Alors qu’en 2023 la France a vu émerger des géants comme Mistral AI, que 16 des 29 licornes ont placé l’IA au cœur de leur proposition, la French Tech a néanmoins connu un fort ralentissement, avec une baisse de 38 % des investissements dans ce secteur par rapport à 2022. Est-ce le signal annonciateur d’un retard irréversible dans la course de l’innovation ou un repli temporaire qui laisse encore l’espoir à la France et à l’Europe de s’imposer comme un centre névralgique incontournable de la tech ? Nous disposons de toutes les forces nécessaires pour faire de la deuxième option une réalité. Et nous pouvons avoir bon espoir que 2024 sera l’année de la New French Tech. Elle le sera à condition de respecter les conditions suivantes : investir sur des nouveaux entrants, accepter de prendre des risques et les échecs potentiels, valoriser le savoir-faire des starts-up et PME indépendamment des grands groupes français.

La France a fait de la tech une priorité stratégique. En 2022, le gouvernement a annoncé un plan de 30 milliards d'euros pour soutenir le secteur de la deeptech à travers le dispositif France 2030. Ce plan vise à renforcer la souveraineté technologique française, à créer des emplois et à accélérer l'innovation. Ces ambitions s’inscrivent dans une logique très pertinente au regard de nos atouts : un écosystème d’entrepreneuriat dynamique (en 2022, la France a été le deuxième pays européen en termes de levées de fonds dans la deeptech), un vivier de talents, des politiques publiques qui partent d’une bonne intuition. Mais nous n’allons pas assez loin.

Prenons le secteur de l’industrie électronique. La France en est un acteur majeur. A titre d’exemple, STMicroelectronics, le leader européen des semi-conducteurs, est basé en France. Le pays compte également une forte concentration de PME spécialisées dans l'électronique. En 2022, la France a été le premier pays européen à lancer un programme de soutien à la production de semi-conducteurs. Ce programme, baptisé IPCI, prévoit d'investir 5,7 milliards d'euros pour construire une nouvelle usine de semi-conducteurs en France. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions. Des acteurs qui participent de cette initiative, combien sont de nouveaux entrants ? Aucun. C’est là un des symptômes de dysfonctionnements qui subsistent et ne permettent pas le foisonnement innovatif que l’on pourrait espérer de notre pays.

Malgré ses atouts, la France doit relever plusieurs défis pour réussir sa transformation technologique.

Elle doit faire la place à plus de concurrence, pour ouvrir la porte aux nouveaux entrants et ainsi favoriser l’innovation. Poussées à sortir du lot dans les processus d’appels d’offre, dans le déploiement de nouvelles stratégies européennes, dans la recherche fondamentale, les entreprises seront plus promptes à investir du temps et de l’énergie dans le dépassement technologique. On l’observe dans les leaders de la tech actuels, Open AI, SpaceX, Amazon, Netflix, tous ont entrepris de rompre un marché et se sont imposés comme géants de leur secteur grâce à un investissement puissant dans leurs technologies respectives.

Pour accompagner ce mouvement, un soutien à l’innovation piloté de façon capillaire et ambitieuse par les pouvoirs publics est nécessaire. Quelques dispositifs particulièrement prometteurs existent mais il faut voir encore plus grand, à l’image des Etats-Unis qui ont lancé en février dernier le plan Chips and Science Act, pour susciter 500 milliards de dollars d'investissements privés dans les puces. Il faut sortir des expérimentations et passer à l’échelle avec des enveloppes plus importantes, débloquées plus rapidement. La France doit continuer à investir dans la recherche et l'innovation, notamment dans les technologies de rupture. Cela permettra de développer de nouveaux produits et services, et de créer des emplois qualifiés.

Enfin, il faut préserver la souveraineté économique et industrielle française en continuant de favoriser l’entrepreneuriat, en soutenant les talents, en diversifiant les profils qui viennent à la tech. La France est aujourd'hui dépendante de l'étranger pour de nombreux composants technologiques, elle fait face à un risque de fuite de cerveaux depuis des dizaines d’années et doit composer avec la vertueuse mais lourde administration européenne. Les politiques publiques, en conséquence, doivent être ambitieuses et cohérentes. Elles doivent également être coordonnées avec les acteurs privés pour favoriser l'innovation et la création d'emplois. La France doit accompagner la création d'entreprises, notamment les startups. Cela permettra de soutenir l'innovation et la croissance économique.

Si ces trois défis sont relevés, en 2024, la France aura l'occasion de démontrer sa capacité à devenir un leader de la tech dans le monde.