Disclaimer : je suis Lorraine (et donc impliquée émotionnellement :-). C'est donc par le truchement habile de l'édito que je compte détourner l'objectivité et l'impartialité dont est censé faire preuve ce média ! J'ai redécouvert la Lorraine il y a peu, avec un oeil neuf et sous un angle que je ne lui connaissais pas : celui de l'entrepreneuriat, des startups et j'ai senti un nouveau souffle animer les villes par lesquelles je suis passée.

Labellisé depuis 2016, le territoire lorrain a montré qu'il voulait faire fi des guéguerres du passé (qui de la nouvelle génération sait encore pourquoi Metz et Nancy se chamaillent autant ?) et qu'il pouvait se fédérer. Ainsi est né en 2005 le Sillon Lorrain, pôle métropolitain issu de la collaboration des agglomérations de Thionville, Metz, Epinal et de la Métropole du Grand Nancy. Une association qui a assurément pesé dans la candidature pour le label French Tech.

La semaine dernière, j'assistais au #GEN, l'un des événements LORnTECH, et après quelques conversations avec les startups sur place, l'édito s'est imposé à moi. Car si les startups sont au rendez-vous, l'écosystème peine visiblement à se structurer.

Boursorama, et après ?

En effet, plus d'un an après la labellisation, LORnTECH est encore trop timide. Il y a ces écosystèmes du numérique que l’on voit partout. Qui ont su fédérer, ou en tout cas qui semblent avoir su le faire, qui savent tirer parti de tout ce que le numérique a à offrir et qui ont l'air de véritables conquérants. C’est le cas de Nantes, souvent citée en exemple.  Et puis il y a ces écosystèmes qui donnent l'impression d'avancer en tremblant, se demandant si, après tout, ils sont légitimes pour se faire une place sur la scène nationale. Ils sont labellisés French Tech, mais le label ne fait pas tout. C’est le cas de la Lorraine, ce bout de France vers lequel convergent les routes de la Belgique, du Luxembourg et de l'Allemagne et qui souffre de l'image de son passé. Passé qui lui colle encore à la peau comme la houille dont elle était le principal fournisseur.

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Citez-moi une grande réussite lorraine. Pour ceux qui ont révisé leurs fiches societe.com, la réponse la plus évidente est toujours la même : Boursorama. Une entreprise créée en... 1998 ! Même si la filiation a permis de donner du poids à l'adhésion de LORnTECH au réseau thématique FinTech (grâce également à des jeunes pousses comme Piggou), d'autres pépites méritent d'être mises en avant et reconnues. Comme la marque messine d'audio nomade  Divacore (très souvent encensée par la presse spécialisée), ou la startup nancéienne Dyrun, qui développe une box 3g/4G qui démultiplie le signal mobile pour booster le réseau des zones à faible connexion.

Ce qui manque à la Lorraine 

Ce qui manque à la Lorraine, c’est avant tout que les Lorrains gonflent la poitrine et sachent qu’ils sont tout aussi légitimes à réussir que n’importe quels autres entrepreneurs. Que la France ne les attend certes pas, mais qu’elle pourrait bien être surprise. Notre pire ennemi c’est nous-mêmes. Combien ont quitté la Lorraine, avides de grandes villes et de terrains de jeu plus adaptés à leur soif de découvertes, de rencontres, de dépaysement ? Combien se sont sentis étriqués et limités sur ce territoire natal que l'on ne pense parfois pas à la hauteur ? "J'ai créé l'association GEN pour donner à ma fille une alternative quand elle grandira, pour agir et avoir une réponse à cette question : on fait quoi pour que nos enfants aient envie de rester ici ?", m'a ainsi glissé Frédéric Schnur, fondateur de l'association et de l'événement éponyme lors du salon.

Mais il faut les voir aujourd'hui ces projets d’urbanisme épatants, ces accélérateurs, incubateurs, espaces de coworking qui fleurissent un peu partout, ces campus et la force des universités de la région et enfin, ces startuppers, qui ne prennent pas (et on l'espère ne prendront pas) la poudre d'escampette pour aller s'établir à Paris ou sous des cieux plus cléments (mais où la mirabelle n'existe pas !). Il y a de quoi prendre une claque aujourd'hui, et tous les clichés peuvent voler en éclats, si on prend le temps de venir s'en rendre compte par soi-même. La région a évolué, et elle se bat pour trouver un nouveau souffle et un nouveau dynamisme.

Ce qui manque à la Lorraine donc, c'est savoir attirer les individus.  Et ce n’est pas avec des campagnes de communication risibles que le travail se fera. 

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À une heure et demie de la capitale en TGV, Nancy et Metz devraient inciter à la découverte. Contrairement à ce qui persiste encore dans l'imaginaire populaire, les paysages lorrains ne sont pas que hauts fourneaux et anciennes cités minières maussades. La richesse culturelle et architecturale attire même des talents comme le designer star Philippe Starck, qui ouvrira en 2020 à Metz le premier hôtel signé de sa main. 

Ce qui manque à la Lorraine : un événement d'envergure. Un événement signature comme, pour reprendre l'exemple de Nantes, la Digital Week qui vient de se clôturer ou encore le Web2Day, deux manifestations puissantes qui font la part belle au numérique et qui mélangent art, musique, création en tous genres et innovation. Seul événement du Grand Est repéré : #GEN, porté par l'association Grand Est Numérique créée en 2012. Problème : isolé et hébergé dans un palais des congrès qui n'invite pas au voyage en terres d'innovation, l'événement prend chaque année de l'ampleur mais mériterait d'offrir un écrin taillé sur-mesure aux startups. Ce sera probablement chose faite en 2018 quand il prendra ses quartier dans le tout nouveau palais des Congrès actuellement en construction en plein centre ville de Metz. Et si on a noté la présence du directeur général de Google France, Sébastien Missoffe, qui a vraisemblablement attiré les foules lors de sa venue le jour de l'ouverture du salon, les allées étaient plus clairsemées le lendemain, qui affichait comme vedette du jour... Jérôme Bonaldi. Le Géo Trouvetou cathodique disparu des radars.

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Pourtant la Lorraine a de quoi faire : le Lorraine Mondial Air Ballons,  époustouflant spectacle qui réunit chaque année des centaines de montgolfières, proposait cette année "Pitch in the air", un concours de startups, dans les nacelles en pleine ascension. Un événement dont la notoriété n'a malheureusement pas dépassé les frontières du Sillon lorrain. Le Nancy Jazz Pulsations pourrait devenir la pierre angulaire d'un immense festival du numérique, comme Scopitone l'est à la Digital Week nantaise. Mais la Lorraine pourrait aussi trouver son chemin, sans comparaison avec aucun autre écosystème.

Ce qui manque à la Lorraine : davantage d'initiatives privées, comme celle de Pôle Capital, un fonds soutenu par le voyagiste lorrain Prêt à Partir , et qui a créé l'incubateur nancéien le Paddock ou encore la PAPinière à Gondreville. Celles de Grand Est Numérique sont également louables : hackathons, startup weekends et consorts visent à favoriser l'émergence de nouveaux projets et à créer un environnement plus collaboratif.

La Lorraine, c'est plus de 2000 entreprises innovantes qui fournissent 10 000 emplois, 4 bâtiments totem et une culture entrepreneuriale qui ne demande qu'à se développer. Voilà plusieurs mois que je prends un plaisir certain à revenir sur mes terres natales, un plaisir qui m'avait quittée depuis longtemps et qui est revenu sans crier gare. Tout a commencé par la visite du Paddock, accélérateur LORnTECH à Nancy, puis plus récemment celle de TCRM-Blida, autre bâtiment totem, localisé à Metz, au sein duquel se mêlent porteurs de projets, artistes, médias et ... poules. Alors si aujourd'hui j'ai envie de dire publiquement qu'il faut aider la Lorraine à relever la tête, c'est parce que trop souvent j'ai murmuré mes origines en regardant mes chaussures. Comme si un territoire pouvait définir une personne toute entière. Et s'il le pouvait ? Et si on travaillait à faire en sorte que les startups y naissent, s'y épanouissent et arborent fièrement leurs couleurs LORnTECH ?