Suite à la plainte déposée par le CNOP, la startup française 1001Pharmacies est obligée de suspendre son service de livraison de médicaments à domicile en moins de 24H lancé en avril dernier en région parisienne. Une sanction lourde de conséquences pour les 580 pharmacies partenaires et les milliers de clients de 1001Pharmacies ne pouvant plus bénéficier d'un service novateur et en phase avec l'évolution de la profession. Sabine Safi, directrice générale de l'entreprise basée à Montpellier, répond aux questions de la rédaction.


Quelle a été la réaction des pharmaciens suite à l'annonce de la condamnation?

Nous avons la confiance de notre réseau, d'autant qu'il n'y a pas de remise en question de notre activité e-commerce. Dans le reste de la profession, les réactions sont mitigées. Certains pharmaciens sont satisfaits ("protégeons notre monopole"), d'autres sont plus critiques en rappelant qu'on n'est pas les premiers à proposer la livraison de médicaments et que les autres ne se font pas attaquer par exemple.

A relire : Créée il y a 2 ans, la startup 1001Pharmacies annonce une levée de 2 millions d’euros

Pourquoi le CNOP a-t-il décidé de porter plainte? Quels sont ses arguments?

Le CNOP (Conseil de l'Ordre National des Pharmaciens) veut principalement faire requalifier notre service de livraison en vente en ligne de médicaments. Il nous accuse ainsi d'être dans l'illégalité puisque 1- nous proposons la livraison de médicaments sur ordonnance 2- nous n'avons pas d'autorisation de l'ARS et 3- nous ne sommes pas rattachés à une officine physique.

Les 3 derniers faits sont vrais et ne nous mettent pas dans l'illégalité : ce sont les conditions nécessaires à la vente en ligne de médicaments, qui n'est pas notre activité ! Le patient nous confie un mandat d'achat de la même façon que quand il appelle lui-même un coursier, ou un parent, etc. pour lui récupérer ses médicaments en pharmacie.

N'est-ce pas là une manière de se tirer une balle dans le pied?

Et c'est ça qui est terrible ! Notre réseau de pharmaciens nous a beaucoup demandé que l'on étende le service à toute la France. Parce que loin de court-circuiter le pharmacien, les médicaments viennent toujours d'une officine physique, où le pharmacien peut (et doit) conserver un contact direct avec le patient (écrit, téléphone).

Nous sommes dans une période de remise en question du monopole officinal, ce service est justement une valeur ajoutée au pharmacien, une corde supplémentaire à son arc pour mieux répondre aux besoins des patients.

Que représente aujourd'hui le marché de la pharmacie en ligne?

Dans les pays européens les plus avancés (UK, Allemagne), la pharmacie en ligne représente en moyenne 10% du total de la pharmacie. En France, les études annoncent les mêmes chiffres... à terme ! Nous sommes très en retard sur ces pays. 1 à 2% du marché de la pharmacie se retrouve en ligne aujourd'hui en France, soit 100 à 200 millions d'euros (entre autres parce que cela ne concerne pas les médicaments sur ordonnance, alors que dans ces 2 pays, si).

Le problème en ayant un tel retard et en continuant à freiner comme le fait le gouvernement, c'est que nous sommes surtout en train de pénaliser les acteurs français.

Comme sur n'importe quel autre marché, de plus en plus de consommateurs achètent leur produits de pharmacie en ligne, que cela plaise ou non. En l'absence de leader français, ils se tournent simplement vers d'autres sites européens, voire des sites mafieux. Beau résultat pour une politique qui prétend protéger la santé publique, non ?

Mise à jour 23 mars 2015 :

1001Pharmacies.com, premier portail français de vente en ligne de produits de santé, accueille avec satisfaction la décision du Conseil d'Etat. Une annulation qui permet aux pharmaciens français de relancer le débat et d'entrevoir sous de meilleurs auspices leur évolution vers la vente de médicaments en ligne.

 Par décision du 16 mars 2015, le Conseil d'Etat a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 juin 2013, relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments sur Internet.