L’histoire a presque débuté comme une plaisanterie. Xavier Wargnier est un entrepreneur, déjà à la tête des éditions Kawa et organisateur des Sommets, événement annuel dédié à la transformation des entreprises. Lors de l’édition 2019, il se fait challenger par David Abiker, le journaliste qui anime l’événement. Celui-ci lui demande ce qu’il compte faire pour la planète. Xavier Wargnier est pris de cours mais il décide de partager sa frustration du moment. 

L’entrepreneur basé à Annecy veut acheter un vélo mais n’a pas été convaincu par les modèles proposés : « J’ai trouvé que tous les vélos se ressemblaient, qu’ils étaient fabriqués à l’autre bout du monde et ça ne me plaisait pas. Je n’avais aucune émotion pour en acheter un plutôt qu’un autre. » Face à l’assemblée des Sommets, il rebondit sur la question posée en clamant : « Je ne trouve pas cela normal que l’on ne fasse plus de vélos en France ! L’année prochaine, je reviendrai avec un vélo 100% français. »

Ateliers HeritageBike : une blague très réussie

Xavier Wargnier reconnaît volontiers que ces mots étaient d’abord sortis comme une boutade. Malgré tout, il se retrouve rapidement à étudier cette idée avec Guillaume Monsigny, un designer avec qui il collabore depuis de longues années et qui se trouve également être son beau-frère. 

Ils se mettent tous deux à réfléchir aux vélos de leurs rêves. Après une tentation d’aller vers un design futuriste, ils vont finalement pencher pour un style néo-rétro.« On a accouché d’un vélo qui nous faisait un peu penser à la moto de Steve McQueen dans la “Grande Évasion”, explique Xavier Wargnier. On a cassé notre tirelire et on a fabriqué un premier prototype que l’on est venu présenter à l’édition suivante des Sommets. »

L’entrepreneur est alors surpris par l’accueil et il décide d’investir dans une première série de vingt vélos qu’il positionne sur du très haut de gamme avec un premier modèle vendu à 8.990 euros. Le lancement est remarqué par un journaliste de Paris Match, l’article publié va leur permettre de vendre l’ensemble de cette première production et d’en lancer une deuxième. L’aventure est lancée, et cela n’a plus rien d’une blague.

Développement d’une marque premium sur la mobilité douce

Quatre ans plus tard, la gamme s’est étoffée puisque la marque Ateliers HeritageBike propose maintenant cinq modèles de vélos et même une première moto. Xavier Wargnier ne se voit d’ailleurs pas s’arrêter là. « Mon rêve absolu en tant qu’entrepreneur, ce serait de créer une marque automobile, partage-t-il. Le vélo, c’est un moyen de rentrer par une plus petite porte parce que cela demande moins d’apports financiers au départ. »

Quand il parle de son entreprise, l’entrepreneur multiplie les références au monde de l’automobile, refusant de se distribuer dans des magasins multimarques où tout est mélangé. Xavier Wargnier veut des corners, il veut créer un univers de marque, il développe l’idée d’un objet d’exception que l’on peut trouver dans le discours automobile. 

« On veut faire de la mobilité d’exception, reconnaît-il. On a encore d’autres projets qui vont au-delà de la moto même si on n’est pas sur de la voiture. » Ces nouveaux projets ne devraient pourtant pas voir le jour en 2024. Une année durant laquelle il va se focaliser sur la vente des vélos et des motos, avec une dimension personnalisation très importante.

Ateliers HeritageBike : quel avenir ?

Autre piste de développement, Ateliers HeritageBike intéresse des hôtels de luxe qui veulent offrir de la mobilité douce à leurs clientèles, avec de beaux objets personnalisés à leurs couleurs et logo. 

Certains projets de personnalisation vont même plus loin puisque l’entreprise travaille actuellement avec les forces commandos spéciales de l’armée pour produire deux modèles de vélo tout-terrain. « Ce sont des VTT qui ne ressemblent plus vraiment à des VTT. Ils sont actuellement testés dans le désert et sur la glace. Si tout se passe bien, on pourrait les produire à plus grande échelle pour les diffuser dans plusieurs corps de l’armée. »

L’avenir est donc plein de projets pour la petite marque qui a réalisé 1,2 million d’euros en 2023 en écoulant 250 vélos. Elle prévoit de doubler chaque année avec un prévisionnel à 2,4 millions d’euros en 2024 et de dépasser les 4 millions en 2025.

« On aimerait closer notre levée de fonds de 4 millions d’euros en avril. Cela nous permettrait de recréer une usine d’assemblage à Annecy, d’embaucher et de nous structurer. La levée va se faire en trois parties avec une première source auprès de nos associés historiques, une deuxième avec une plateforme d’investissement pour permettre à nos clients d’investir, et on est aussi en train de chercher un fond green mobility. »

À 53 ans, Xavier Wargnier est convaincu de travailler sur sa dernière grosse entreprise et se projette sur du très long terme. « J’essaie de tout rassembler : faire des produits que j’aime, d’une manière qui fait du sens. Je cherche vraiment à être le plus aligné possible. »