En 40 ans, les incubateurs ont fait leurs preuves, se sont répandus dans le monde entier, et depuis quelques années ont été créés par un nombre croissant d’acteurs économiques (des collectivités locales et des universités aux grandes entreprises). Leurs modèles ont évolué, leurs objectifs se sont diversifiés, et, avec l’expérience, un métier spécifique d’accompagnateur - développeur de jeunes entreprises est né.

Aujourd’hui, l’incubation est un métier – les américains disent une industrie – qui a ses méthodes, ses outils, ses standards, ses structures professionnelles. C’est encore un métier jeune et en évolution permanente. Alors que pendant 20 ans, les incubateurs existants étaient des structures parapubliques de développement économique local, une nouvelle race d’incubateurs privés est née avec la vague Internet ; ceux-ci sont venus enrichir et complexifier le paysage.

L'émergence des incubateurs privés aux US

Quelques capitaux-risqueurs américains ont pris depuis longtemps l’habitude d’héberger et de conseiller des start-ups pendant leur phase de démarrage, créant ainsi leur propre incubateur, pour une partie limitée de leurs investissements. Au moment où on a vu apparaître les rentabilités astronomiques atteintes par les fonds dédiés aux phases d’amorçage, les capitaux-risqueurs se sont intéressés davantage aux investissements de démarrage (c’est à dire aux niveaux « seed » et « start-up »). Jusqu’alors, dans leur grande majorité, ils intervenaient beaucoup dans les phases de croissance ou de Buy Out.

Ceci les a conduits à considérer davantage les incubateurs comme une opportunité intéressante, soit en créant leur propre incubateur, soit en investissant directement dans des incubateurs privés indépendants. D’après une enquête peu récente vu le phénomène mais sans doute cruellement d'actualité (« The State of the Incubator Marketspace » Morten T. HANSEN 2011 –Harvard Business School) sur 169 incubateurs privés majoritairement américains, 31 % ont été créés par des capitaux-risqueurs.

Plusieurs raisons poussent les capitaux-risqueurs à créer leurs propres incubateurs :

  • L’espérance de rentabilités plus élevées ;
  • La proximité physique des jeunes entreprises en formation, qui permet de les surveiller « comme le lait sur le feu » et de détecter à temps les « projets pourris » pour se désengager et les futures stars pour mieux s’y engager ;
  • L’occasion d’obtenir un avantage concurrentiel en face de la masse des nouveaux capitaux-risqueurs qui leur faisaient, à l’époque, une concurrence acharnée et une surenchère malvenue sur les projets.

En France, l'environnement de la création d'entreprise est paradoxal...

S'il constitue un des moteurs majeurs de l'innovation, et ce dans de plus en plus dans des domaines comme les technologies de l'information - où la multiplication de petites structures en symbiose avec de plus grandes est autant à la source de développements majeurs que le développement de grandes entreprises - il est une composante majeure d'une politique de création de richesses et d'emplois viables de notre pays. Il se heurte pourtant à des structures davantage conçues pour des intérêts établis qui vont parfois à l'encontre du bon sens économique. Les incubateurs devraient ainsi favoriser le repérage des capacités réelles, ce qui est une tâche toujours délicate, et laisser parfois leurs ambitions de côté pour alimenter celles des startups, qui elles, n'en manquent pas le moins du monde.

... mais ces incubateurs lancent un appel à l'optimisme et au courage

A l'optimisme, parce que depuis quelques temps, on voit une véritable industrie de la création d'entreprise se former, se professionnaliser, et accroître le rendement de tentatives autrefois isolées. Cette industrie est lourde, et beaucoup moins affectée par les phénomènes de bulle financière que ne le croit d'ordinaire l'opinion. La France n'est pas mal placée dans la compétition mondiale, à condition de savoir transformer quelques essais, généraliser de bons exemples, unir des compétences des forces, des méthodes, encore dispersées, faire valoir ses atouts internationalement, voire, essaimer à son tour hors de ses frontières dans le cadre de réseaux de coopération.

Au courage, car le succès en l'espèce requiert une grande persévérance dans l'action des différents protagonistes, entrepreneurs, acteurs du développement local, investisseurs et "business angels", banquiers, grandes écoles et universités, grandes entreprises, collectivités publiques et État.

L'écosystème français est en pleine mutation, des incubateurs et accélérateurs voient le jour tous les mois. Osons la proposition, à l'heure des Assises, que ce type de structure puisse être moins taxé que celui des fonds d'investissement classiques ?