C'est un profil que l'on ne pense pas toujours à ajouter à son équipe. Délaissés au profit de leurs homologues ingénieurs, les chercheurs et chercheuses ont pourtant toute leur place en startup. Qu'il s'agisse d'ailleurs d'une mission ponctuelle, le temps de développer un nouveau produit ou un service, ou d'un poste fixe, pour investir à long terme en recherche et développement...

Quels sont les avantages à recruter des spécialistes de la recherche ? Quels domaines d'activité sont concernés, et comment s'assurer d'embaucher la bonne personne pour sa startup ? Maddyness fait le point avec deux experts : Aurélie Vattier Delaunay, chasseuse de tête chez Okay Doc, et Mehdi Gmar, directeur général du CNRS Innovation.

Des chercheurs, oui, mais dans quels domaines ?

Les premières startups à s'être intéressées au monde de la recherche étaient plutôt des entreprises des secteurs technologiques et scientifiques, la Deeptech notamment, mais aussi la Medtech ou la Fintech. Depuis quelques années, la demande semble cependant se diversifier. "On fait appel à des doctorants dans des domaines de plus en plus variés, l'environnement notamment, constate Aurélie Vattier Delaunay. On remarque aussi que les profils issus des sciences humaines et sociales ont plus de succès qu'avant. On a compris qu'ils pouvaient être de véritables atouts stratégiques pour mieux comprendre et cibler le consommateur. Les chercheurs en startup ne travaillent plus uniquement sur des avancées technologiques. Les neurosciences, l'analyse de données... Leur expertise est appréciée sur un champ large !"

Si l'on manque de chiffres quant au nombre de jeunes pousses qui recrutent effectivement des chercheurs et chercheuses, Mehdi Gmar observe lui aussi un attrait croissant, qui vient à la fois des startups et des potentiels recrutés. "Le rapport à l'entreprise a changé", assure-t-il.

Un attrait réciproque

Le monde de la recherche regorgerait ainsi de personnes intéressées par l'environnement startup. "Il apporte une flexibilité et une autonomie très intéressantes", souligne Aurélie Vattier Delaunay. La startup, précise-t-elle, est souvent une porte d'entrée dans l'entreprise, "un bon compromis" par rapport aux grands groupes. "La hiérarchie y est un peu moins traditionnelle, les codes plus proches de ceux qu'ils connaissent." "Et les entreprises à impact les intéressent généralement beaucoup, ajoute Mehdi Gmar. C'est une façon de concrétiser ses travaux de recherche, d'avoir un impact plus direct qu'ils n'auraient pas autrement."

Du côté des startups, les incitations sont aussi nombreuses. Il y a évidemment des incitations fiscales qui ne sont pas négligeables : pour embaucher un jeune doctorant à 80% de son temps à la R&D, avec un salaire de 45 000 euros annuels, cela ne coûte "que 3 000 euros à l'entreprise", illustre Aurélie Vattier Delaunay.

L'embauche et l'intégration sont aussi facilitées par des dispositifs mis en place par l'Etat. Mehdi Gmar, qui se dit très favorable aux "aller-retours" entre recherche et entreprise pour les chercheurs, souligne notamment le dispositif du "conseil scientifique", qui permet à un chercheur de consacrer entre 30 et 50% de son temps à une entreprise.

Mieux accompagner les startups dans le recrutement

Entre chercheurs et startups, rien n'était pourtant gagné par avance. Les doctorants ont longtemps souffert d'une image plutôt péjorative. "On imaginait des personnes solitaires, qui s'adaptaient mal au monde du travail, moins efficaces, productives ou opérationnelles que les ingénieurs, regrette Aurélie Vattier Delaunay. Mais les difficultés qu'ils pouvaient rencontrer à s'intégrer dans une entreprise venaient surtout du fait qu'on ne les y préparait absolument pas. Si on remonte à il y a 20 ans, en effet, certains ne comprenaient pas grand chose au marché du travail. C'est très différent aujourd'hui : ils ont envie de s'intégrer, d'adopter les codes de cet univers. Si l'entreprise fait l'effort de les inclure, il n'y a vraiment pas de raison pour que cela se passe mal."

Chez Okay Doc, on compte bien "dépoussiérer" ces clichés qui ont la vie dure - à tel point que certains doctorants gommeraient sur leur CV leur spécialité, se présentant plutôt comme des ingénieurs. Pour ce faire, l'équipe accompagne d'un côté les doctorants pour que leur intégration en startup se passe au mieux, et de l'autre, les startups à choisir le candidat parfait. "Le bon profil, pour ce type d'entreprise, c'est une personne qui aura envie d'appliquer ses travaux de recherche, qui veut se sentir appartenir à un projet commun, se projette et a envie de s'impliquer dans un collectif. Les soft skills sont également très importantes : le niveau d'autonomie, de créativité, etc..."

Au CNRS Innovation, on se penche en ce moment sur une nouvelle plateforme : un "Job Board" qui puisse répondre aux besoins d'accès des startups, en matière de "technologies, de recrutement ou autres." "Notre rôle est précisément de jouer ce rôle de mise en connexion, précise Mehdi Gmar. Il y a un très beau potentiel, qui s'exprime déjà depuis des années au travers de secteurs comme la Deeptech... mais qui ne demande qu'à être déployé dans d'autres domaines !"

Pour en savoir plus sur la Deeptech, vous pourrez écouter Mehdi Gmar lors d'une table-ronde à l'occasion de la Maddy Keynote, l'événement qui réunit les acteurs clés de l'écosystème entrepreneurial, technologique et de l'innovation en France. Rendez-vous le 28 mars en Palais Brogniart pour découvrir une journée de conférences et de rencontre BtoB. Découvrez le programme et prenez vos billets ici.