Et pourtant, fin novembre 2022, le monde est en alerte, OpenAI a lancé ChatGPT, un outil d'intelligence artificielle produisant un langage conversationnel particulièrement performant. ChatGPT donne non seulement l'impression d'avoir réponse à tout et de créer un véritable dialogue avec ses utilisatrices et utilisateurs, mais les réponses qu'il fournit à leurs questions sont structurées, cohérentes et pondérées.

Une semaine après le lancement de l'application, un million de personnes l'utilisaient déjà. Mais il n'a pas fallu longtemps pour constater que ChatGPT commet des erreurs (dont il peut s'excuser si on les lui fait remarquer), souvent d'ordre factuel. Il ne fournit pas spontanément les sources de ses connaissances et lorsqu’il les fournit, elles se révèlent régulièrement fausses, voire inventées.

Ces sources, justement, d'où viennent-elles ? une chercheuse du groupe Machine Learning de l'Université de Genève, note que ChatGPT intègre 175 milliards de paramètres optimisés sur des textes de pages web universitaires, de blogs, de livres, et de Wikipédia, constituant un volume total qui équivaut à 750.000 de fois la Bible, ou 167 fois l’intégralité de la version anglaise de Wikipédia.

La question qui se pose est ce que ChatGPT raisonne-t-il? Lorsque l’application produit du texte, elle ne fait qu’aligner, un mot après l’autre, sans objectif prédéfini, sans plan, simplement pour que chaque mot posé respecte une cohérence statistique avec ceux qui le précèdent. Si elle écrit souvent des vérités, ce n’est qu’un effet secondaire de son objectif premier d’“imitation statistique”. Mais cette “imitation statistique” a atteint un niveau de qualité tel qu'il permet à ChatGPT d'écrire des textes de toutes sortes (lettres, nouvelles, poèmes, rapports, essai, dissertations...) bien mieux que la plupart des humains.

Et c'est bien tout le problème : ChatGPT, de prime abord, transpire l'intelligence et le savoir, sait s'adapter à son interlocuteur (enfant, étudiante, enseignant…) en fonction des questions, puisque l’application se nourrit de questions humaines. On peut donc supposer que le monde de l'enseignement s'empare de cet outil : les élèves pour rédiger un exposé ou un travail de fin d'étude, le personnel enseignant pour préparer des séquences d'enseignement ou faire corriger des travaux.

Interrogeons-nous sur les risques pour l’enseignement ?

Par construction ChatGPT peut générer des phrases erronées. Elles peuvent être d’ordre factuel, mais aussi conceptuel. Il est donc important de ne pas considérer les réponses fournies comme une vérité absolue. Pire que cela, l’incitation à la paresse intellectuelle qui est un fléau pour l‘esprit critique et la pensée personnelle, doit être conscientiser pour ne pas se laisser envahir. Nous, Humains devront être toujours en totale maitrise et en pleine conscience de la machine, l’utiliser pour ce qu’elle est à nos fins, et laisser la profondeur de notre esprit s’épanouir.

Autre signal faible est les enseignants qui peuvent être mis à mal par les parents avec parfois des élèves peu enclins à respecter des règles, la profession enseignante pourrait subir un nouveau coup avec l’émergence de ces nouveaux outils d’intelligence artificielle. Imaginons par exemple qu’une élève ou un de ses proches demande à ChatGPT d’évaluer un travail mal noté et que l'application propose une évaluation plus favorable que la note donnée par l’enseignante ou l’enseignant : ce qui pourrait créer des situations de malaises et de manque de confiance vis à vis du corps enseignant au profit de la 'chose'.

Dans ce tableau peu réjouissant, on note des opportunités à prendre en compte. Elles sont à la fois d’ordre technique et éthique. Idéalement, ChatGPT ne devrait être qu'une application parmi une palette d'outils pédagogiques. Elle pourrait, par exemple, aider le corps enseignant à générer des questionnaires de compréhension d'un ouvrage lu en classe, à élaborer des exercices de mathématiques. Les possibilités sont sans doute nombreuses. Aux enseignantes et enseignants de s'en emparer. Faciliter la correction des travaux d'élèves, l’outil comme une aide - contrôlée - lors de la correction de travaux écrits rendus sous formats numériques.

Le rôle des enseignantes et enseignants se révélera d’autant plus essentiel dans l'accompagnement des élèves. Jusqu'à présent, ces derniers pouvaient trouver sur Internet les informations nécessaires à leurs travaux. Encore fallait-il qu'ils les assemblent de manière pertinente. Tout ce travail peut désormais être effectué, avec plus ou moins de pertinence, par ChatGPT. L'enseignante et l’enseignant ne sont déjà plus les seuls détentrices et détenteurs du savoir. Désormais guides et phares éclairants dans la recherche et l'acquisition des connaissances des élèves, il leur faudra absolument assumer le rôle de celui ou celle qui interroge le savoir avec eux, en les incitant à aller au-delà des réponses fournies, au-delà des évidences, et à faire preuve de davantage de subtilité et de profondeur d’esprit. Et en cela redonner de la valeur à l’enseignement. La profession enseignante ne consiste-t-elle pas en grande partie à favoriser le développement de l’esprit critique chez les élèves, à encourager leur créativité, à leur donner le plaisir d’apprendre, voire de réapprendre ?

Il est nécessaire que les enseignantes et enseignants puissent appréhender l’ensemble des outils similaires à ChatGPT. Les formations devront à la fois décortiquer leur fonctionnement, mais également proposer des stratégies d'utilisation. Il faudrait en outre proposer des moments de partage afin de répondre aux interrogations que se posent les enseignantes et les enseignants.

Un outil d'intelligence artificielle produisant un langage conversationnel peut s'avérer utile pour permettre aux enseignantes et enseignants de préparer des séquences d'enseignement. Il faut bien sûr que l'enseignant reste maître à bord en définissant précisément ce qu'il attend de la machine et en validant – ou pas, s’il n’est pas satisfaisant – le résultat. Dès lors, il faudrait élaborer une série de bonnes pratiques, comme un corpus d'aide à la création pédagogique, validées par des pairs, évitant au corps enseignant de se perdre dans les méandres de l'application.

En conclusion, et si l’avènement de ChatGPT n’était pas le fruit du hasard mais de la synchronicité ? N’est-il pas temps maintenant et tout de suite de nous révéler d’autant plus à l’ère des nouvelles technologies de l’éducation. N’est-il pas temps de nous reprendre en main et ne pas nous laisser emporter allègrement vers un renoncement de soi par la machine. L’alchimie entre l’Humain et la machine peut faire bon ménage, si elle est parfaite maitrise et en total contrôle. Gardons toujours dans nos raisons gardées et dans notre cœur ouvert, que l’humain est l’épicentre de notre civilisation. Et gardons toujours à l’esprit que l'éducation est l'arme la plus puissante que nous puissions utiliser pour changer le monde, dans le bon sens...