Ceci d’autant plus, que si la demande a tendance à croître, avec 6% de salariés adoptant aujourd’hui ce nouveau mode de travail, elle n’a pas atteint son point culminant et 35% d'espaces de coworking se disent être encore insuffisamment remplis. En conséquence, 59% d'entre eux ne sont pas rentables, selon Socialworkplaces. S’ils souhaitent perdurer et générer des profits, il est donc crucial que les nouveaux entrants possèdent certains avantages concurrentiels. Parmi ceux-ci, la stratégie d’implantation peut être une excellente opportunité de différenciation. En effet, d’après l’indice du coworking en France 2017, publié par Bureau à Partager, la localisation constitue la seconde motivation des coworkers qui optent pour le coworking, après le réseau et les rencontres.

Les régions dynamiques sur le marché du coworking français

Sur le marché du coworking, certaines régions très actives sont connues pour héberger de nombreux lieux dédiés. Arrive en tête l’Ile-de-France avec 380 tiers-lieu dont 140 espaces de coworking en 2016 d’après une étude réalisée par Néo-Nomade. L’attractivité économique que génère la capitale a fait de l’Ile-de-France le berceau du coworking. De très grands acteurs du marché, tels que La Cantine, La Mutinerie ou Nextdoor, sont aujourd’hui implantés dans Paris et laissent une place assez limitée aux nouveaux entrants. Les prix de l’immobilier, très élevés, peuvent aussi être un élément dissuasif dans le choix de s’implanter dans la capitale.

Derrière l’Ile-de France, trois régions se distinguent en abritant un grand nombre d'espaces de coworking : la région Auvergne-Rhône-Alpes autour de l’agglomération lyonnaise avec 87 tiers-lieu dont 50 espaces de coworking, la région PACA autour de Marseille avec 74 tiers-lieu parmi lesquels 37 lieux de coworking et enfin la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes autour de la ville de Bordeaux avec 72 tiers-lieu dont 52 espaces de coworking. Là encore, la concurrence est relativement importante pour les espaces de coworking, même si les loyers y sont bien moins élevés.

Au delà de ces quatre régions, des agglomérations de taille moyenne offrent des opportunités de développement importantes aux espaces de coworking qui souhaiteraient s’y implanter grâce à une demande suffisamment élevée et à un nombre limité de centre d'espaces de coworking déjà existants.

  • La Bretagne et les Pays de la Loire sont des régions où l’activité économique est forte grâce à la présence de villes telles que Brest, Vannes, Rennes ou Nantes. Avec des loyers bien moins importants que dans la capitale, ces deux régions constituent des alternatives idéales aux très grandes métropoles pour ceux qui souhaitent se lancer dans le coworking.
  • L’Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine, du fait de sa proximité avec l’Allemagne mais aussi la Suisse, est un centre économique ardent. Avec seulement 31 espaces de coworking, la région qui est pourtant pourvue de grandes villes telles que Strasbourg, Metz, Nancy, Mulhouse ou Reims  constitue un marché jusque-là peu exploité et pourtant très prometteur.
  • Le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénée, avec seulement 24 espaces de coworking recensés en 2016, offre de belles perspectives aux nouveaux lieux dédiés. Les villes de Toulouse et Montpellier disposent de peu d'espaces de coworking et d’un marché bien existant. Les grandes entreprises situées à proximité de la ville rose tel qu’Airbus pourraient aussi constituer une demande non négligeable.
  • Enfin, les Hauts-de-France avec seulement 13 espaces de coworking en 2016 dispose pourtant d’un potentiel économique important. La présence de la quatrième agglomération de France, Lille, de ses 1 182 127 habitants, de son quartier d’affaire Euralille et de l’arrivée du TGV et de l’Eurostar sont des atouts majeurs pour les lieux dédiés qui souhaiteraient s’y implanter.

Centre-ville ou périphérie, que choisir ?

Au delà de la région, le choix entre centre-ville et périphérie constitue lui aussi un élément de différenciation essentiel. Actuellement, la plupart des espaces de coworking ont choisi de s’implanter en centre-ville du fait d’une demande plus vaste, d’un accès facilité par la présence de transports en commun ou encore d’une proximité plus importante avec les grandes entreprises. À Lyon, les espaces de coworking sont ainsi pour la plupart installés entre le Rhône et la Saône.

centre ville

Cependant, les mutations du travail sont telles que le centre-ville ne constitue plus l’unique possibilité d’implantation pour un lieu de coworking. En effet, 16,7% des Français pratiquent déjà le télétravail au moins un jour par semaine d’après une étude du cabinet de conseil RH Kronos. Ce chiffre pourrait encore croître dans les années à venir puisque les ordonnances Macron-Pénicaud présentées en août 2017 prévoient que “Pour faire face aux contraintes personnelles, tout salarié qui occupe un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail dans les conditions prévues par accord collectif ou, à défaut, par la charte peut demander à son employeur le bénéfice du télétravail”. Si l’employeur refuse, il devra alors apporter la preuve que le télétravail est impossible. Du fait de cette évolution, de nombreux télétravailleurs habitant en banlieue choisiront la périphérie comme lieu de travail afin de ne plus avoir à effectuer les trajets entre leur domicile en banlieue et leur lieu de travail en centre-ville chaque jour. Parmi ces nouveaux télétravailleurs, les cadres arrivent en tête. Par conséquent les nouveaux entrants sur le marché du coworking ont tout intérêt à s’implanter en périphérie où la demande est de plus en plus forte, la concurrence plus faible et les prix de l’immobilier beaucoup moins élevés. Aux alentours de Paris, la Seine Saint-Denis ou le Val de Marne sont des zones géographiques privilégiées pour les nouveaux espaces de coworking tandis qu’autour de Lyon elles se situeront à proximité de Villeurbanne, Tassin la Demi Lune ou Rillieux la Pape.

Quartiers d’affaires ou zones résidentielles ?

À l’origine les espaces de coworking avaient surtout tendance à s’implanter dans les zones résidentielles. Ce choix reposait sur le fait que la plupart des coworkers étaient des freelances, des indépendants et des salariés détachés qui recherchaient un espace de travail à proximité de leur lieu d’habitation. Cependant aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises : startups, PME et même grands groupes, optent pour le coworking. Les petites entreprises n’ont souvent pas une visibilité suffisante pour se permettre de louer ou d’acheter des locaux, et le coworking leurs offre la flexibilité dont elles ont besoin pour s'agrandir lorsqu’elles le souhaitent. Les grandes entreprises quant à elles trouvent dans le coworking un excellent moyen de susciter l’innovation et de rajeunir leur culture d’entreprise. Selon une étude de Bureaux à partager, en 2017, 20% des espaces de coworking accueillent des grands groupes. Ces grands groupes auront alors tendance à privilégier les espaces de coworking situés dans les quartiers d’affaires, plus animés et où la synergie est plus importante. Situés près de la Part Dieu, Confluence, Vaise ou Gerland à Lyon et dans les quartiers de la Défense, de la Bourse ou dans le quartier central des affaires à Paris, les quartiers d’affaires constitueront des lieux d’implantation de choix pour les espaces de coworking qui veulent se distinguer de leurs concurrents.

Une proximité nécessaire avec les transports en commun

Actuellement, trois quart des déplacements entre le domicile et le lieu de travail s’effectuent en voiture. De plus, les temps de trajets se sont considérablement allongés au cours des 10 dernières années. Les conséquences sont alors néfastes : pollution, fatigue, stress, baisse de la productivité… Dans une démarche éco-responsable et afin de répondre à la demande des travailleurs qui réclament une diminution des temps de trajet entre leur domicile et leur lieu de travail, le coworking vise à limiter ce type de déplacement. Deux solutions existent alors pour les espaces de coworking. La première consiste à s’implanter dans un quartier résidentiel comme nous l’avons déjà évoqué précédemment. La clientèle sera alors essentiellement constituée de personnes habitant dans le quartier et qui n’auront pas à effectuer plus de 20 minutes de marche à pied ou de bus pour se rendre sur leurs lieux de travail. La seconde au contraire suppose de s’implanter en dehors des quartiers résidentiels (dans les centres d’affaires par exemple) mais à proximité de pôles de transport en commun : gares SNCF, stations de métro, de tramway ou de vélo. Facilement accessible, le coworking sera alors très attractif. A proximité de ces grand hubs de transport et plus particulièrement des grandes gares, des lieux de coworking visent un nouveau type de clientèle bien spécifique : les travailleurs en déplacement professionnel. Les déplacements professionnels sont sources d’improductivité. En effet l’attente entre deux trains ou deux avions ou les  temps passés à l’hôtel génèrent une perte de temps conséquente. Se positionner dans les grands hubs de transport attirera alors des travailleurs qui souhaiteraient rendre plus productifs leurs temps de déplacements. En France, certaines entreprises tels que Regus ou Multiburo se sont déjà positionnées sur ce marché. Néanmoins, le potentiel est tel que de nombreuses places restent encore à prendre.

Bien que la tendance semble plutôt favorable au coworking grâce à une mutation du travail qui se poursuit et à une volonté générale de devenir plus éco-responsable, la création d’un nouvel espace de coworking reste encore risquée puisque le nouvel entrant se heurtera nécessairement à la présence de nombreux concurrents sur le marché. Afin d’atteindre un équilibre qui garantira leurs survies les nouveaux entrants de taille modestes doivent alors impérativement sortir des sentiers battus et proposer à leurs coworkers une réelle valeur ajoutée. Si celle-ci peut reposer sur l’emplacement comme nous venons de le voir, bien d’autres solutions sont aussi possibles : le développement de valeurs et de concepts forts, le choix d’un environnement atypique, la mise en place de communautés et de réseaux, la modularité du lieu ou encore l’animation de l’espace.

(Article initialement publié en novembre 2017)