Plus qu'une affaire d'argent, le métier d'investisseur est une affaire de patience. Compulser des milliers de dossiers par an pour en extraire celui qui décèle la prochaine pépite... Pour Kerala Ventures, fonds français spécialisé dans l'amorçage, c'est particulièrement vrai : la structure n'investit que dans quatre à cinq entreprises par an. Des investissements parcimonieux mais attentivement choisis. "Nous voulons prendre part à des opérations exceptionnelles auprès d'entrepreneurs qui ont une très forte ambition", martèle Antoine Freysz, l'un des trois cofondateurs, avec Marc Laurent et Olivier Occelli.

L'investisseur sait de quoi il parle : c'est lui qui décèle le potentiel de LaFourchette et qui encourage le fonds Otium, qu'il cofonde en 2009, à investir dans la startup. En 2014, quelques mois avant qu'il ne quitte le fonds pour créer Kerala Ventures, c'est lui encore qui supervise l'opération de rachat de LaFourchette par TripAdvisor aux côtés d'un certain Marc Laurent.

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Fourchette

Dénicher le futur géant français

L'ambition de Kerala s'est concrétisée au travers d'une dizaine d'investissements. Parmi les startups du portefeuille, certaines fleurent déjà bon le succès (Doctolib, Malt, Adotmob...), les autres se montrent particulièrement prometteuses (Skillup, Hostnfly, Tracktor...). Six des startups n'avaient aucun euro de chiffre d'affaires lorsque Kerala a décidé d'investir. Toutes ont été refinancées lors d'une second tour. Parce que les autres investisseurs ont eux aussi décelé ce qui avait convaincu le trio de Kerala d'investir initialement : "une équipe solide, portée par des entrepreneurs visionnaires et un marché à structurer", explique Marc Laurent. La plupart des startups du portefeuille font face à une concurrence féroce mais le pari n'en est que plus fou : déceler le prochain géant français.

" Le pire échec pour un investisseur,
ce n'est pas de ne pas avoir investi
dans une startup prometteuse
mais de ne même pas l'avoir rencontrée 
"

Antoine Freysz, cofondateur de Kerala Ventures

Kerala ne mène en effet les tours qu'en phase d'amorçage, avec des tickets compris entre 100 000 euros et 1,5 million, pour 15 à 20% du capital. Le fonds se concentre sur les entreprises Tech, mobile ou développant des logiciels mais préfère laisser à d'autres les pépites hardware et les entreprises qui se lancent dans des secteurs peu sécurisés. "La technologie révolutionne de nombreux secteurs, rappelle Antoine Freysz. En 2018, plus d'une dizaine de tendances majeures sont à l'oeuvre. Mais on reste loin des secteurs qui peuvent subir des crises, notamment réglementaires." Le fonds assume aussi rechercher d'abord "la performance financière", même s'il affirme ne réfléchir pour l'instant à "aucun horizon de sortie" pour ses protégées.

Un accompagnement bien plus que financier

Cette recherche de la performance se traduit par un accompagnement rapproché des entrepreneurs, parfois avant même que le fonds n'investisse. "Nous prenons le temps de travailler avec les entrepreneurs sur le management, l'organisation de leur boîte ou le recrutement", précise Antoine Freysz. Au-delà de son activité strictement financière, le fonds joue quasiment le rôle de cabinet de conseil et accepte de dispenser conseils et astuces aux entrepreneurs sur leur deck mais surtout leur stratégie de recrutement. "Nous cherchons à monter des équipes de All Blacks", sourit Antoine Freysz. Grâce à des entretiens hebdomadaires qui lui ont permis de constituer une base de profils hautement qualifiés, Marc Laurent a déjà aidé les startups dans plus d'une soixantaine de recrutements marketing, produit et opérationnel.

" On fait plus de people-flow que de deal-flow "

Marc Laurent, cofondateur de Kerala Ventures

Ce fonctionnement un peu particulier, entre le fonds et la structure d'accompagnement, découle d'une structuration financière carrément atypique dans le paysage du capital-risque. Kerala Ventures est financé par les trois cofondateurs ainsi que par une trentaine d'entrepreneurs investisseurs. Les fondateurs préfèrent ainsi évoquer un "flux annuel" de trois à cinq millions d'euros par an, qui peut varier d'une année à l'autre et a vocation à augmenter. L'équipe, aujourd'hui composée d'Antoine Freysz, Marc Laurent et d'un investisseur junior, devrait elle aussi s'étoffer d'ici la fin de l'année pour atteindre cinq personnes. Pour qu'aucune pépite n'échappe plus à Kerala.