Legalife, spécialiste des besoins juridiques des petites entreprises, revient sur les responsabilités auxquelles doit faire face le gérant de chaque société, et les risques qu'il encourt en fonction des fautes commises. 

Représentant légal de la SARL ou de sa forme unipersonnelle, l’EURL, le gérant doit, au titre de son mandat, accomplir toutes sortes de missions que la loi et les statuts lui attribuent. Il dispose des pouvoirs les plus étendus pour accomplir les actes relatifs à la gestion de la société dans les limites de l’intérêt social : conclusion de contrats, embauche de personnel, possibilité d’agir en justice …

Ce très large panel d’attributions s’accompagne d’obligations et de contraintes pour le gérant : respect de l’objet et de l’intérêt social, organisation et tenue des assemblées générales ordinaires et extraordinaires, information les associés, accomplissement des formalités légales de publicité.

Face à l’ampleur considérable des pouvoirs qui leurs sont accordés, la loi française a élaboré un régime de responsabilité du gérant :

  • Responsabilité civile envers la société, ses associés ou les tiers,
  • Responsabilité pénale en cas de fraude.

Voici les éléments essentiels à connaitre sur les risques auxquels s’expose le gérant qui a commis une faute ou une défaillance.

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La responsabilité civile contractuelle du gérant envers la société : sanction de la faute commise dans le cadre des fonctions

« Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion » (article L. 223-22, alinéa 1er du Code de commerce).

Pour éviter cela, la loi, influencée par les principes du gouvernement d’entreprise, a imposé au gérant un devoir de loyauté - dispositif institué dans les sociétés par actions et qui s’est diffusé à l’ensemble des sociétés commerciales.

Mais, bien souvent, il s’avère insuffisant, d’où l’institution d’un devoir de prudence et de diligence du gérant : il doit gérer sainement, c’est à dire en maîtrisant les risques et sans retard.

Dans le cas contraire, son comportement fautif est sanctionné. Il est important de souligner que la notion de faute est extrêmement large puisqu’elle s’entend de la simple négligence (attitude passive) à la fraude caractérisée (comportement pro-actif), en passant par la faute de gestion (caractère intentionnel) ou l’imprudence (prise de risque non maitrisée).

Les juges mettent à charge du gérant (et de tout dirigeant social) une présomption de responsabilité en cas d’irrégularité, qu’elle soit issue d’une action ou d’une abstention.

  • Plusieurs cas de responsabilité du gérant peuvent alors être retenus :
  1. Une forme de responsabilité envers la société elle-même, le préjudice social, qui frappe la collectivité des associés de la SARL ou l’associé unique de l’EURL (par exemple, une perte de valeur des titres, ternissement de l’image de la société), matérialisée par l’action sociale.
  1. Une forme de responsabilité envers l’associé qui subit un préjudice personnel, distinct du préjudice social (par exemple, la perte de la chance d’investir ailleurs, dans une autre SARL).

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La responsabilité civile délictuelle du gérant envers les tiers : la nécessité d'une faute détachable

Au-delà de cette responsabilité interne spécifique, le gérant est bien évidemment soumis au régime de droit commun de la responsabilité de l’article 1382 du Code civil qui oblige tout fautif à réparer le dommage qu’il a causé à autrui.

Des tiers à la société, victimes du préjudice du gérant, peuvent ont donc la possibilité de demander réparation.

Toutefois, l’engagement de la responsabilité personnelle du gérant demeure relativement rare dans la mesure où la loi exige que la faute commise soit détachable de ses fonctions sociales. Face à l’absence de définition de la faute détachable et face risques de quasi-irresponsabilité, il a été considéré que les tiers pouvaient rechercher la responsabilité du gérant lorsqu’il avait commis une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions.

Lorsqu’il agit en justice, le tiers lésé par un préjudice distinct de celui qu’a subi la société doit prouver les trois éléments ci-dessus pour espérer obtenir réparation.

En l’absence de faute détachable, la responsabilité incombe à la société.

NB. Le délai de prescription de l’action des tiers contre le gérant est de 3 ans.

Le cas particulier de la responsabilité pénale du gérant 

Au-delà des risques de voir sa responsabilité engagée par les juridictions civiles à la suite d’une action des associés ou de tiers, le gérant peut être poursuivi au plan pénal s’il est l’auteur d’une infraction, d’un délit ou d’un crime.

Les articles L. 241-1 à L. 241-9 du Code de commerce visent explicitement plusieurs types de comportement, punissables de 5 ans d’emprisonnement 375.000 € d’amende, comme :

  • la distribution de dividendes fictifs
  • la présentation faussée du bilan, dissimulant la véritable situation financière de la société
  • l’abus de biens sociaux.

Mais il peut également être condamné s’il s’est rendu complice d’un acte pénalement sanctionné, s’il s’est rendu coupable de fraude fiscale, d’escroquerie, d’abus de confiance, de faux et usage de faux etc.

Conclusion

En définitive, le gérant fautif ou négligent risque gros car sa responsabilité peut être engagée au plan civil (non-respect des statuts…) ou au plan pénal (son attitude est constitutive d’une infraction ou d’un délit).

  • Au plan professionnel, il risque d’être démis de ses fonctions, et être frappé d’une interdiction de gérer s’il mène sa société à l’état de cessation des paiements.
  • Au plan personnel, il peut être condamné à payer des dommages-intérêts venant compenser le préjudice subi par la société, les associés ou les tiers. Il peut ensuite risquer une condamnation pénale comme une amende ou l’emprisonnement (même si la peine de prison ferme n’est quasiment jamais prononcée)