Depuis le 1er janvier 2024, le tri des biodéchets est généralisé à tous les professionnels et les particuliers conformément au droit européen et à la loi anti-gaspillage de 2020. « L’évolution réglementaire est une bonne nouvelle car au niveau européen, un programme de recherche estimait à 88 millions de tonnes les déchets alimentaires tout secteur confondu, dont 53 % en provenance des ménages. Donc le tri à la source évite l’incinération ou l’enfouissement, deux voies de destruction fortement taxées », souligne Jonathan Fritsch, fondateur de BioRenGaz.

Une bonne nouvelle pour l’environnement, mais aussi le secteur des biogaz. La dégradation de la matière organique des biodéchets permet en effet de produire du méthane qui peut être injecté dans les réseaux de gaz naturel ou utilisé comme carburant. La filière est donc en ébullition d’autant qu’elle bénéficie d’un contexte géopolitique qui plaide en faveur d’une plus grande souveraineté dans le domaine et de fortes ambitions des pouvoirs publics pour parvenir à un mix de gaz 100 % renouvelable en 2050.

De nombreuses solutions de méthanisation

Selon Jimmy Colomies, cofondateur et président de Tryon Environnement , « c’est une filière qui a de plus en plus de poids car en plus de réduire le coût de traitement des déchets, elle permet une production d’énergie renouvelable locale pour gagner en autonomie nationale et à un coût maîtrisé, ainsi que du digestat, un fertilisant pour les sols agricoles pour remplacer l’engrais synthétique, souvent importé de l’autre bout du monde ». D’autant que le secteur connaît de nombreuses innovations. Le biogaz peut être capté directement dans les sites de stockage des déchets pour ensuite être raffiné et purifié afin d’être transformé en biométhane, comme le fait la startup grenobloise Waga Energy avec sa WagaBox.

D’autres acteurs ont plutôt misé sur des solutions de méthanisation à plus petite échelle, qui permettent de compléter les plus grosses unités déjà en place. Tryon propose son Modul’O et sa capacité de traitement évolutive de 1.000 à 10.000 tonnes par an qui peut être implanté directement en périphérie des zones urbaines, pour être au plus proche du gisement des déchets et des zones agricoles. BioRenGaz a développé une technologie brevetée avec un bioréacteur qui multiplie par 4 les performances de méthanisation dans de petites unités proches des lieux de production de déchets alimentaires.

Des installations rapides pour se conformer à la réglementation

Tryon et BioRenGaz ont d'ailleurs des approches similaires sur la vitesse de mise en œuvre. « Nous nous focalisons plutôt sur le marché des augmentations de capacité de production existante avec un time to market bien plus optimisé que la construction de nouveaux sites, de l’ordre de un à deux ans, contre deux à huit ans pour des unité de méthanisation plus importantes », explique Jonathan Fritsch. Ce que confirme Jimmy Colomies : « notre solution est adaptée pour répondre aux besoins de tous les acteurs de se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation. La compacité de nos unités nous permet une installation simple et rapide au plus proche des zones urbaines, pour venir en complément des autres solutions comme le compostage qui ne peut pas traiter l’ensemble des flux et des volumes ».

« C’est un marché qui va connaître un gros boom dans les prochains mois, néanmoins au vu des volumes en jeu, cela va prendre du temps et se mettre en place sur plusieurs années, comme cela a été le cas avec d’autres filières comme le tri du verre ou du plastique par exemple », poursuit-il. D’autant que la méthanisation est encore confrontée à l’acceptabilité de l’implantation, comme pour l’éolien, alors que les technologies sont désormais matures pour limiter les risques ou les nuisances olfactives. « J’espère que cette nouvelle réglementation va permettre une prise de conscience du besoin et de l’intérêt de ce genre d’unités », souhaite Jimmy Colomies.

L’importance des synergies

Autre facteur essentiel de l’essor du secteur : les synergies. Selon Jonathan Fritsch, « une des difficultés, c’est la multitude des acteurs territoriaux, entre collectivités, mondes industriel et agricole, puisque 70 % des installations sont détenues par des agriculteurs-méthaniseurs ». La balle est donc dans le camp des collectivités pour accélérer sur le traitement des biodéchets en fonction des caractéristiques de leur territoire.

À une échelle plus globale, Mathieu Lefebvre, CEO de Waga Energy, milite en faveur d’incitations au niveau mondial pour réduire les émissions de méthane dans l’atmosphère, responsables d’environ 30 % de la hausse de la température mondiale depuis le début de l’ère industrielle. De plus une taxe carbone aux frontières pourrait permettre au secteur de se développer et faire face au défi du réchauffement climatique. « Nous avons toutes les cartes en main pour transformer le monde, à nous de garder les pieds sur terre », conclut-il.