Dès 2016, les premiers drives piétons initiés par les acteurs de la grande distribution ont commencé à voir le jour en France : Cora, Leclerc, Auchan, Carrefour. Ces petits magasins, sorte de point relais situés en centre-ville des agglomérations, permettent de venir retirer à pied des achats faits sur internet. Et éventuellement de compléter son retrait avec quelques produits frais ou de dépannage proposés sur place par les enseignes. « Le modèle du drive piéton apporte un véritable service à des moments précis de la journée : quand on rentre du bureau, quand on va chercher ses enfants à l’écoleC’est beaucoup plus pertinent et utile que ne l’était le quick commerce », analyse Philippe Goetzmann, expert du secteur et consultant. 

Ce point de vente d’un nouveau genre était devenu l’un des fers de lance de la stratégie de développement e-commerce des distributeurs. Mais depuis, Auchan et Carrefour ont mis le pied sur le frein à propos des ouvertures annoncées en fanfare à l’époque. Seul Leclerc continue de s’étendre. « L’objectif initial des distributeurs était de sécuriser leurs parts de marché en évitant que leurs clients aillent à la concurrence », décrypte Philippe Goetzmann. « Mais pour que cela fonctionne économiquement, il faut immédiatement un effet d’échelle avec des volumes suffisants », précise-t-il. Une difficulté à laquelle ont dû faire face les distributeurs. Et la gestion de nombreux coûts a aussi pesé dans la balance : loyers en centre-ville, frais de personnel pour la remise des commandes, dépenses logistiques importantes, etc. 

Les différents atouts des drives piétons mutualisés

Le modèle du drive piéton est-il donc encore pertinent ? Son renouveau en centre-ville pourrait passer par la mutualisation, c’est-à-dire la multiplication du nombre de partenaires présents sur un même emplacement. L’objectif ? Optimiser les coûts et la logistique. C’est ce que propose aujourd’hui l’entreprise Delipop dans ses 12 points de retrait destinés aux courses alimentaires. Les clients passent commande sur internet chez Carrefour, Intermarché, Monoprix ou encore Cora. Ils peuvent alors choisir de se faire livrer dans l’un des points de retrait de l’enseigne. « Notre ambition est simple », détaille Stéphane Legatelois, CEO et co-fondateur de Delipop, « nous souhaitons nous positionner comme le point relais universel des courses en ligne et apporter l’offre d’un grand centre commercial dans 50 m² au pied de votre immeuble »

La mutualisation permet mécaniquement de partager les coûts des drives piétons de centre-ville, c’est-à-dire le loyer, l’électricité, les frais logistiques, etc. Pour le transport, Delipop fonctionne avec des entrepôts de consolidation situés en zone périurbaine où ses différents partenaires livrent leurs produits commandés. Un camion multiclient desservant deux à trois points de retrait part ensuite pour ses deux tournées quotidiennes, le matin avant 6 h et l’après-midi vers 15 h pour échapper aux pics de trafic. « Nous optimisons au

maximum la capacité des camions et consolidons les flux pour éviter trop de circulation dans les zones urbaines, contrairement à la livraison à domicile » explique le CEO de Delipop. Une solution qui semble donc aussi vertueuse pour l’environnement. 

Autre atout des drives piétons mutualisés : leur automatisation. Les clients récupèrent en effet leurs courses dans des casiers qu’ils débloquent grâce à un QR code sur leur smartphone. Une véritable économie de frais de personnel puisqu’aucun salarié n’est nécessaire pour la remise des commandes. Les points de retrait sont en plus ouverts 7 jours sur 7 et 24 h/24, une amplitude horaire que ne peuvent bien sûr pas se permettre les drives piétons mono-enseigne. 

Un réseau dense et des services en plus pour les clients

Du côté de Delipop, on parie clairement sur la mise en avant de services pour faire la différence et convaincre les clients potentiels. L’amplitude horaire, donc, mais aussi la facilité d’usage sont mises en avant par l’enseigne. Par exemple, l’entreprise, en partenariat avec Mondial Relay et Qomod, propose aux clients de venir récupérer leur colis dans un locker, en plus de leurs courses. D’autres idées seraient également à l’étude, notamment un service de pressing ou des lockers pour les clés des locations Airbnb. L’intégration des commerçants locaux dans l’offre de Delipop devrait également voir le jour : ces derniers pourraient ainsi proposer leurs produits à la commande en dehors des horaires d’ouvertures de leurs boutiques. 

Mais pour que cette nouvelle génération de drives fonctionne, il semble nécessaire de densifier le réseau afin que chacun puisse en avoir un à portée de main. Le succès du modèle des points de retrait urbains dépend effectivement de leur accessibilité. « Les clients viennent chercher leurs commandes à pied ou à vélo, nos points de retrait ne doivent donc pas être à plus de 300 à 500 mètres de leur lieu d’habitation ou de travail », détaille Stéphane Legatelois. Il table sur un développement rapide de son entreprise : « Nous allons bientôt intégrer les supermarchés Match et Chronodrive, nous sommes en discussion avec tous les acteurs du marché de la distribution », assure-t-il. Delipop espère ainsi ouvrir une centaine de points de retrait en deux ans, d’ici fin 2026, principalement à Paris et sa petite couronne, mais aussi dans trois ou quatre autres grandes agglomérations. De quoi devenir rapidement un véritable relais de croissance pour le modèle des drives piétons.