De par son caractère innovant par définition, l’écosystème des startups est constamment à l’affût de nouvelles technologies pour apporter optimiser encore et toujours les mécanismes internes et les services proposés aux consommateurs. Depuis juin 2023 et le «one more thing» d’Apple, les acteurs de la planète tech ont évidemment suivi avec attention, voire même avec une passion religieuse, la présentation du casque de réalité mixte de la firme de Cupertino : le Vision Pro. «Ce jour marque le début d’une nouvelle ère pour l’informatique», avait même lancé Tim Cook, le patron d’Apple, à cette occasion. Mais qu’en est-il en réalité ?

Commercialisé uniquement aux États-Unis depuis un mois, nous avons pu tester le casque de la marque à la pomme dans les locaux de Novelab, studio français spécialisé dans les expériences immersives. L’occasion de vérifier si cet «ordinateur spatial», comme l’appelle Apple, vaut vraiment tous les superlatifs qui lui sont accolés depuis des semaines, parfois à l’excès.

Rassurez-vous, on ne va pas vous présenter un test détaillé rempli de superlatifs. D’autres médias l’ont très bien fait et ça n’aurait pas trop de sens d’en faire de même. L’idée est plutôt de vous proposer un rapide ressenti et, surtout, d’imaginer les usages que cet appareil peut offrir dans le monde du travail. Car oui, le Vision Pro a clairement un potentiel conséquent à exploiter dans le cadre du Future of Work.

Une grande liberté de mouvement

Ce qui marque rapidement avec le nouveau jouet technologique d’Apple et ce qui tranche par rapport aux autres casques de réalité virtuelle du marché, c’est qu’il se commande avec le regard et les mains. En effet, pas besoin de manettes pour se déplacer dans l’espace ou changer la direction de la zone que l’on souhaite explorer. Le casque, avec sa myriade de 12 caméras et cinq capteurs pour assurer le suivi des mouvements de l’utilisateur, permet d’afficher les contenus devant ses yeux en permanence. Une évolution par rapport aux casques existants qui offre un meilleur confort d’utilisation.

Comme le casque obéit au doigt et à l’œil, il offre une plus grande liberté de mouvement. Néanmoins, il reste difficile de l’oublier, puisqu’il pèse entre 600 et 650 g en fonction de la configuration choisie. De plus, il faut se promener avec la batterie externe (353 g et 2h d’autonomie) dans une poche, soit au total près d’un kg de matériel à supporter. Cependant, il en faut plus pour dégrader une expérience qui s’avère dans l’ensemble très agréable. Ce qui est également appréciable, c’est que l’on peut modifier le degré d’immersion avec le Vision Pro. On peut aussi bien choisir d’être complètement englouti dans un paysage ou d’utiliser des applications tout en voyant parfaitement l’environnement qui nous entoure grâce à EyeSight, l’écran frontal qui donne l'impression que le casque est transparent. Dans ce cadre, le choix de la réalité mixte par Apple est plutôt convaincant.

Dans l’ensemble, on retrouve l’ADN de la firme de Cupertino pour créer une expérience intuitive. Pour ouvrir des applications, il suffit ainsi de la regarder pour qu’elle grossissent avant de faire une sorte de pincement avec ses doigts pour l’ouvrir. «C’est un peu comme entrer à l’intérieur d’un iPhone», commente Romain Caciano, directeur opérationnel de Novelab, durant notre test. Et c’est en effet le sentiment qui prédomine à l’utilisation. Logique alors que le système exploitation visionOS du casque reprend les codes de iOS, iPadOS et macOS.

Un espace de travail trop futuriste ?

Si nous avons pu tester seulement quelques applications lors de notre prise en main du Vision Pro, notamment en se retrouvant au milieu de dinosaures ou à l’intérieur d’une turbine de moteur d’un A380, on peut facilement imaginer les usages qui peuvent exister dans l’univers du travail. Avec système d’affichage ultra-haute résolution, constitué de 23 millions de pixels répartis sur deux écrans, le casque d’Apple peut offrir la possibilité d’avoir un espace de travail XXL dans l’environnement de son choix. En positionnant son clavier virtuel devant soi, ses apps collaboratives comme Slack, Google Drive ou Gmail sur les côtés, littéralement à portée de main, il est possible de disposer d’un ordinateur augmenté qui prend vie en 3D autour de soi. C’est là que la dénomination d’ordinateur spatial d’Apple prend tout son sens.

Avec cette approche, il est aussi bien possible de rester dans son environnement de travail habituel, en voyant ses collègues autour de soi, ou bien de s’isoler, en travaillant au bord d’un lac paisible. De là à imaginer un open space rempli de collaborateurs avec un Vision Pro sur le nez, il n’y a qu’un pas qu’il n’est pas forcément souhaitable de franchir… En effet, le casque d’Apple peut offrir un confort de travail inédit. Mais est-il amené à devenir indispensable ? Pas vraiment dans l’immédiat. Cet appareil est davantage est moyen pour Apple de présenter sa vision du futur de l’informatique que de s’ancrer dans les habitudes des consommateurs dès maintenant. Un tour de force qui pourrait intervenir si le géant américain parvient à miniaturiser davantage son appareil pour faire baisser ses coûts de production et peut-être se rapprocher de lunettes augmentées qui demeurent encore et toujours un fantasme technologique.

Un casque qui tente les entreprises, mais pour de bonnes raisons ?

En revanche, le Vision Pro peut présenter des cas d’usage intéressants dans la santé ou l’industrie, notamment dans le cadre d’opérations chirurgicales ou l’élaboration de nouvelles usines. Au niveau marketing, cela peut aussi l’opportunité à des marques d’immerger leurs clients dans des expériences immersives d’un nouveau genre. Gare cependant à ne pas tomber dans l’excès, dans la mesure où la plupart des casques existants sont largement suffisants pour proposer des expériences de qualité. Néanmoins, 64 % des entreprises françaises pensent investir dans la création d’expériences immersives avec le Vision Pro, selon Sortlist. Dans ce cadre, les sociétés évoluant dans les secteurs de l'e-commerce (78,9 %), la mode (77 %) et les soins de santé (72 %) sont les plus intéressées par les perpectives offertes par la nouvelle bécane technologique d’Apple.

Si les usages autour du Vision Pro seront probablement nombreux, nous n’en sommes encore qu’aux prémices. Ce casque n’est pas encore disponible en France et il est difficile d’imaginer une adoption rapide avec un prix élevé (3 500 dollars aux États-Unis et probablement autour de 4 000 euros lorsqu’il arrivera sur le marché français), même si des dizaines de millions de personnes dans le monde déboursent maintenant plus de 1 000 euros pour s’offrir un iPhone. Il ne faut pas oublier également qu’un tel appareil risque d’enfermer encore un peu plus ses utilisateurs dans l’écosystème d’Apple.

Par conséquent, les entreprises, et notamment les startups, devraient s’y intéresser avant les particuliers. Mais combien d’entre elles proposeront des expériences immersives vraiment révolutionnaires avec le Vision Pro ? Bref, le casque est un produit très abouti pour une première version, mais il n’est clairement pas indispensable à l’heure actuelle. Il a même probablement un temps d’avance sur son époque. La tentation est parfois (trop) grande pour les entreprises de se positionner sur les technologies du moment pour illustrer leur caractère innovant, sans prendre le temps de penser si celles-ci pourraient être réellement pertinentes pour leurs activités. On l’a vu avec le métavers… Et puis il ne faut pas oublier qu’un acteur français, à savoir la startup Lynx, propose un casque de réalité mixte qui regarde droit dans les yeux la concurrence. Peut-être moins sexy qu’un Apple mais peut-être plus pertinent dans certains cas.