Pour mieux comprendre comment se dessine le futur de nos espaces de travail, nous avons interrogés Nicolas Paugam, cofondateur du Groupe ArtDesk, société d'aménagement d'espaces et Bernard Michel, président de la foncière immobilière Gecina qui investit les questions sur les « futurs du travail » au sein du laboratoire de prospection et d’innovation, Gecina Lab.

Quelles grandes tendances voyez-vous aujourd'hui autour des espaces de travail ?

Nicolas Paugam : La grande tendance que nous défendons chez ArtDesk est celle du "living office", soit le travail en activités. C'est un concept qui est à différencier du "flex-office" : on ne vient pas au bureau en "mode hotelling" mais pour trouver le meilleur espace adapté qui permettra aux salariés de mener à bien leurs fonctions.

Bernard Michel : Les espaces de travail ne sont au final que la résultante de la révolution numérique, entraînant une nouvelle organisation du travail. Ils doivent être ainsi plus flexibles et ouverts sur la ville afin de favoriser la synergie entre les secteurs, les métiers et les acteurs. Ces deux paramètres amènent les grandes entreprises à sortir de l'organisation taylorisée et permettent de construire un écosystème tourné vers l'innovation, en l'occurence la nouvelle économie et les démarches de CorporateVenture.

Quelles sont les méthodes pratiques pour démarrer la révolution de son lieu de travail ?

N.P : Pour faire la révolution des bureaux, c'est au management qu'incombe la responsabilité de lancer le mouvement. Le manager doit décider de changer complètement son modèle d’organisation pour ensuite amener ses équipes projets à réfléchir et concevoir des espaces innovants. Managers et fondateurs n'ont ainsi plus de bureaux chez ArtDesk et se retrouvent au centre des équipes. Mais le plus important est de déployer des espaces dotés de services multiples. Chaque espace doit être pensé en fonction de l’usage et du programme de la journée. 

B.M : C'est l'approche par l'expérimentation qui est la première étape à déclencher. Aujourd'hui, c'est d'ailleurs la leçon que nous pouvons retenir des startups qui "test-and-learnent" en flux tendu via une méthode dite "agile". Concrètement il s'agit de pratiquer les nouvelles formes d'organisations du travail allant du bureau mobile à l'utilisation des réseaux sociaux en passant par le coworking, à l'image de ce que nous déployons au sein du siège de Gecina.

Comment voyez-vous le poste de travail du futur ? La réalité mixte sera-t-elle le prochain grand rendez-vous ?

N.P : Avant de parler de réalité mixte, il faut parler de l’ère des idées. Nous avons connu l'ère de l'industrie, puis celle du numérique ; aujourd’hui, nous sommes dans l’ère des idées. Autrement dit, on mise sur le travail collaboratif et moins sur le travail individuel. Pour le poste de travail du futur, il faut donc désormais s'adapter à ce revirement de situation et apprendre en entreprise les codes de l’habitation, celui du 'Home Sweet Home'. On a en effet été meilleur dans la construction de nos espaces de vie privée que dans ceux du tertiaire, explique Nicolas. Dans une maison chaque zone correspond à une activité menée. On imagine par exemple mal éplucher nos carottes dans la salle de bain, et c’est ce qui s’est malheureusement passé dans l’entreprise. Il s’agit donc désormais de repositionner l’humain au centre de l’organisation.

Concernant les outils technologiques, par définition, ils accompagneront le travail de demain. Nous serons en effet de plus en plus nomades et nous pouvons déjà imaginer de la visioconférence plus poussée, comme la projection d’hologrammes pour se situer tout de suite à l’intérieur de l’entreprise. Cependant, avant de penser "technologie", c'est à l’humain de reprendre le contrôle sur l’immobilier en le rendant plus flexible. 

B.M : La réalité mixte est avant tout un moyen qu'il faut déployer à condition qu'elle soit réellement au service de l'humain, c'est à dire au service de l'amélioration des façons de travailler mais aussi du bien-être des salariés en entreprise.  Le prochain grand rendez-vous sera donc davantage celui de l'innovation sociale où le "vivre mieux" et les questions de résilience (qu'elles soient technologiques ou rattachées à des enjeux de biodiversité) feront appel à la révolution numérique pour améliorer la responsabilité, le bien-être et au global la compétitivité de l'entreprise.

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