Republication de mars 2019, article original à retrouver sur Medium

Je suis parti pendant six mois aux États-Unis. Pour apprendre l’entrepreneuriat, et pour m’imprégner de tout ce que les États-Unis ont de mieux à nous offrir. Et on a beau parler de French Tech et critiquer les États-Unis, il faut reconnaître que les Américains ont encore une longueur d’avance sur nous lorsqu’il s’agit de l’art d’entreprendre. Je n’invente rien. Mais voici, selon moi, quelles sont les plus grosses erreurs que l’on commet en France :

Ne pas parler de son idée de peur de se la faire piquer

L'un des premiers trucs que l'on m’a dit lorsqu’on est arrivé aux US : “Personne ne la volera votre idée, vous savez pourquoi ? Parce que votre idée est probablement nulle.” Coup dur quand on entend ça... En fait il fallait savoir lire entre les lignes : l’idée n’est pas nulle, elle n’est pas encore mature. Souvent, on s’emballe quand on se dit qu’on a une idée. L’excitation fait qu’on part dans tous les sens. Le mot idée est donc un peu fort. On devrait plutôt employer le terme germe d’idée, ou intuition. Car ce germe d’idée est voué à évoluer, à se solidifier avant d’être concrétisé. Tout le monde croit que son idée est géniale. Mais une à deux semaines de recherches intensives suffisent à faire redescendre sur Terre. Demandez à n’importe quel fondateur de startup si son idée originelle a été concrétisée. La réponse est non.

“Personne de la volera votre idée, vous savez pourquoi ? Parce que si votre idée est vraiment géniale, vous pouvez être sûr que quelqu’un d’autre a eu exactement la même idée, un mois, si ce n’est un an plus tôt.” Le mythe de “l’idée du siècle” n’existe pas. Tout le monde est créatif, tout le monde a des idées tout le temps. La grosse différence entre ceux qui réussissent et ceux qui ne réussissent pas, c’est que ceux qui réussissent comprennent vite que leur idée ne vaut rien et que tout se joue lors de l’exécution (i.e. la concrétisation de cette idée).

“Idea is 1%, execution is 99%”

D’accord, la chance qu’on nous pique notre idée est faible, mais on ne sait jamais… Pourquoi prendre le risque de la partager ? C’est très simple, il faut réussir à se mettre dans cette logique (très américaine) : on bénéficiera toujours plus du retour sur notre idée que du risque de se la faire piquer. Car ce sont les remarques et critiques qui font qu’une idée avance. Et sait-on jamais, qui vous dit que votre interlocuteur n’est pas un expert du domaine?

“How do you recognize when an Entrepreneur is pitching ? When he opens his mouth!”

Cet esprit d’entraide manque beaucoup en France, et c’est vraiment dommage. Chacun fait les choses dans son coin, il y a une sorte de méfiance injustifiée et omniprésente… S’il y a une chose que j’ai retenue de Berkeley, c’est qu’il faut parler de son idée tout le temps. À tout le monde. Tous les acteurs du problème : utilisateurs, clients, experts, “compétiteurs”. Surtout ses “compétiteurs” d’ailleurs. On apprend énormément de leurs erreurs…

Parler, brainstormer, conceptualiser… et ne rien faire

Ça c’est très français. En France, on aime beaucoup discuter, analyser, conceptualiser… C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les mathématiciens français sont si réputés dans le monde. Néanmoins, pour l’entrepreneuriat, cette logique ne marche pas. Les startups sont dictées par l’urgence. L’urgence du marché (i.e. ne pas rater le créneau), l’urgence de la compétition (i.e. faire mieux et plus rapidement que les autres), l’urgence de l’utilisateur (i.e. être réactif aux attentes de l’utilisateur).

“What I look for in Entrepreneurs ? Boldness in vision and focus on execution.”

La grosse différence entre la France et les US, c’est la vitesse. Je n’invente rien, tout est expliqué dans le bouquin d’Eric Ries, The Lean Startup. Pour résumer : mieux vaut aller vite pour sortir rapidement un produit, le tester auprès de ses clients/utilisateurs, récupérer leurs avis, et réitérer, plutôt que de passer du temps à imaginer et aller dans les détails de la conception d’un produit dont les gens ne voudront peut-être pas. Le temps que nous Français sortions un produit, les Américains en seront déjà à la version 7.

Monter sa startup derrière son ordi

Pendant mon semestre à Berkeley, on nous a forcé à aller “parler à nos clients”. On savait pas trop ce que ça voulait dire… En fait, il s’agissait juste de sortir de son bureau, et de ne pas s’enfermer dans sa propre idée, sa propre logique. Toujours s’ouvrir l’esprit, rencontrer des gens, discuter. Le nombre d’opportunités qui se créent dans ce genre de démarche est incroyable.

À Berkeley, on est allé dans la rue. Pour valider des hypothèses, pour comprendre nos utilisateurs. On a rencontré des chirurgiens anesthésistes experts en hypnose, on s’est fait invité par la plus vieille communauté des motards de Californie (la SF Motorcycle Club), on a pitché notre idée devant des investisseurs chinois qui nous ont fait des offres astronomiques de cash. Tout ça en allant dans la rue, en faisant aussi bien des sondages aux sorties de métro, que des meetups divers. On nous disait souvent : “tu peux manger gratuitement chaque jour de la semaine en allant à divers meetups.” Celà n’était pas faux.

Faire un produit dont personne ne veut

Cette erreur rejoint la précédente. L’objectif d’un entrepreneur, c’est de faire un produit/service dont son client est amoureux. Une grosse erreur à ne pas commettre, c’est de faire un produit dont on est le seul à être amoureux. Et on en tombe forcément amoureux, puisque c’est nous qui le créons. L’avis est donc forcément biaisé.

Pour le voir, il suffit de parcourir tous ces outils et produits créés par des grosse entreprises françaises, ou par le gouvernement. On sent la volonté d’incorporer des fonctionnalités qui plaisent, mais très souvent, c’est raté. De A à Z.

Pour éviter cette erreur, il faut constamment aller voir l’utilisateur pour avoir son avis. Il n’y a que ça qui compte. “Créer une petite communauté d’utilisateurs qui vont adorer votre produit vaut mieux qu’une grosse communauté qui l’aime moyennement.” (Sam Altman—YCombinator).

Ne pas oser demander de l’aide

Enfin, la dernière grosse erreur que commettent les Français, c’est de ne pas oser demander de l’aide. De ne pas oser, soit pour l’égo, soit par peur de se prendre un râteau et de se faire ridiculiser. Cette peur est paralysante, et les opportunités peuvent vraiment nous filer sous le nez.

Une manifestation flagrante de cette attitude à la française : la salle de classe. En France, les élèves ne participent que rarement en cours. On a peur de poser des questions naïves et de passer pour un idiot. Aux États-Unis, l’ambiance en salle de classe est différente. Les élèves ont beaucoup moins peur : ils posent des questions, ils osent. Dès leur plus jeune âge, ils sont formés au networking. Pour nous ça nous parait très superficiel, pour eux c’est très naturel.

Un conseil que m’a donné un entrepreneur à succès de San Francisco : “French entrepreneurs need to learn to GRIND and HUSTLE. If you can master this skill, you French will be masters of the world.”

Easier said than done…

Bien sûr, appliquer ces conseils est difficile. C’est presque contre-nature pour nous Français. Néanmoins, les états d’esprit changent, et on voit d’ores et déjà apparaître de très beaux produits au label Made in France sur le marché. Pourvu que ça dure !