Seed, série A, série B…quelle que soit la maturité de votre startup, lever des fonds n’est plus aussi simple qu’il n’a pu l’être. Pour avoir toutes les chances de séduire les investisseurs, il convient d’adopter la bonne stratégie. Ces dernières années, de nouvelles structures spécialisées dans l’accompagnement aux levées de fonds ont vu le jour, venant challenger les banques d’affaires traditionnelles. Deux d’entre elles ont accepté de partager leurs meilleurs conseils avec Maddyness.

« Nous avons un rôle de sparing partners, nous accompagnons les entrepreneurs et les managers du début de la réflexion, à la structuration de l’opération, jusqu’au closing », introduit Alexandre Henault, associé-fondateur chez Leuwen, une entreprise indépendante de conseil stratégique et financier dédiée aux entrepreneurs, créée en 2018, et dont l’un des métiers est le conseil en levée de fonds. « Nous challengeons les startups comme le feront les investisseurs pendant le roadshow, pour que le management soit en capacité de se poser les bonnes questions pour mener à bien sa levée de fonds », poursuit-il.

Seed, série A, série B… Rappel des définitions des différents tours de tables

Dans l'univers des startups, l'augmentation de capital via les levées de fonds est un passage clé. En début de parcours, les tours de pré-seed et seed (pré-amorçage et amorçage) marquent le premier jalon, avec des investissements modestes, allant de quelques centaines de milliers d’euros à 1,5 million d’euros. À ce stade, business angels et fonds spécialisés aident l'entreprise à concrétiser son idée et à valider son concept sur le marché.

La série A, souvent synonyme de plusieurs millions d’euros, intervient quand la startup a validé son produit sur le marché et vise un développement stratégique : améliorer l'offre, conquérir des clients, affiner les stratégies opérationnelles. Ici, les fonds de capital-risque entrent en jeu, cherchant des entreprises prometteuses à long terme.

Puis, la série B et les suivantes propulsent la startup vers de nouveaux sommets : expansion du marché, diversification des offres, exploration de nouveaux territoires. Ces étapes voient souvent l'entrée de fonds de growth ou de private equity, en plus des investisseurs initiaux, pour soutenir une croissance encore plus ambitieuse.

Conseil N°1 : Bien dimensionner sa levée et définir son taux de dilution

« Une phase de préparation est nécessaire pour déterminer le montant à lever et le niveau de valorisation approprié », partage Amaury Boelle, fondateur de Kickston, une boutique qui accompagne les entrepreneurs dans les levées de fonds et opérations de M&A. « Pour des levées de fonds en seed et en pré-seed, la valorisation repose sur le bon sens, le potentiel de marché et les fondateurs. Les premiers chiffres d’une société permettent rarement d’appliquer des multiples d’ARR (Revenus Récurrent Annuel) et encore moins d’EBITDA (Bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement). À partir de la série A, les investisseurs vont regarder en détail les métrics, et selon le business, les multiples de chiffre d’affaires, d’ARR ou de GMV deviennent pertinents », poursuit-il.

« La première chose à faire est de bien dimensionner son besoin et d’en définir l’utilisation pour être crédible aux yeux des investisseurs. Pour se projeter, on regarde le business plan, la trésorerie, l’historique de croissance, mais aussi le pipeline commercial », explique Alexandre Henault.  En théorie, une levée de fonds doit permettre à la startup de se donner un certain nombre de mois de cash runway (minimum 12 à 18 mois), c'est-à-dire de temps avant d’arriver à court de trésorerie.« Ensuite, l’entrepreneur doit réfléchir aux paramètres de sa levée, et notamment à sa dilution cible maximale, tout en anticipant les différents tours de financement dont il va avoir besoin dans le temps », indique Alexandre Henault. Il indique des moyennes autour de 25% sur les premiers tours. Sur la base de ce pourcentage et du montant de la levée, une première approche de la valorisation implicite peut être faite.

À ce stade, il ne faut pas oublier de prendre en compte les autres moyens de financement. « Il faut toujours se poser la question suivante : puis-je réduire la part de l’equity en allant chercher une partie de la levée en non-dilutif (dettes ou subventions). C’est très important, car cela aura un impact sur la valorisation et montre à l’investisseur qu’on est préparé », conseille Amaury Boelle.

Conseil N°2 : Travailler son equity story

« Le storytelling est clé, trop peu de banques d’affaires mettent cela en avant », regrette Amaury Boelle. Or, pour convaincre les investisseurs, les experts s’accordent, il faut des decks efficaces, avec un vrai fil conducteur et du storytelling. « Dans une levée de fonds réussie, il y a la société et son produit, sa performance financière, son marché, mais également une part importante de marketing. L’entrepreneur doit se vendre, vendre son histoire et surtout, sa vision », avance Alexandre Henault. 

Miser sur le storytelling ne doit pas empêcher de rester très pragmatique et efficace. « Tout entrepreneur doit avoir dans son téléphone un deck à présenter à un investisseur. Ce deck doit se limiter à 15 slides maximum. Il doit exposer efficacement le problème, la solution, la proposition de valeur, le marché cible, mettre en avant l’équipe fondatrice, décrire le besoin de financement et expliquer comment les fonds seront alloués », détaille Amaury Boelle. « Dans le deck de présentation, il est important de trouver les chiffres et indicateurs clés pour permettre aux investisseurs de faire leurs analyses, et montrer que le management assure un suivi de ses KPIs. Par exemple, dans le cas d’un business de vente digital direct-to-consumer, on s'attendra à voir une analyse du coût d’acquisition client (CAC), de la lifetime value (LTV) et du taux d'attrition (churn) quand on parle d'abonnements », ajoute Alexandre Hénault.

« L’investisseur va chercher à voir comment il peut faire fructifier son argent et donc la valorisation implicite », rappelle Amaury Boelle. Plus le deck va lui faciliter la tâche, plus la startup a de chances de retenir son attention. « Le travail du business plan est clé. Il doit se faire à 3 ou 5 ans maximum. Pour moi, il est nécessaire de construire des business plans automatisés à partir d’hypothèses. Cela va permettre à l’investisseur de jouer avec le business plan en faisant varier les hypothèses », conseille Amaury Boelle.

Conseil N°3 : Choisir le bon calendrier

Le choix du timing est clé. Le montant demandé doit être cohérent avec les chiffres de la startup et il est parfois judicieux d’attendre le franchissement d’une étape clé pour lever dans les meilleures conditions. « Dans certains cas, si l’entrepreneur anticipe une accélération organique forte de sa croissance à très court terme, il peut être judicieux d'attendre d'avoir passé un nouveau cap de revenus pour lancer son roadshow dans les meilleures conditions. Si l'entreprise a un besoin de trésorerie limité pour atteindre ce nouveau palier d'activité, l'option de mettre en place un bridge avec les actionnaires existants, est intéressante ; ainsi, on se laisse la possibilité de lancer sa levée avec les bonnes métrics, et donc dans de bonnes conditions », partage Alexandre Henault. « La position de trésorerie influera aussi sur le calendrier transactionnel. Une situation de cash trop tendue ne crée pas le meilleur environnement pour avoir des discussions équilibrées avec les investisseurs potentiels », alerte-t-il.

Conseil N°4 : Bien cibler ses potentiels investisseurs

Selon Alexandre Henault et Amaury Boelle, la pire chose à faire est “d’arroser la place”. « Si un entrepreneur vient nous voir parce qu'il a déjà parlé à plein de fonds sans être bien préparé et qu’il a reçu plusieurs réponses négatives, il sera plus compliqué de l’accompagner », rappelle Alexandre Henault.« La meilleure recommandation est de bien cibler le pool d’investisseurs les plus à même d’y aller et de les animer en leur partageant des updates sur le business, le recrutement, le développement produit…», complète Amaury Boelle.

« On a l’opportunité de faire bonne impression qu’une seule fois », alerte Amaury Boelle qui rappelle la valeur ajoutée des introductions par le réseau. « Le cold mailing fonctionne rarement, il faut toujours aller chercher la connaissance en commun qui pourra vous faire une introduction, idéalement une participation de l’investisseur. Si on n’a pas ce réseau, on peut se rendre visible sur LinkedIn ou lors d’événements », conseille-t-il.

Conseil N°5 : Garder sa majorité sans nécessairement aller au plus offrant

En early stage, l’entrepreneur doit anticiper les différents tours de financement dont il va avoir besoin dans le temps. « Il faut être vigilant à sa dilution sur les premiers tours de table. La bonne pratique pour les entrepreneurs est de garder la majorité post Série A », recommande Amaury Boelle. « Post série A, les investisseurs s’attendent généralement à ce que les fondateurs managers gardent la majorité du capital. Post série B, c’est moins le cas », complète Alexandre Henault. 

Enfin, les experts s’accordent à dire que la valorisation ne fait pas le choix de l'investisseur. Si un entrepreneur a le choix, il peut être, surtout en ces temps incertains, plus judicieux de se tourner vers ceux qui seront capables d’apporter un accompagnement solide tant sur le plan financier que business. « Je conseille de ne pas se livrer à une course à la plus haute valorisation. C’est souvent gratifiant sur le moment, mais à moyen et long terme, cela se révèle souvent contre-productif », commente Amaury Boelle.