La valorisation d'une startup est toujours un point difficile à comprendre, surtout quand on assiste à des levées de fonds dont les montants semblent pharaoniques. Pour faciliter la compréhension de cette phase importante dans le vie des jeunes sociétés innovantes, voici un récapitulatif des différentes phases et des différents acteurs impliqués dans cette démarche. Article proposé par Eddie Gins.[hr]

I. Pourquoi valoriser votre startup?

L’évaluation de votre startup peut être réalisée à différents stades.

1. Phase de création

Lors de la phase de création de votre startup, il est indispensable de trouver des financements. Ces fonds peuvent provenir des économies que vous avez réalisées ou de prêts bancaires. Une solution alternative est celle du love money. Le love money correspond au coup de pouce de vos proches qui vous aideront à financer les premiers mois de votre jeune entreprise actionnaire. Ce financement se traduit par une participation au capital. A ce stade, il semble peu probable que vous ayez recours à un évaluateur car l’accord sur le prix avec vos proches sera réalisé de gré à gré.

2. Expansion

A ce stade, nous considérons que votre startup possède un bagage, c’est-à-dire plusieurs milliers d’heures de vie ! Si vous souhaitez mettre un coup de starter pour augmenter significativement votre chiffre d’affaires, et par la même occasion votre marge, vous serez peut être contraint de financer des campagnes marketing : il est alors peut-être temps d’envisager un second tour de table. Le love money n’étant plus suffisant, des financements plus importants sont à rechercher du côté des fonds d’investissement (venture capital, VC dans le texte) ou des Business Angel. A ce stade, vous pourrez éventuellement avoir recours à un professionnel de l’évaluation : Il est indispensable de savoir combien vous valez afin de ne pas céder à la pression d’un fonds qui vous imposera votre valeur en fonction de la participation qu’il souhaite obtenir.

3. Autres

A n’importe quel moment de la vie de votre startup: en cas de cession de parts, d’entrée d’un nouvel actionnaire, d’émission de stocks options, de fusion, scission vous serez amenés à faire appel à un évaluateur.

II. Qui pour évaluer ?

Tout un chacun peut se considérer "évaluateur". Il n’existe pas de métier spécifique « d’évaluateur » mais plutôt des catégories d’évaluateurs différentes en fonction des besoins.

1. L’Expert-Comptable

L’expert-comptable est le partenaire privilégié dans le cadre d’une évaluation de votre société. L’évaluation peut être réalisée par votre expert-comptable "personnel" ou bien encore par un expert-comptable indépendant spécialisé dans ce type de missions. Un expert-comptable vous accompagnera de la réalisation d’un business plan jusqu'à l’évaluation finale. Sa rémunération est généralement forfaitaire et n’entre pas dans le cadre "normal" d’une mission d’expertise comptable. C’est une prestation complémentaire. L’expert-comptable peut intervenir pour votre compte dans l’accompagnement d’une transaction ou d’une transmission d’entreprise mais également pour des actionnaires (VC, BA, particuliers) souhaitant négocier une prise de participation ou un désengagement.

2. Les fonds d’investissement ou les boutiques de Private Equity

Les fonds d’investissement réalisent fréquemment leurs évaluations en interne. Une division spécialisée se charge généralement d’évaluer l’opportunité d’investissement et le montant de la participation.

3. Les boutiques de M&A

Les boutiques de M&A sont spécialisées dans les transactions. Ces sociétés spécialisées accompagnent leurs clients soit du côté buyer ou seller. Ces sociétés sont généralement rémunérées aux fees (à la commission sur le prix de vente).

4. Des sociétés financières

Il existe un grand nombre de sociétés financières, des leveurs de fonds ou autres intermédiaires réalisant ce type de missions. Ces sociétés sont capables de vous accompagner pendant toute la durée de votre levée de fonds :

  • La recherche des fonds d’investissement ou des business angel,
  • Mise en place d’un business plan et d’un time sheet,
  • Evaluation de la société ;
  • Réalisation de la levée de fonds.

Ces sociétés sont également généralement rémunérées aux success fees.

III. Les méthodes d’évaluation usuelles

Trois méthodes, à partir desquelles peuvent être construites de nombreuses déclinaisons, sont usuellement retenues pour déterminer une valeur d’entreprise :

1. La méthode des multiples d’évaluation de sociétés comparables

Cette méthode repose sur la comparaison de l'entreprise avec des actifs ou des sociétés présentant des caractéristiques proches (domaine d’activité stratégique, taille, maturité, effectifs,…). La recherche par comparaison peut s’effectuer soit à partir de l’évolution des valeurs boursières de sociétés de même secteur d’activité, soit à partir de transactions récentes d’entreprises non cotées. Dans ce dernier cas, l’objectif est de déceler des entreprises cotées/non cotées ayant été cédées récemment, dotées des mêmes caractéristiques que la société à évaluer et d’appliquer à la société les multiples de valorisation observés sur ces transactions.

La principale difficulté d’application de cette méthode est la suivante :

Comment trouver des comparables pour des sociétés qui n’en ont pas !

Prenons l’exemple de Groupon, de AirBnB ou de toute start-up innovatrice : à leur création, il n’existait aucune société équivalente.

2. La méthode des DCF (Discounted Cash Flow)

Cette méthode actualise les flux futurs de trésorerie de la société à l’aide d’un taux d’actualisation qui prend en compte les attentes de rémunération du risque pris par les actionnaires, investisseurs et créanciers. En effet, cette méthode valorise la société à partir de son aptitude à créer de la valeur aujourd'hui mais aussi et surtout demain.

La force de cette approche se fonde sur sa capacité à intégrer de multiples paramètres tels que:

  • Exigence de rentabilité des tiers,
  • Perspectives d’avenir de la société sur un horizon temporel défini.

Cette méthode est la plus répandue lorsqu'il s’agit d’évaluer une société. En effet, la prise en compte de flux futurs est déterminante pour une startup qui ne générera du cash qu’à moyen ou long terme.

Lors de la construction du business plan, il faudra être rationnel :

  1. Comment pouvez-vous justifier une augmentation de chiffres d’affaires très importe d’une année sur l’autre ?
  2. Attention à conserver un niveau de marge qui concorde avec le secteur. Comme nous l’avons vu ci-dessus, il est peu probable que votre marge double, triple en une ou deux années, sauf justification valable.
  3. Attention à votre fonds de roulement qui représente la différence entre les stocks, les créances d’exploitation et les dettes fournisseurs. Le financement du BFR est une donnée sensible qui sera étudiée de près par un évaluateur.
  4. La valeur terminale est basée sur le flux de la dernière année du business plan. Cette valeur peut représenter près des ¾ de la valeur globale pour certaines startups.

Lorsque le business plan est établi, l’évaluateur doit appliquer aux flux déterminés précédemment un taux d’actualisation. Plus le taux d’actualisation de la société est élevé, moins la valeur de la société sera importante. Le manque d’antériorité d’une startup rend difficile la réalisation de prévisions ce qui induit généralement un taux d’actualisation élevé.

Comme vous pouvez le constater, l’évaluation d’une entreprise et particulièrement d’une startup n’est pas chose aisée car elle dépend de nombreux paramètres. L’évaluation qui aboutit à une valeur vous servira de base dans la négociation avec un investisseur.

L’issue de la négociation aboutira à un prix. La valeur n’est pas le prix !

Crédit Photo: Flickr - Tom Baddley