cotés, ce qui rend plus complexe le routage des flux d’investissement vers un objectif d’impact bien spécifique comme la transition bas carbone, la préservation de la biodiversité, la gestion des ressources en eau ou encore l’éducation ou l’accès à la santé”, explique Lise Moret. 

De fait, cela nécessite l’accès à un niveau d’informations très précis sur les mix d’affaires des entreprises cotées qui sont souvent très diversifiés. “La bonne nouvelle est que la communication ESG et la divulgation d’indicateurs d’impact sont en cours de standardisation, avec une harmonisation progressive des obligations de reporting réglementaire côté entreprises et investisseurs et la mise en place de labels et de normes de durabilité exigeantes. Cette nouvelle donne devrait fluidifier l’information et rendre plus transparente les retombées en matière d’impact des modèles d’affaires des entreprises cotées”, estime la représentante de la banque Hottinguer.

“La limitation des risques d’« Impact Washing » est un véritable enjeu pour les gestionnaires d’actifs comme pour les investisseurs privés qui s’engagent dans une démarche de finance responsable en investissant sur les marchés cotés. Dès lors, il s’agit de penser de nouvelles instrumentations pour gérer la performance environnementale et sociale simultanément à la performance financière”, affirme Louise Taupin, investisseur privé.

L’engagement actionnarial, un moyen d’influencer les entreprises

Lise Moret souligne également que pour avoir un impact via les investissements sur les marchés côtés, il faut souvent “plus de travail pour déceler l’impact et l’intention des sociétés, avec une gestion active et un dialogue à mettre en place avec les managements des entreprises”.

Un moyen d’influencer les stratégies des entreprises cotées est en effet de pratiquer activement l’engagement actionnarial. Avec un collectif d’investisseurs européens, la société de gestion Messieurs Hottinguer & Cie a ainsi récemment porté la question climatique au débat de la dernière assemblée générale d’entreprises de secteurs à fort enjeux environnementaux comme Engie.

Si les résultats d’une stratégie d’engagement actionnarial active ne sont pas toujours immédiats, celle-ci permet de mettre le sujet à l’ordre du jour des discussions avec les entreprises et de les aider dans leur démarche de progrès et de transparence sur les sujets ESG. 

L’engagement actionnarial vise en effet notamment à inciter les entreprises à plus de transparence et de cohérence. “Sur les sujets environnementaux et sociétaux, nous ne disposons pas toujours d’informations suffisantes de la part des sociétés, si les régulateurs et les actionnaires les demandent de plus en plus, un cercle vertueux peut se mettre en place”, conclut Lise Moret.

“La complexification du métier de l’investissement appelle à une évolution collective des pratiques des gestionnaires d’actifs”, abonde Louise Taupin. “Des initiatives de dialogue actionnarial groupé entre investisseurs comme celles portées par les Principes pour l’Investissement Responsable (PRI) ou encore le Forum pour l’Investissement Responsable (FIR) en France y contribuent. Ainsi, la confiance d’un investisseur privé, qui cherche à financer les transitions, envers un gestionnaire d’actifs engagé dans cette transformation grandit. ”