C'était l'une des conférences les plus attendues de la journée. Le fondateur du groupe chinois Alibaba a été accueilli comme une "légende", selon le terme employé par Maurice Lévy qui l'a interviewé durant près d'une heure. Enchaînant après la rencontre d'Emmanuel Macron avec quelques startuppers, durant laquelle le chef d'État s'est évertué à égrener les différences entre le modèle français et européen qu'il souhaite promouvoir et le modèle chinois, Jack Ma a eu la meilleure des réponses : à contre-pied du discours très ambitieux - voire arrogant - auquel les clichés français le cantonnent, il a tenu à mettre en avant l'égalité des chances et la nécessité pour les entrepreneurs de rester positifs.

"Les gens comme moi ont l’habitude d’être critiqués, a-t-il d'ailleurs souri. Si l'on me dit oui, je n’ai pas le choix, je dois l’accepter. Quand on me dit non, je dors et je me lève en me disant que je dois réessayer." Il a ainsi tenu à souligner que si Alibaba est aujourd'hui un leader mondial de l'e-commerce, il n'en a pas toujours été ainsi. Et que le chemin n'a pas été facile, loin de là. "En 1999, quand j'ai créé Alibaba dans mon appartement, on était 19 et notre mission, c'était de survivre." L'occasion rêvée pour l'ancien professeur de montrer aux startuppers qu'ils doivent s'accrocher, quoi qu'il arrive.

"Je veux encourager les gens à regarder le futur, à l'embrasser avec confiance", a ainsi affirmé l'entrepreneur. Qui a rappelé que les chefs d'entreprise qui se lancent doivent penser à... rêver ! "Quand on a débuté l'aventure Alibaba, on était persuadé qu’internet allait changer le monde. On a aidé à créer 14 millions d’emplois." Et croire en ses rêves est, selon Jack Ma, le meilleur moyen de se différencier des machines, dont nombreux sont ceux à penser qu'elles pourraient nous remplacer. "Les machines n’ont pas de rêve, les êtres humains, oui ! On a besoin de rêves pour construire le futur."

Éduquer et rendre heureux

Des rêves que Jack Ma souhaite cultiver en misant sur l'éducation. "Je suis un ancien professeur (d'anglais, NDLR), je n'ai aucune connaissance technique, en marketing ou en droit. Mais je connais les gens. Et en tant qu'enseignant, vous voulez pousser vos étudiants à devenir le meilleur d’eux-mêmes : en faire des avocats ou des banquiers, pas qu’ils se retrouvent surendettés !" C'est pourquoi il a décidé de s'éloigner d'Alibaba dès cette année, lorsqu'il fêtera ses 55 ans, pour revenir à l'enseignement qu'il avait quitté en 1999. "55 ans, c’est un peu vieux pour être CEO d’Alibaba mais c’est suffisamment jeune pour pouvoir préparer les jeunes au futur", a-t-il estimé.

Une capacité à transmettre qui l'a aidé à bâtir une équipe solide et à faire face aux difficultés. Et a tenu à adresser un message à ceux qui se rêveraient trop beaux pour tenir la distance : "vous ne savez pas la chance que vous avez quand vous êtes à la tête d’une petite entreprise ! Je me disais que si Alibaba devenait grand, ça me simplifierait la vie. Sauf que plus on grandit, plus il y a de problèmes…", a plaisanté le showman. Mais avoir surmonté autant de difficultés est "la plus grande fierté" du dirigeant. "Être CEO d'Alibaba, c'est être plutôt le Chief Education Officer. J'apprends avec les autres !"

Une ode à la transmission et à l'éducation qui a fait écho au second combat de l'entrepreneur : "l'accès au bonheur", pour tous. Mais, parole d'entrepreneur, d'abord pour les clients ! "En tant que dirigeant, vous vous préoccupez de votre équipe et elle se préoccupe des clients. C’est ce que je dis à mes équipes : ne vous préoccupez pas de moi mais de vos clients !" Avant de conclure sur une touche convenue mais appréciée du public : "c'est simple : ma quête est de rendre les gens heureux. Alors, je serai heureux".