Réussir, c’est faire preuve de courage, de détermination, de créativité, et d’une compréhension profonde de l'impact technologique sur la société et l'individu. Depuis 2019, j’ai notamment eu à gérer le retournement de PriceMinister, réussite entrepreneuriale emblématique de l’ère « pré-FrenchTech ». En effet 9 après son rachat en 2010 par le groupe japonais Rakuten, l’ex-champion du e-commerce était en panne de croissance faute de n’avoir pas su réinventer son modèle dans un marché du e-commerce en plein bouleversement. Il m’a fallu bâtir, dès mon arrivée, un plan de retournement afin de permettre à cette scale-up de retrouver le chemin d’une croissance rentable et ainsi répondre aux « légitimes » exigences des actionnaires. J’en ai retenu quatre points-clés en forme de facteurs de succès pour transformer une scale-up.

La mission, boussole de toutes les transformations. Dans la trajectoire d'une transformation réussie, la mission d'une entreprise technologique est un pilier central. Elle doit être suffisamment inspirante pour mobiliser les équipes et suffisamment engageante pour créer un écho auprès des clients et des partenaires. J’avais un atout en main avec Rakuten avec une culture à l’opposé du « hack » cherchant la rupture à tout prix. J’ai alors posé une mission centrée sur la contribution de la technologie au progrès de la société et sur une vision plus incrémentale de l’innovation. Chaque fois qu’il m’a fallu faire des choix, cette mission a guidé mes décisions. Elle m’a aussi permis de rassurer mes partenaires commerciaux français avec une approche inclusive de la technologie.

Garder en tête le Paradoxe de Solow qui véhicule une apparente contradiction entre l’espoir véhiculé par l’introduction d’une technologie et la productivité qui s’ensuit. Alors que la technologie apporte dans la plupart des cas des gains de productivité, j’ai souvent constaté que le temps pour les matérialiser est le plus souvent sous-estimé surtout dans les scale-up. Pêché d’optimisme ! Dans les faits, toute introduction d’une innovation technologique véhicule une adaptation, souvent freinée conjointement par le poids des habitudes dans l’entreprise et la nécessité de démarche d’appropriation dans la société. Cela demande de savoir gérer son actionnaire alors que des investissements sont nécessaires pour transformer, il faut souvent se donner du temps pour atteindre un ROI pérenne issu du plan de transformation.

Reconnaître la réalité des émotions au sein des équipes. Cette dimension humaine est souvent sous-estimée, pourtant elle est fondamentale pour la réussite du changement même avec des populations jeunes, bien diplômées et internationales. J’ai ainsi encouragé un leadership empathique et une communication transparente, essentiels pour assurer une transition harmonieuse et maintenir une équipe engagée et productive, capable de mener les actions de transformation tout en gérant le quotidien. Cela m’a demandé de développer une culture d'entreprise inclusive qui soutient le bien-être et la croissance personnelle, alignant les objectifs de l'entreprise avec les aspirations individuelles. Et surtout, d’être capable d’intégrer tous les talents quel que soit leur pays au sein d’une seule équipe.

Anticiper au plus tôt l’impact de la transformation sur la société. Aujourd’hui, toute transformation doit intégrer dans son mode projet, l'empreinte sur la planète et les conséquences pour les parties prenantes. L'intégration de l’IA, qui n’est pas une option pour les entreprises de tech, pose la question de l’éthique évidemment, mais aussi des ressources mobilisées, qui le plus souvent n’autorisent pas d’économie d’échelle avec la croissance de l’usage de ces modèles. A chaque investissement dans des systèmes d'IA, j’ai cherché la mesure, la transparence et l’explication de bout en bout. De même, la consommation énergétique a été analysée pour être mieux maîtrisée. Je défends qu’une entreprise de numérique « utile » se doit d’être en phase avec les impératifs de son époque en servant tout autant ses clients et ses actionnaires que la société.