Morph a été cofondée en août 2014 par Niels Thoné et Raphaël Guth. Les deux entrepreneurs ont commencé par développer un service en B2B, avant d'opérer un pivot et de s'adresser directement aux consommateurs.  La startup, qui emploie 3 salariés, vient de réunir plus de 13 000 euros en huit jours de campagne Kickstarter. À cette occasion, Niels Thone, cofondateur de Morph, a répondu aux questions de la rédaction.

Pourquoi s’être lancé dans l'aventure ?

J'ai travaillé en tant que consultant dans l'industrie de la mode auprès de plusieurs grosses marques, ce qui m'a permis de voir ce qui se passait en coulisses. On se concentre généralement sur les ventes et le chiffre d'affaires, mais pas vraiment sur l'innovation dans la technologie et le design. Je voulais justement améliorer le système de patronage et l'expérience utilisateur, à la fois pour les consommateurs et pour les marques, qui doivent faire face à des taux de retour énormes, dépassant parfois les 50%.

Malheureusement, les marques n'étaient pas vraiment intéressées, puisqu'il n'y avait pas de retour direct sur investissement. C'est une réaction assez frustrante pour un entrepreneur : j'ai donc voulu mettre ça en place moi-même.

Quel est le chemin parcouru depuis la création ? Quelles ont été les étapes clés de votre développement ?

J'ai commencé par rassembler des données d'Asie, Europe et Amérique. J'ai ensuite travaillé avec l'Imperial College de Londres où l’on m'a aidé à traiter ces données et à mettre en place les bases du business : c'est là que j'ai rencontré Raphael Guth, le cofondateur de la marque. L'analyse des données a fait ressortir 3 catégories: ectomorphes, mésomorphes et endomorphes qui incluent en fait 80% des hommes. Le système de taille classique S/M/L n'est en fait adapté qu'à seulement 17% des hommes.

Nous avons ensuite modélisé en 3D ces nouvelles catégories pour en dégager des patrons. Nous voulions également intégrer le nombre d'or (utilisé par les grecques dans l'Antiquité pour construire des statues avec des proportions parfaites) : celui-ci permet de rapprocher visuellement n'importe quelle silhouette du corps parfait, et de donner une allure bien plus athlétique. Le gros défi était d'utiliser ce concept sur un patron en 3D.

On s'est ensuite concentré sur la technique : nous avons travaillé avec Mark Powell à Savile Row (qui a notamment habillé les Rolling Stones) pour les techniques de coupe et avec des tailleurs de Naples, qui ont partagé plusieurs astuces pour mettre en valeur la silhouette (notamment au niveau des dimensions du col et de la longueur à l'avant et à l'arrière du t-shirt).

Il fallait ensuite perfectionner le concept : nous avons donc collaboré avec un atelier à Londres pour concevoir le patron final et le t-shirt. Nous avons effectué une quarantaine de séances d'essayages avec des douzaines de mannequins pour tester les 9 tailles et créer le patron parfait. C'était une phase très stimulante, mais aussi difficile et qui a été coûteuse.

Une fois ce travail réalisé, nous nous sommes concentré sur le système de tailles et son identité graphique. Nous voulions vraiment que l'utilisateur puisse avoir une expérience fun et inspirante.

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Lorsque tout a été prêt, l’idée était de vendre directement ce système à des marques : aussi bien des distributeurs en fast fashion que des maisons prestigieuses. Les retours ont été excellents. L'équipe dirigeante d'une maison prestigieuse nous a même affirmé que s'il fallait repartir de zéro, ils adopteraient tout de suite ce système ! Les grosses enseignes de fast fashion étaient aussi hésitantes : chacune voulait voir si son concurrent allait adopter notre système avant de s'engager. Un cercle vicieux frustrant qui n'entraînait du coup aucune prise de décision concrète.

Nous avons alors décidé de pivoter et de lancer notre propre marque. Mais à ce moment là, nous avions dépensé tout l'argent de la levée d'amorçage. Nous avons donc dû tout faire nous-même pour continuer : j'ai suivi des cours du soir pour apprendre à coudre et à réaliser les patronages et j'ai finalement pu réaliser la gradation et terminer les patronages moi-même.

Quelques mois plus tard, j'ai fait la rencontre via un de mes amis de Valéry Khung, le fondateur du blog JamaisVulgaire. Convaincu par le concept il nous a proposé une collaboration pour lancer la marque. Cette collaboration a pour première étape un showroom pour prouver que le concept fonctionne bien. Une quarantaine de personnes est venue essayer les t-shirts sur deux jours avec des résultats très concluants pour tout le monde.

La seconde étape logique était donc de lancer la marque sur Kickstarter. L’objectif a été atteint à 100% seulement huit jours après le lancement.

Un souvenir marquant d'un (ou des) fondateur(s) depuis la création ?

J'ai conduit plus de 6 heures de Bruxelles jusqu'aux Pays-Bas juste pour tester et toucher un tissu.

Un conseil d'un (ou des) fondateur(s) aux jeunes entrepreneurs ou à ceux qui souhaiteraient monter leur entreprise ?

N'abandonnez pas votre idée, mais n'hésitez pas non plus à pivoter pour vous adapter. Prenez du recul par rapport au feedback des grosses boîtes : même si une structure est grosse, elle n'a pas forcément raison.

Quels sont vos projets pour l'avenir ?

Nous voulons appliquer ce concept aux chemises et pulls d'ici la fin de l'année et le développer pour femmes en 2018. Nous comptons aussi nous développer en Asie et aux Etats-Unis, où les morphologies sont plus marquées et l'offre pas forcément adaptée.

Une actualité à mettre en avant ?

Nous avons dépassé les 100% sur Kickstarter et nous pouvons donc à présent proposer des stretch goals avec de nouvelles couleurs, et une nouvelle matière ultra innovante si nous atteignons les 300%.

Et pour les lecteurs de Maddyness, Morph met en place 20 Super Early Birds à 39 euros et 50 Early Birds à 49 euros (au lieu du prix normal Kickstarter de 59 euros).