“Combien connais tu de marques passion Decathlon ?” C’est la question qui revient régulièrement dans la bouche des collaborateurs de Decathlon, lors de l’intégration d’un nouveau ou lors de discussions entre amis. Le commun des mortels ne dépassent pas 5, entre 10 et 15 pour les plus sportifs.

En 1976, la vision originelle de Decathlon était de proposer "tous les sports sous le même toit". Decathlon a ensuite misé sur la création de “marques passion” internes à partir de 1996. La marque Tribord, par exemple, regroupait alors tous les sports d’eau. Depuis 2015 et la stratégie de multiplication des “marques passion”, le nombre de marques augmente jours après jours et la question à la mode devient une question piège, même en interne : “Difficile de donner un chiffre à l'instant T car nous avons beaucoup de marques en train de se séparer, ou en création. Je crois qu'on est à 27”.

Au delà du nombre, ce qui compte c’est bien la stratégie de Decathlon qui est de se rapprocher le plus possible des usages et besoins des sportifs en créant des produits correspondant à une pratique sportive. Cette stratégie modifie l’organisation interne, cela se concrétise par des équipes restreintes, de passionnés et de pratiquants du sport concerné, qui oeuvrent au quotidien pour innover.

La rédaction de Maddyness a eu l’opportunité de visiter le centre de conception Tribord, la marque voile de Decathlon, à la rencontre de ses équipes pour comprendre le processus d’amélioration continue des produits.

Lean Sailing

L’approche de Guénolé Havard, le responsable de la marque Tribord et des 23 personnes qui travaillent avec lui, pourrait s’apparenter au Lean Startup appliqué à la voile. L’objectif affiché de cette approche “Lean Sailing”, c’est “d’innover pour faire vivre au plus grand nombre les plaisirs de la voile”. La première étape de ce process est de définir de façon claire et précise le périmètre de la marque à travers une plateforme de marque. Aujourd’hui, Tribord n’est donc plus la marque de tous les sports d’eau mais uniquement de trois pratiques : la voile habitable, la voile légère et la planche à voile. Ensuite, cette plateforme précise que le métier de Decathlon, et de Tribord, est bien de faire des produits vestimentaires destinés à la pratique sportive. Decathlon n’est pas un pourvoyeur de services, une école de voile ou autres. Et Tribord n’est pas un chantier naval ou un constructeur de bateau motorisé. Les produits Tribord doivent être innovants et accessibles. Le processus d'innovation se fait donc dans le cadre d’un prix cible en rayon défini au préalable :

Les innovations de chaque marque passion sont d’ailleurs présentées lors d’un grand événement annuel, les Innovation awards by Decathlon, qui récompense les meilleures innovations à venir.

Des gammes de produits restreintes

Afin que l’offre produits soit lisible et pour ne pas se disperser, le nombre de produits dans chaque gamme est volontairement restreint. Les avantages recherchés de chaque produit sont également identifiés en amont grâce à des brainstorming et aux retours d’expériences des clients. En effet, sur le site Tribord, chaque client peut laisser un commentaire et noter le produit. Ce sont ces commentaires qui permettent aux équipes Tribord de mesurer le succès d’un produit et les pistes d’améliorations possibles. L’équipe Tribord se repose également sur les retours des marins professionnels avec lesquels elle a noué des partenariats techniques, tels que Tanguy de Lamotte, Ian Lipinsky ou Nolwenn Cazé. Voici les avantages et caractéristiques recherchés pour les produits Tribord : imperméabilité, adhérence, résistance, flottabilité, le tout avec un design et des couleurs dans l’air du temps. Ces caractéristiques visent à servir deux objectifs : le plaisir et la sécurité en navigation. Tribord mise sur l’innovation pour faciliter la pratique de la voile. Le cycle d’innovation mis en place permet donc à Tribord d’itérer afin d'améliorer de façon continue tous les produits de la gamme et d’inventer de nouveaux produits correspondant aux besoins des navigants.

Un cycle d’innovation court et en 10 étapes

Pour illustrer le processus d’amélioration continue de Tribord, prenons l’exemple d’une veste de quart de la marque (la veste ozean 900).

Point de départ : le produit actuel, quels sont ses avantages et points d’améliorations. Définition d’un cahier des charges du futur produit avec les principaux besoins identifiés. Analyse des spécificités fonctionnelles. Workshops créatifs avec des participants internes et externes à Decathlon pour dégager des pistes qui permettront de répondre aux besoins identifiés.

Patronage pour les différentes tailles. L’une des forces de Decathlon est de proposer, à ces marques internes, une banque de matières et de composants dans laquelle elles peuvent venir “piocher” pour concevoir les produits. Prototypage dans l'atelier du site. Tribord dispose, sur site, d’un fablab et d’un atelier de prototypage. Cela permet aux équipes de multiplier le nombre de tests et de prototypes pour leurs produits dans un temps très court.

Premiers tests d’usages partiels et en taille unique, 3 mois après les premières réflexions. Validation ou abandon de certaines innovations. Tribord dispose de bateaux afin de pouvoir tester les prototypes et les innovations en conditions réelles de navigation.

Seconds tests d’usages sur site. Pour les tests, Tribord a également noué un partenariat avec la plateforme Vogavecmoi afin de pouvoir mobiliser rapidement des testeurs aux quatres coins de la france.
Tests de résistance et d’étanchéité “en labo”.

Commercialisation, 18 mois environ après les premières réflexions. Pour cette veste Ozean 900, voici les principales nouveautés du modèle qui sortira cet été :

  • Réglage double du manchon (intérieur/extérieur) en un seul geste.
  • 2 points de réglage capuche contre 4 habituellement.
  •  Col plus haut & optimisé avec une barre métallique réglable pour épouser la forme du visage et du nez.

Distribution de proximité

Guénolé Havard explique qu’il se moque de la notoriété de la marque Tribord. Ce qu’il veut, c’est que les clients soient contents d’utiliser les produits conçus par la marque et qu’ils puissent échanger avec des passionnés. C’est la dernière brique de la stratégie de Decathlon : la proximité. Proximité géographique grâce aux magasins Decathlon, mais aussi proximité entre passionnés d’un même sport. Guénolé Havard mise sur deux éléments pour mettre en place cette stratégie de proximité pour la marque Tribord : le recrutement et la formation des vendeurs et la création d’un univers visuel plus communicatif en magasin. Réussir à établir des liens forts avec les vendeurs afin qu’ils puissent “raconter” la marque Tribord et transmettre leur passion pour la voile aux clients, voici l’un des défis de la marque. Cette proximité n’est pas recherché uniquement pour mieux vendre, elle vise également à faire remonter les remarques et besoins des clients et des vendeurs afin qu’ils participent, eux aussi, à l’amélioration des produits.

Deuxième défi, créer des rayons Decathlon qui véhiculent cette passion pour les sports à travers un environnement visuel particulier. Même les innovations les plus géniales ont besoin d’être présentées et détaillées aux utilisateurs. Guénolée Havard veut dialoguer et échanger avec les passionnées et les pratiquants de voile, pour mieux comprendre leur besoin et y répondre. Ce dialogue s’inscrit dans trois valeurs fortes qu’il souhaite incarner avec sa marque et son équipe : la proximité, nous en avons parlé, la sincérité et la confiance qui consiste à tenir les promesses affichées des produits.

Si Tribord relève ce défi de la proximité, Guénolé Havard et son équipe auront réussi à faciliter la pratique de la voile pour le plus grand nombre en misant sur l’innovation. La force de Tribord, et de Decathlon, étant de rendre ces innovations accessibles grâce à une organisation interne et une distribution efficace et agile.