S’il est un domaine où le déploiement de l’intelligence artificielle générative (IAG) est annonciateur de transformations considérables, c’est bien celui de la médecine. La capacité de ces systèmes à traiter, analyser et interpréter un très grand nombre de data est évidemment cruciale dans un secteur qui génère de plus en plus de données complexes. Des domaines comme la radiologie et l’ophtalmologie qui ont déjà recours à des solutions d’intelligence artificielle générative, permettent d’embrasser les possibilités qui s’ouvrent aux médecins et aux patients.

Ici, l’IA ne se limite pas à compléter les compétences humaines, elle redéfinit les normes de diagnostic et de traitement. Par exemple, un modèle développé par le Beth Israel Deaconess Medical Center aux États-Unis montre comment l'IAG peut améliorer l'analyse des radiographies thoraciques, conduisant à des diagnostics plus rapides et précis. La capacité du modèle à analyser des images médicales complexes ouvre des voies prometteuses pour des diagnostics plus rapides et précis. En ophtalmologie, par exemple, l'IAG aide à interpréter avec précision les données visuelles, améliorant potentiellement le diagnostic et le traitement des troubles oculaires. L'IAG y démontre non seulement sa compétence à égaler l'expertise humaine, mais aussi son potentiel de dépassement.

Dans des domaines aussi variés que l'oncologie thoracique ou la cancérologie, l’IAG facilitera l'analyse de vastes ensembles de données, permettant aux professionnels de santé de rester à la pointe des dernières recherches et pratiques. Cette capacité d'analyse et de traitement approfondis de données complexes ouvre la voie à des avancées significatives dans la compréhension et le traitement des maladies.

Pour autant, en dépit de ses capacités avancées d’analyse et de diagnostic et peut-être même en raison de celles-ci, l’IAG appliquée à la médecine aura besoin d’une supervision humaine de qualité. D’abord parce que l’IA peut se tromper ou comporter des biais, ensuite parce que la relation humaine reste une donnée fondamentale de la chaîne de soin. Il est donc essentiel que les professionnels de santé se forment et s’acculturent à ces systèmes. C’est la clé de leur acceptation et de leur intégration dans la pratique médicale et donc de leur utilisation optimale. L’IAG médicale doit être entourée de manière systématique de compétences humaines actualisées en permanence, à la fois pour des raisons de sécurité et d’éthique.

Les applications de l’IAG dans le domaine de la santé vont en effet s’inscrire dans un ensemble de régulations et de règles éthiques que devra maîtriser toute une chaine d’acteurs depuis les concepteurs de systèmes d’IAG, les créateurs de logiciels, les medtechs qui les mettront en œuvre et les professionnels de santé. La mise en place d'une autorité nationale centrée sur l'éthique et la réglementation de l'IA en santé est cruciale. Cette entité faciliterait une compréhension et une application uniformes des nouvelles normes réglementaires par tous les acteurs du domaine, assurant ainsi une utilisation éthique et conforme des technologies d'intelligence artificielle.

Enfin, il ne faut pas oublier le patient et ses proches. Ils doivent eux aussi pouvoir bénéficier d’un matériel pédagogique et éducatif afin de démystifier l'IAG, d’en expliquer les principes de fonctionnement, ses applications potentielles en santé, et en abordant de manière transparente les questions éthiques et de sécurité. Impliquer activement les patients, leurs proches et les associations dans la mise en œuvre de l’IAG est une condition nécessaire pour favoriser à la fois une meilleure compréhension ainsi qu’une meilleure adoption de ces technologies et donc rassurer les patients.

On le voit, introduire l’IAG dans la médecine n’est pas seulement l’affaire des data scientistes et des médecins. Il est clair que cette technologie a le potentiel de transformer radicalement notre approche de la santé qu’il s’agisse de la précision accrue des diagnostics, de la personnalisation des traitements ou d’une meilleure efficacité de la gestion des crises sanitaires. Mais pour que ce potentiel soit pleinement réalisé, une collaboration étroite de tous les acteurs - professionnels, chercheurs, décideurs politiques, institutions, industriels, startups, patients – est indispensable pour s'engager activement vers une médecine innovante et responsable.

Ingrid Dufour-Bonami est responsable du groupe de travail IA et santé chez Impact AI et Medical Digital Lead Europe, Middle-East, Africa (EMEA) chez Bayer Health Care.
Christophe Liénard est Président du collectif Impact AI, et Directeur central de l’innovation chez Bouygues.