Après les récentes annonces des plateformes de crowdfunding (notamment les opérations de rachats de l'aéroport de Toulouse ou des autoroutes françaises), Georges Viglietti, le président de sowefund et ancien Délégué Général de Paris Business Angels, a répondu aux questions de la rédaction sur son secteur et ses récentes évolutions. Opérations de communication, ou réelles expressions de besoin du public qui souhaite devenir acteur de la politique ? Dérives ou tendances de fond ? Elements de réponse avec un de ses nouveaux acteurs.


Georges Viglietti

Pourquoi les plateformes de crowdfunding sont-elles en train de lancer des opérations "coup de poings" en terme de communication ?

Il y a beaucoup d’acteurs sur le marché du crowdfunding en equity. Certaines plateformes tentent de sortir du lot en lançant des opérations dans lesquelles les internautes sont invités à racheter pour plusieurs millions d’euros de grosses infrastructures françaises.

Il est important de préciser que ces opérations ne sont que des opérations de communication.

En effet, la réglementation n’autorise pas les plateformes de crowdfunding à boucler des campagnes de cette envergure. Ces dernières sont toujours limitées à 1 million d’euros par projet. Les annonces de proposition de rachats de plateformes du secteur sont exactement du même type, faire parler de soi sans aucun espoir de réalisation de l’opération annoncée.

Est-ce que le secteur n'est pas déjà trop encombré ?

Aujourd’hui peut-être, mais à l’avenir certainement pas. Le crowdfunding est un marché jeune et en pleine évolution. Beaucoup de plateformes voient le jour, mais nous pensons que seules les plus respectueuses de la réglementation et celles qui parviendront à proposer des sociétés de qualité réussiront à conserver leur place. C’est pourquoi nous avons fait le choix chez Sowefund de privilégier le sérieux et la qualité en ne proposant que des entreprises ayant déjà l’appui et la confiance de professionnels du secteur (fonds d'entrepreneurs, réseaux de business angels...).

"Le crowdfunding est un marché jeune et en pleine évolution"

Quels types de dérives le crowdfunding est-il en train de subir ?

La principale dérive est la multiplication des opérations de communication que j'ai détaillé plus haut. Celles-ci sont pour moi un réel frein au développement de notre activité, elles ne vont provoquer que la déception des internautes. Les plateformes qui misent sur ces effets d’annonces tentent d’obtenir facilement de nouveaux membres, sans avoir à proposer à l’investissement de vraies entreprises de qualité, et c’est vraiment dommage pour tout le monde.

Il n’y a heureusement pas de dérives graves, les plateformes agréées CIP ou PSI sont suivies de très près par les autorités financières, elles doivent se tenir à un cadre réglementaire strict.

Comment reconnaître une plateforme sérieuse d'une autre ?

Il suffit de se rendre sur le site de l’orias pour trouver la liste des plateformes agréées Conseiller en Investissements Participatifs.

La loi d’encadrement du financement participatif, entrée en vigueur le 1er octobre 2014, procure aux plateformes de crowdfunding une nouvelle légitimité, associée cependant à de nouvelles responsabilités. La nouvelle réglementation est déterminante car elle offre la possibilité d’encadrer cette pratique d’investissements et d’assurer la sécurité des investisseurs.

Les plateformes qui n’ont pas obtenu ce statut ou celui de PSI, qui n’en n’ont pas fait la demande auprès de l’AMF ou de l’ACPR ou n’en respectent pas les procédures, comme c’est encore trop souvent le cas, sont considérées hors la loi, car elles exposent les investisseurs à des risques non régulés dans le cadre de la loi. Le fait d’exercer l’activité de CIP sans en être autorisé est en effet puni de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Autant dire qu’il est vivement recommandé pour les acteurs du crowdequity de respecter la législation en vigueur, et pour le futur investisseur, de vérifier l’immatriculation de sa plateforme avant de se lancer.

"A ce stade, la nouvelle réglementation impose certaines règles qui vont permettre de faire le tri entre les plateformes peu sérieuses et celles dotées d’une véritable expertise"

Sowefund est également la première plateforme de crowdfunding en equity labellisée par le Pôle de compétitivité français spécialiste de la Finance :  Finance Innovation. Ce type de validation par les experts du secteur de la finance peut également orienter les internautes dans leur choix de plateforme.

Que penser des dernières mesures prises par le gouvernement pour encadrer le secteur? Cela va-t-il dans le bon sens?

Les dernières mesures prises par le régulateur étaient très attendues et sont aujourd’hui tout à fait appropriées :

  • le statut de Conseiller en Investissements Participatifs (CIP), dont dispose Sowefund, permet aux acteurs du crowdequity de bénéficier d’une réglementation adaptée aux spécificités de l’activité: levée de fonds pouvant aller jusqu’à 1 million d’euros sans prospectus AMF, autorisation d’investir dans des SAS.

Afin de protéger au mieux les épargnants, les plateformes sont soumises à des obligations légales: les informations concernant la sélection des entreprises et les risques encourus par l’investisseur doivent être accessibles, claires, transparentes et compréhensibles par tous ; les CIP doivent s’assurer de la compatibilité de l’investisseur et de son choix d’investissement, à l’aide du dossier d’investisseur, à compléter obligatoirement pour tout potentiel financeur…

Cependant, il existe à ce jour encore des freins au bon développement de ce secteur en plein essor. Le périmètre d’activité autorisé pour les CIP est encore restreint. Ceux ci se voient cantonnés à leur activité principale et ne peuvent assurer leur pérennité financière avec le développement d’activités complémentaires.

  • Depuis début 2015, il est autorisé de créer des sociétés intermédiaires d'Investissement Participatif qui permettent aux investisseurs de bénéficier d’avantages fiscaux et cela est un immense pas pour la croissance du crowdfunding equity. Néanmoins, on peut toujours reprocher un temps trop long de conservation de la holding (fixé à 10 ans actuellement).  La Loi Macron a pour projet d’abaisser ce temps à 7 ans, ce qui serait une avancée certaine, mais une durée toujours trop longue (5 ans serait plus adapté).

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