• Article publié initialement le 3 octobre 2017, edit à l'occasion de l'ouverture d'All Turtles à Paris •

Phil Libin était à Paris pour « finaliser les détails avec sa team parisienne » du lancement de son startup studio All Turtles (cofondé avec Jessica Collier et Jon Cifuentes) à Station F. Annoncée avant l’été, la nouvelle aventure du fondateur d’Evernote et ancien VC a déjà fait couler beaucoup d’encre. Et pour cause, bien qu’enfant de la balle, son crédo est de proposer un modèle bien différent de celui imposé par la Silicon Valley.

« L’ensemble du processus de la création de startup est inefficace, il a été imposé par la Silicon Valley mais ça n’a aucun sens aujourd’hui de devoir créer une société pour créer un produit. Créer une entreprise c’est compliqué et ce n’est pas nécessaire. Eliminer l’étape création de startup libère le potentiel »

Pire, il estime même que le système est un véritable broyeur à talent « on transforme les génies, ceux qui ont de vraies idées en CEO médiocres. En quoi est-ce que ça fait avancer le monde ? ».

Un startup studio inspiré d'Hollywood

Pour pallier cette situation et créer le terreau fertile dans lequel les idées pourront s’épanouir, Phil Libin a donc décidé de lancer son startup studio. « On s’est inspirés de ce qui se faisait juste à côté, à Hollywood », et ainsi de comparer All Turtles à HBO ou Netflix : « nous construisons le projet ensemble. Nous ne sommes pas une école, nous ne sommes pas un accélérateur, nous ne sommes pas là pour aider mais pour co-construire. On s’assoit tous ensemble autour de la table, comme les studios peuvent le faire avec les scénaristes, et on construit un plan d’attaque à trois mois. »

Autour de cette table donc : le porteur de projet et la team All Turtles, composée d’experts, dont certains dans des domaines sous-estimés, comme le « pricing ». « Quel startupper sait aujourd’hui comment fixer un prix, ou a même déjà vu un expert du pricing ?  Chez Evernote on a mis six ans avant de se pencher sur la question du prix, qu’on avait fixé un peu au doigt mouillé au départ. Ces gens sont plus seniors, plus expérimentés, rodés et moins visibles » Avec ces experts, qui maîtrisent sur le bout des doigts des sujets comme le design, le commercial, les RH ou encore l’expérience utilisateur, l’idée est de permettre aux porteurs de projet (le mot startupper pourrait-il finir par être banni  ) de se concentrer sur leur produit, plutôt que sur la structure qui pourrait, un jour, l’entourer et sur toutes les tâches chronophages et stressantes qui accompagnent la création d’une entreprise.

« J’ai passé 20 ans à mentorer des startuppers. Leurs principales interrogations : comment manager une équipe, comment gérer son board, comment virer quelqu’un. Les questions tournent rarement autour du produit en lui-même. Or c’est tout ce qui devrait intéresser un startupper »

L'anti Rocket Internet : travailler sur des idées jamais vues

Un cycle de questions que le startup studio entend bien enrayer donc avec ses premiers lieux, ouverts à San Francisco, Paris et Tokyo, dédiés à l’intelligence artificielle. « C’est le sujet du moment, justifie le Phil Libin. Nous voulons créer des produits qui résolvent de véritables problèmes, que les gens auront envie d’utiliser. Et nous ne nous penchons que sur les idées révolutionnaires, celles qui n’auraient jamais pu voir le jour deux ou trois ans plus tôt parce que la technologie n’était pas disponible. Les fondateurs doivent aussi être amoureux de leur produit et de leur solution à un problème. Nous cherchons des individus qui ne sont pas obsédés par la technologie mais par ce qu’ils en font.»

L’objectif : sortir en 12 mois un produit viable et être une sorte de bac à sable à idées.

« Les startups prennent beaucoup de risques, nous voulons créer une structure qui leur permette d’expérimenter. Notre promesse : aucun projet n’échouera pour une raison stupide. S’ils échouent, c’est pour une raison que nous n’aurons pas anticipée et de laquelle nous pourrons apprendre, pas pour un contrat juridique mal rédigé »

Une jolie manière de ne pas froisser les égos des startups qui pourraient, quand même, se planter, All Turtles ou pas. Backé par de gros investisseurs, comme le fonds General Catalyst, Xavier Niel mais aussi Digital Garage ou encore Salesforce, le studio gagne de l'argent grâce aux exits des projets dans lesquels il a pris une participation (notamment dans le cadre d'un revente du produit) mais aussi grâce aux fees payées par les grands comptes pour utiliser le startup studio comme excubateur. 

3 types de porteurs de projet sont en effet accueillis dans le startup studio :

  • des startups qui existent déjà et qui sont soutenues par des investisseurs early stage (comme Leade.rs de Loïc le Meur)
  • ceux qui n'en sont qu'au stade de l'idée et à qui le startup studio va adjoindre la bonne team pour l’exécuter 
  • les « troublemakers » de grands comptes, ces personnes brillantes qui ne collent pas à la manière de fonctionner d’un grand groupe et qui viennent chez All Turtles pour développer leur idée ( qui peut ensuite être rachetée par leur entreprise)

Quand Phil Libin explique le modèle de son startup studio

Phil Libin (Evernote, All Turtles), explique le modèle du startup studio

Publié par Maddyness sur mardi 3 octobre 2017

Prochaine étape : Mexico

Lancé à San Francisco, le startup studio a immédiatement été pensé dans une vision plus globale. Paris vient tout juste d'ouvrir ses portes. Dans la capitale française, c'est à Station F qu'All Turtles accueillera les innovateurs. "Je me suis dit que Paris devait être dans les premières villes parce que je suis séduit par Xavier Niel. Que ce soit 42 ou Station F, son ambition peut vraiment changer le monde. Sans compter que les conditions que nous recherchons pour chaque nouvelle ouverture sont toutes réunies ici."

Autre ville à réunir selon Phil Libin les critères requis : Mexico. "J'y suis allé pour une conférence et j'ai été bluffé. Mexico c’est 20 millions d’esprits brillants, d’universités à la pointe. Cette ville a tout ce qu’il faut pour faire d’incroyables produits technologiques. Seulement, aujourd’hui, c’est un endroit difficile pour monter une entreprise, à cause de la bureaucratie, de la corruption, des spécificités juridiques etc. Mais notre idée étant qu’il ne faut pas se conformer au moule de la création de société, nous aimerions pousser les projets à se concrétiser à Mexico." Après le pied de nez à la Silicon Valley ("des gamins qui ont fait Stanford"), le pied de nez à Trump ?

11 projets, dont 9 aux États-Unis, sont actuellement développés chez All Turtles :