Chaque année, un Français sur deux achète de la seconde main (reconditionné, vintage, etc.), selon une étude de l’Ifop. Il est tentant d’en déduire une tendance de fond vers une nouvelle manière plus responsable de consommer, mais les deux milliards de dollars levés l’année dernière par Shein (marque de l’ultra fast fashion qui est devenue le symbole du tout jetable et de l’exploitation humaine) pourraient aussi faire pencher la balance dans l’autre sens.

Anna Balez, fondatrice et CEO de Lizee, qui se présente comme un partenaire opérationnel et technologique pour accompagner les entreprises dans le développement de leur modèle circulaire, souhaite apporter un contre-pouvoir au modèle de la fast fashion. « On voit une corrélation directe entre ton niveau de revenu et la quantité de choses que tu as chez toi. Les gens qui gagnent moins achètent beaucoup de choses de peu de qualité, qui se cassent, et qu’elles n’osent pas jeter. On se retrouve entourés de choses cassées chez nous, irrécupérables. On étouffe ! »

Lizee : le fruit d’un bourgeon nommé Tale Me

Ce cri du coeur poussé par Anna Balez n’est pas nouveau. Avant Lizee, l’entrepreneuse avait développé la marque Tale Me (de 2013 à 2018) qui proposait un système d’abonnement de vêtements pour les enfants et les futures mamans. La startup proposait de louer des vêtements de qualité et de les remplacer au fur et à mesure de la croissance de l’enfant.

« On s’est cassé les dents à défendre l’idée de la non-consommation et de la non-possession, sur un modèle très compliqué de location par abonnement, avec du online et du offline avec des boutiques dans deux pays, avec des vêtements organiques fabriqués localement par des gens en réinsertion. »

Si cette première startup était peut-être un peu trop idéaliste, elle a donné naissance au bourgeon qui allait devenir Lizee. En effet, cette précédente aventure entrepreneuriale a permis à Anna Balez de se forger une expertise sur la mise en place opérationnelle de l’économie circulaire.

Un moment pivot de la société de consommation

« Notre cœur de métier, c’est la logistique : comment on rend accessible cette économie circulaire aux acteurs du retail », explique la fondatrice de Lizee. La startup créée en 2019 commence donc rapidement à accompagner de grandes marques parmi lesquelles Décathlon, Leroy Merlin, Gémo, Maje ou encore Quicksilver et Roxy.

Si de nombreuses marques sont ainsi convaincues de la pertinence du modèle, on semble se diriger vers un monde bicéphale : « La société est en train de se mettre en ordre de bataille. D’un côté, il y a de très gros retailers qui ont des plans ambitieux : planifiant de faire plusieurs milliards de chiffres d’affaires d’ici cinq ans avec la location et le reconditionnement. Il y a ainsi des entreprises qui viennent se créer une business unit spécifique sur l’économie circulaire. Et de l’autre côté, des acteurs qui n’y croient pas, qui voient la seconde vie comme un risque pour leurs marges. »

D’après Anna Balez, l’humanité serait pourtant à un moment pivot. « Notre façon de consommer va changer dans les 10 prochaines années. Je ne crois pas que ce soit une solution d’entre deux… cela ne marche plus. Donc est-ce que nos enfants vont échanger des objets avec leurs voisins, ou est-ce qu’ils vont acheter tout un tas d’objets qui viennent par cargo entier ? Je n’ai pas la réponse, mais je crois que cela va se jouer maintenant. »