Élue comme étant l’une des applications les plus prometteuses par Apple en 2022, et mise en avant sur le portail du ministère de l’Économie et des Finances pendant la crise COVID comme une application d’utilité générale, Holy Owly permet aux enfants de 3 à 12 ans d’apprendre les langues ou les mathématiques via des sessions de cinq minutes chaque jour.

Créée en 2015, puis revendue en 2022 au groupe suédois Albert pour 3,6 millions d’euros, la startup EdTech poursuit son chemin en multipliant les applications pour couvrir davantage de domaines. Portrait d’une fusion réussie ?

Holy Owly : une histoire de famille

Stéphanie Bourgeois et Julie Boucon sont sœurs, même si on leur a souvent demandé de dissimuler cette vérité. En effet, les fonds d’investissement évitent d’investir dans des startups créées par des personnes de la même famille. « Je pense que c’est une erreur, assure Julie Boucon, cofondatrice et CMO de Holy Olwy. Une des forces de notre association, c’est que nous ne nous sommes jamais posé la question de la fiabilité de l’autre. Je connais des entrepreneurs qui, quand ils traversaient des phases très compliquées, se demandaient s’ils pouvaient compter sur leur associé. Cela les a empêchés de dormir la nuit. Moi, pour le coup, d’autres sujets m’ont empêchée de dormir la nuit, mais jamais celui-là ! »

La création d’Holy Owly est d’ailleurs une histoire de famille. C’est en revenant d’une année d’expatriation à Shanghai pour un poste que Stéphanie Bourgeois revient avec ce projet. Elle a vu à quelle vitesse son fils avait acquis un bon niveau pendant son année de CP bilingue et voulait qu’il puisse, à minima, maintenir ce niveau. De retour en France, elle creuse le marché et découvre le désert des applications en langue pour les enfants.

Elle se retourne alors vers Julie Boucon. Les deux sœurs ont toujours voulu entreprendre ensemble. Il faut dire qu’elles viennent d’une famille de femmes entrepreneurs, leur grand-mère étant une femme d’affaires qui avait ouvert plusieurs stations-service.

Les deux soeurs, qui se présentent comme fusionnelles, ne regrettent d’ailleurs pas un seul instant ce choix : « La vie entrepreneuriale est loin d’être un long fleuve tranquille. C’est pourquoi je pense que c’est important de le faire à plusieurs pour faire face aux montagnes russes que l’on peut traverser en période de levée de fonds par exemple. Et ce qui est incroyable dans notre relation, c’est que quand l’une de nous était au plus bas, l’autre était au plus haut. On a toujours réussi à trouver des solutions grâce à notre complémentarité. »

La revente à un groupe suédois

En 2022, les deux femmes sentent le marché du financement se contracter. Les voyants étaient pourtant tous au vert pour Holy Owly qui connaissait une énorme croissance grâce à la mise en avant d’Apple. La rétention était excellente : 72 % des familles ayant réalisé la semaine d’essai souscrivaient un abonnement payant (les concurrents ont souvent des chiffres en dessous de 50 %). « Si on associe le contexte au fait que l’on est deux femmes dans la tech, clairement les chiffres ne sont pas de notre côté. »

Deux voies s’ouvraient à elles : rester indépendantes et continuer de manière moins ambitieuse que prévu, quitte à se séparer d’une partie de l’équipe. Ou bien s’adosser à un autre acteur.

C’est le moment où elles voient arriver plusieurs offres de rachat. Plusieurs d’acteurs français, mais aussi celle d’un groupe suédois côté en Bourse. Ce dernier proposait de les racheter depuis déjà dix-huit mois. Elles étudient l’ensemble des propositions et trouvent une plus forte proximité avec les valeurs et la culture du suédois Albert. Elles acceptent une proposition de 3,6 millions d’euros et l’obligation de rester pendant six mois. Douze mois plus tard, Stéphanie Bourgeois et Julie Boucon sont toujours aux commandes de ce qui est devenu la filiale française d’Albert.

Il y a quelques mois, l’application Holy Owly Maths sortait, premier produit issu d’une véritable collaboration entre la startup française et son acquéreur. « On a réussi à sortir cette nouvelle application en cinq mois et on a déjà réussi à convaincre plus de 1.500 familles de payer pour cette nouvelle application. L’enjeu pour nous, c’est aussi d’avoir un impact auprès des filles. Depuis la réforme du BAC, on a vu le pourcentage de filles s’effondrer dans les filières scientifiques. Derrière ce produit, on veut vraiment faire passer un message aux petites filles : on a même ajouté des podcasts à l’intérieur de l’application pour enrichir la culture scientifique des enfants en leur faisant découvrir des rôles-modèles féminins. »

Vers l’impact

Si Stéphanie Bourgeois et Julie Boucon s’épanouissent encore au sein du groupe suédois, leur recherche d’impact s’est intensifiée. En effet, les deux femmes ont déjà identifié le sujet de leur prochaine entreprise qu’elles lanceront (évidemment) ensemble.

« Ce sera toujours un sujet aussi tech, avec une application… mais dans un domaine à impact. On apprécie vraiment beaucoup de travailler avec Albert, et on apprend encore énormément de choses. Et puis le marché n’est pas ultra-propice aux nouveaux lancements actuellement… mais on sait déjà que l’on partira un jour pour créer une nouvelle boîte. C’est une évidence ! »