Depuis Las Vegas

Comme chaque année depuis plus de cinq décennies, le CES de Las Vegas lancera les hostilités sur le plan technologique pour les 12 prochains mois. Et une nouvelle fois, le coq rouge trônera fièrement au milieu des allées de l’Eureka Park, le «Disneyland des startups» sur le Strip de la capitale mondiale du divertissement. Certes, la mission French Tech ne fera pas le déplacement, l’écosystème français étant désormais parfaitement identifié de l’autre côté de l’Atlantique, mais Business France emmènera de nombreuses jeunes pousses dans ses bagages.

En effet, l’agence gouvernementale, qui œuvre pour le développement des entreprises françaises à l’international, accompagne plus de 150 entreprises tricolores à «Sin City». Parmi elles, on compte 135 startups qui défendront l’innovation française à Eureka Park. C’est un peu moins que l’an passé, où 200 jeunes pousses de la French Tech avaient fait le déplacement jusqu’à Las Vegas. Il faut dire que le CES représente un coût important (billets d’avion, hébergement…), malgré le soutien apporté par les régions et Business France, et la situation actuelle, marquée par une crise de financement dans la tech, invite davantage les acteurs de l’écosystème à la prudence au niveau de leurs finances.

«Il est vrai qu’il y aura une présence française moins dense cette année à Eureka Park. Nous avons un peu resserré nos critères. L’idée, c’est de préparer les champions de demain, en leur offrant un coaching plus poussé», précise Didier Boulogne, directeur général délégué de Business France. Dans ce cadre, les startups accompagnées ont ainsi pu bénéficié de 23 séances de coaching avant de s’envoler pour Las Vegas pour apprendre comment pitcher en anglais en s’adaptant à son interlocuteur, connaître l’écosystème américain ou encore être au fait de la réglementation étasunienne. «Certes, il n’y aura pas de soirée French Tech et Clara Chappaz (la directrice de la mission French Tech, ndlr) ne sera pas là. Mais la French Tech, c’est un truc qui roule. Ce qui est intéressant, c’est de pouvoir se positionner sur d’autres événements plus confidentiels. En attendant, les Italiens et les Coréens ont déjà demandé des rendez-vous avec nos startups pour ce CES. C’est business as usual malgré tout», ajoute Didier Boulogne.

La France reste l’une des principales délégations étrangères à Las Vegas

Néanmoins, la France restera l’une des délégations les mieux représentées au CES, aux côtés de pays comme la Chine et la Corée qui reviennent en force au CES depuis l’an passé et la levée des restrictions de voyage mises en place pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Si plus de 300 startups françaises étaient de la partie à Las Vegas en 2018 et 2019, le contingent tricolore reste donc conséquent pour cette édition 2024. Pour faire briller bien haut le coq rouge cette année, Business France fédère 12 régions pour renforcer la visibilité de l’offre française auprès des visiteurs internationaux. «Les régions recrutent les startups. De notre côté, nous achetons la surface d’exposition. Cela nous permet d’avoir un effet de masse auprès du CTA (l’entité organisatrice du CES, ndlr). Et à quelques jours du salon, on s’occupe de l’aménagement», résume le directeur général délégué de Business France.

Pour mesurer le chemin parcouru par la French Tech au cours de la décennie écoulée, il faut ainsi avoir en tête qu’il n’y avait que 66 jeunes pousses françaises au CES en 2015. Mais depuis, l’écosystème a muri et s’est enrichi. L’Hexagone héberge pas moins de 20 000 startups à l’heure actuelle, dont une vingtaine de licornes. Et surtout, les Américains apprécient les solutions françaises.

Ce n’est d’ailleurs sûrement pas un hasard si le gouvernement américain et ses différentes agences, comme la Darpa, avaient un stand juste à côté des startups tricolores à l'Eureka Park l’an passé. De quoi inciter Business France à inviter les Frenchies à prendre leurs précautions face à l’espionnage industriel qui peut se pratiquer à Las Vegas. «Nous sensibilisons les entreprises que nous accompagnons à tout ce qui entoure le CES. Le positionnement des stands n’a rien d’anodin. Il ne faut surtout pas quitter son stand avec son PC sans surveillance ou utiliser n’importe quel wi-fi. Le CES est une vitrine mondiale où tout le monde passe», estime Didier Boulogne.

«Cette année, on n’a jamais eu autant de demandes de corporates français au CES»

En effet, si la concurrence est de plus en plus rude entre les événements tech dans le monde entier - VivaTech étant d’ailleurs monté en puissance ces dernières années - le CES restera une destination incontournable pour les startups afin de tirer leur épingle du jeu. «Le CES reste un salon de niveau mondial et il n’y en a plus beaucoup. Les acheteurs américains et asiatiques viennent moins en Europe. Tout le monde était là l’an passé au CES. Cette année, on n’a jamais eu autant de demandes de corporates français au CES. Ils pourraient essayer de les rencontrer à Paris, mais ils le font à l’autre bout du monde. A Las Vegas, ils viennent spécialement pour cela. En France, ils n’ont pas forcément le temps. Par le passé, des deals ont d’ailleurs été signés au CES», observe le directeur général délégué de Business France.

«Mais pour créer une telle dynamique et mettre les startups dans les bonnes conditions, il faut aussi amener des acheteurs internationaux. Dans ce cadre, les antennes italiennes et japonaises de Business France par exemple sont mises à contribution», ajoute-t-il. Le bras armé de Bercy pour exporter les entreprises tricolores à l’international peut en effet s’appuyer sur un réseau de 1 500 collaborateurs dans 55 pays pour les épauler dans leur développement en dehors de l’Hexagone. Dans ce cadre, le CES peut jouer un rôle décisif. «En moyenne, le salon permet de générer 120 contacts utiles pour chaque startup qui se déplace. Et parmi eux, il y en 40 à 50 qui sont vraiment pertinents. Le CES est une vitrine qu’on a nulle part ailleurs. Pour les entreprises, c’est intéressant de voir ce que font les autres et d’écouter les retours des VC pour faire des ajustements», relève Didier Boulogne.

La Sportech à l’honneur pour surfer sur les JO de Paris 2024

On l’aura compris, chasser en meute est la clé de la délégation française pour briller au CES de Las Vegas. Et dans cette optique, Business France veut profiter de la traction de la Coupe du rugby de l’an passé dans l’Hexagone et de la perspective des Jeux Olympiques de Paris cet été pour mettre en lumière une dizaine de startups tricolores de la Sportech, ce qui est une nouveauté par rapport à la dernière édition. «En plus des événements français, il y a également une séquence très porteuse du côté américain. La Coupe du monde de football se jouera aux États-Unis (ainsi qu’au Canada et au Mexique, ndlr) en 2026, les Jeux Olympiques de 2028 auront lieu à Los Angeles et la Coupe de rugby 2031 aura également lieu aux États-Unis. Autrement dit, le marché américain est en demande de nouvelles solutions dans la Sportech», observe le représentant de Business France.

L’agence mettra également à l’honneur une vingtaine d’entreprises françaises de l’industrie automobile, un secteur qui est nettement monté en puissance ces dernières années au CES. Le West Hall est d’ailleurs complètement occupé par l’automobile pour présenter les avancées technologiques du secteur, comme la conduite autonome, la connectivité, l’intelligence artificielle embarquée ou encore les véhicules électriques. «Il y a bien plus d’innovations dans l’automobile au CES que dans les salons automobiles de Paris ou Genève», relève ainsi Didier Boulogne. Bref, les Frenchies sont dans les starting-blocks pour ce CES 2024. Et si certaines sociétés, comme Withings, habitué du salon, ont déjà profité du CES Unveiled, avant-première du salon réservée à la presse, pour dévoiler leurs nouveaux produits, c’est véritablement ce mardi 9 janvier que l’adrénaline va monter d’un cran au Las Vegas Convention Center et à l’Eureka Park.