7 juin 2018
7 juin 2018
Temps de lecture : 5 minutes
5 min
6547

Que Font Les Fonds : le portrait d'Aster

Dans le paysage de plus en plus foisonnant de l’investissement, les fonds se multiplient… et ne se ressemblent pas. Parce qu’une levée, ce n’est pas simplement encaisser de l’argent et surfer sur une bonne occasion de communiquer, nous avons décidé de brosser le portrait des fonds français pour aider les entrepreneurs à s’y retrouver et à choisir le bon investisseur. Au tour d'Aster !
Temps de lecture : 5 minutes
Partager
Ne passez pas à côté de l'économie de demain, recevez tous les jours à 7H30 la newsletter de Maddyness.

La collaboration startups-grands groupes passe-t-elle par la case fonds d'investissement ? Le parcours ne semble pas évident à première vue. Aster joue pourtant le double rôle de courroie de transmission et d'huile de moteur pour les startups à la recherche d'un appui industriel. Et assume son objectif de rapprocher deux cultures régulièrement présentées comme frictionnelles voire irréconciliables : " La principale caractéristique d'une startup est d'être adaptable, rappelle Jean-Marc Bally, managing partner d'Aster. Le corporate, lui, est un modèle d'efficience et n'a donc aucune raison de s'adapter. En rapprochant ces deux définitions, on crée un corporate super adaptable, soit une vraie machine de guerre ! "

Et l'objectif ne semble pas hors de portée, d'autant que les intérêts des uns comme des autres convergent, explique Jérôme Joaug, principal fraîchement arrivé chez Aster. " Tout est question de maturité. Les corporates meurent s'ils ne savent pas redevenir jeunes alors que les licornes sont des startups devenues corporates à leur tour. " Plutôt qu'une cure de Jouvence aux premiers et des hormones de croissance aux secondes, Aster a plutôt choisi de prodiguer conseils et soutien à chaque bord pour combler le fossé qui les sépare encore.

Un fonds corporate émancipé

Ce positionnement atypique dans l'univers des fonds, de plus en plus concurrencés par les investissements pilotés directement par les corporates, s'explique par l'hérédité d'Aster. Créé en 1997 au sein de Schneider Electric - et alors nommé Schneider Electric Venture, il se structure au début des années 2000 grâce à une dotation conséquente pour l'époque d'une cinquantaine de millions d'euros. Mais très vite émerge l'idée d'une " mutualisation des ressources " pour le compte de plusieurs industriels et non plus uniquement pour celui du gestionnaire énergétique.

Le fonds prend alors son indépendance et axe son développement autour de deux géants industriels, Alstom s'étant ajouté à Schneider Electric, rejoints plus tard par un troisième, Plastic Omnium. Cette prise de recul du fonds par rapport à ses généreux donateurs lui permet de voir davantage de dossiers et ainsi " de mieux remplir le rôle d'un VC : détecter les meilleurs ". D'autant que son indépendance lui offre ce luxe de ne plus risquer " un désalignement stratégique " avec les grands groupes dont il dépendait auparavant directement.

Un réseau international

De cette étroite relation avec les trois industriels, Aster a gardé un prisme sectoriel - le fonds se concentre sur les secteurs de l'industrie, de l'énergie et de la mobilité, très imbriqués - mais aussi une importante projection vers l'international. Avec des antennes à San Francisco, Tel Aviv et un relai en Chine, le fonds peut se targuer d'une présence à l'étranger à la fois solide et diversifiée. Il a également un partenariat avec un fonds africain, qui lui permet de garder un oeil sur ce marché " naissant mais très dynamique, un nouvel eldorado ", prophétise Jean-Marc Bally.

 

Ce réseau international constitue autant de portes d'entrée sur de nouveaux marchés pour les startups accompagnées. " L'important est d'adapter l'offre à l'industrie qu'on vise, souligne Jérôme Joaug. Il est parfois plus pertinent de partir à l'assaut du marché asiatique que de vouloir à tout prix s'implanter aux États-Unis. " Et les jeunes pousses du portfolio d'Aster peuvent compter sur l'écosystème que le fonds a rassemblé autour de chacune de ses antennes : startups, fonds et corporates locaux.

Nourrir un cercle vertueux

Après un deuxième véhicule d'investissement doté de 107 millions d'euros et épuisé en 2016, Aster a bouclé un nouveau closing de 240 millions d'euros à l'automne pour son troisième véhicule. Celui-ci devrait encore s'étoffer d'ici quelques semaines. Et si l'idée est de " repérer les startups assez tôt ", Aster ne s'interdit nullement de participer à des tours de série A, grâce à des tickets potentiels de 250 000 à 15 millions d'euros. Avec cinq à huit participations dévoilées chaque années, dont deux à trois en seed, l'écrémage est drastique. Mais le fonds revendique un droit à l'erreur : " les bonnes raisons de ne pas investir une année peuvent devenir parfaitement mauvaises l'année suivante ", souligne Jean-Marc Bally, anticipant les retournements de marché particulièrement rapides dans l'univers des nouvelles technologies.

Les investisseurs misent cependant tout particulièrement sur les Greentech, très en vogue mais qui dépassent l'effet de mode. " L'émergence des énergies renouvelables combinée à la volonté individuelle de redonner du sens à son action peuvent déboucher sur un casse des startups dans ce domaine, indique le managing partner. Le marché ne peut que grossir parce qu'il est impossible de lutter contre un tel phénomène. " La voiture autonome, à la lisière des Greentech et de la mobilité, deux des marchés scrutés par Aster, suscite elle aussi de grandes ambitions.

Mais sur ces deux segments, comme pour de nombreux autres, comment pourraient émerger de futurs géants technologiques sans l'appui de corporates, experts dans ces domaines depuis de longues années et disposant d'une force de frappe autrement plus conséquente ? Pour espérer créer le géant de demain, Jérôme Joaug en est convaincu, il faut " créer un écosystème favorable " qui implique forcément les grands comptes, qui se muent en " porte-avions " pour licornes... qui favoriseront à leur tour l'émergence de futurs champions ?