Début 2019, Bruno Le Maire, Ministre de l'Économie, expliquait : " L'industrie du capital-risque s'est beaucoup développée en France mais elle ne couvre pas encore tous les besoins. De nombreuses pépites, en général issues de la recherche, ne peuvent pas y accéder soit parce qu'elles sollicitent de trop petits tickets d'investissements, moins de 500 000 euros, soit parce qu'elles présentent un risque encore trop élevé ". La création du Fonds French Tech Seed répond à cette problématique en intervenant, auprès de projets DeepTech, à l'étape du pré-amorçage en complément d’investisseurs aguerris. En soutenant ainsi les fonds privés, le Fonds French Tech Seed consolide les bases et offre à l'écosystème la chance de se structurer pour ensuite prendre le relais.

Il reste néanmoins de nombreux obstacles à surmonter pour espérer changer la donne. Pour rappel, le secteur de la DeepTech rassemble des startups qui, selon la définition de Bpifrance, " proposent des produits ou des services sur la base d’innovations de rupture ". Une étude du Boston Consulting Group et de Hello Tomorrow affirme que les entreprises de la DeepTech françaises n’attirent pas assez d’investissements. À titre d’exemple, les jeunes pousses françaises de la photonique ne représentent que 5% des investissements mondiaux dans le secteur, les Biotechs 2% et les drones et la robotique seulement 1%. Pourtant à un niveau mondial, les habitudes évoluent : les investissements privés dans la DeepTech ont en effet augmenté de plus de 20% par an entre 2015 et 2018, pour atteindre près de 18 milliards de dollars l’an dernier. Comment expliquer cette situation ? Pourquoi même avec une idée des plus novatrices, les startups DeepTech hexagonales ont des difficultés à attirer des fonds ?

Tout d’abord, il convient de pointer du doigt une certaine jeunesse dans la structuration de l’écosystème. Il existe en effet aujourd’hui encore peu de fonds privés spécialisés dans les startups DeepTech à haut risque. De plus, les investissements "capitalistiques" dans l'innovation existent mais sont encore trop rares. Pourtant, les VC qui déploient des stratégies d’investissement de long terme sont bel et bien ceux qui favorisent l’émergence d’innovations de rupture et démultiplient la capacité innovatrice des entreprises.

Voir le risque technologique comme une précieuse barrière à l’entrée

Le risque technologique peut également expliquer la faiblesse des investissements alloués aux projets DeepTech en France. En effet, la plupart des fonds d’investissement ne disposent pas en interne de l’analyse spécifique nécessaire pour évaluer le potentiel des startups identifiées DeepTech. Ajoutez à cela l’évolution extrêmement rapide des technologies, la multiplication des startups développant des projets à forte intensité capitalistique et le flou entourant encore la qualification des startups revendiquant une composante IA et vous obtenez le pourquoi de la rencontre si difficile entre l’offre (les investisseurs) et la demande (les jeunes entreprises innovantes). Dans ce contexte, un travail de veille permanente se révèle essentiel pour prétendre maîtriser parfaitement les enjeux gravitant autour du secteur de la DeepTech.

La solution ? Mettre au cœur des décisions d’investissement des personnalités maîtrisant à la fois les problématiques entrepreneuriales, les enjeux du capital risque et étant en mesure de jauger le caractère technologique des projets en question. Encore faut-il les trouver ces moutons à 5 pattes. Sur ce point, le Fonds French Tech Seed a le mérite de donner aux " apporteurs d’affaires " un rôle fondamental dans le processus de labellisation. Seules les startups accompagnées par un " apporteur d’affaires " (désignés comme tel par Bpifrance) peuvent en effet postuler au label. Une belle façon de valoriser l’expertise des structures d’accompagnement entrepreneuriale d’entreprises Tech et de capitaliser sur leurs compétences en la matière.

Éduquer les investisseurs aux réalités DeepTech… et à la patience

Enfin, et en écho du point précédent, il convient de s’attarder sur le risque de marché. Les startups de la DeepTech ont très souvent besoin d’argent dès le départ et contactent donc les investisseurs avant même de pouvoir leur présenter un prototype. Ces derniers n’ont alors que peu d’indicateurs de performance dont ils peuvent se servir pour évaluer le potentiel de commercialisation de la technologie en question. C’est pourquoi il est essentiel d’éduquer les investisseurs aux problématiques DeepTech afin de leur faire comprendre la nécessité d’accorder du temps et des moyens aux startups DeepTech pour qu’elles surmontent les barrières à l’entrée technologiques.

Les raisons évoquées ici peuvent expliquent pourquoi, le financement des DeepTech est compliqué en France et pourquoi ce sont encore majoritairement les financements publics qui permettent aux jeunes pousses du secteur de se développer. Si le Fonds French Tech Seed ne règle pas le problème du financement des DeepTech au-delà du seed, il permet en revanche, d'après Bruno Le Maire, "de doter la France d'un outil capable de financer le pré-amorçage à grande échelle".