Outils et conseils par Rob Moffat
11 juin 2019
11 juin 2019
Temps de lecture : 6 minutes
6 min
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Les pièges à éviter quand vous vous internationalisez

Conquérir la planète, c'est l'objectif de nombreux entrepreneurs ! Mais attention aux faux pas, que Rob Moffat, Partner chez Balderton Capital, liste dans cet article.
Temps de lecture : 6 minutes
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Si vous envisagez d’étendre votre startup à de nouveaux marchés internationaux, vous devrez jongler avec de nombreuses décisions, notamment en ce qui concerne le timing, les choix du marché et la budgétisation. Voici quelques erreurs clés qu’il faut absolument éviter.

Se développer à l’international trop tard

C’est peut-être l’erreur la plus courante et il y a deux dangers dans ce cas. Le plus évident est que des concurrents émergent sur d’autres marchés et renforcent leur leadership. Le moins évident est que la culture de l’entreprise peut se scléroser autour d’un pays. La technologie, les produits et le marketing peuvent être optimisés pour le marché domestique, ce qui les rend de plus en plus difficiles à adapter pour un autre pays.

Jusqu’à présent, les entreprises de haute technologie américaines tardaient à venir en Europe, ce qui entraînait l’apparition de copycats, ou imitateurs, qu’elles devaient racheter (par exemple, Groupon-CityDeal). Toutefois, cette tendance est moins fréquente aujourd’hui.

Se développer à l’international trop tôt

Les fonds de capital-risque étant de plus en plus nombreux, le risque que les entreprises se développent à l’international trop tôt est désormais plus important. Régulièrement, des entreprises peaufinent leur proposition de valeur, se développent très vite et décident d’étendre leurs activités avant de se rendre compte que leur produit phare pose des problèmes. Ces derniers sont alors beaucoup plus difficiles à résoudre.

Ofo, société chinoise proposant des vélos en libre-service, illustre parfaitement cette situation. Elle s’est rapidement exportée au-delà de ses frontières mais a récemment réduit ses activités à l’échelle internationale après avoir été confrontée à une forte concurrence et à une énorme pression sur ses flux de trésorerie.

Disposer de fonds insuffisants pour réussir à l’international

L’erreur classique est d’étendre ses activités à un marché plus vaste avec un acteur local mieux doté en capital, sans avantage durable sur lui. À titre d’exemple, la société Hailo, qui propose un service de réservation de taxi via une application mobile, était en pleine expansion au Royaume-Uni et a levé 100 millions de dollars pour s’implanter aux États-Unis. Bien que cette levée de fonds soit considérable, elle paraît dérisoire par rapport au 1,5 milliard de dollars qu’Uber avait collecté à un stade similaire. Hailo a sous-estimé la capacité d’Uber à lever des fonds beaucoup plus rapidement et la quantité des fonds nécessaires pour se développer dans les grandes villes américaines.

Nous voyons souvent des entreprises lever des fonds en série A ou B et réserver un à deux millions de dollars pour le recrutement d’un responsable américain et l’ouverture d’un petit bureau aux États-Unis pour établir une présence. Cette stratégie est très rarement payante. L’entreprise finit par se disperser sur plusieurs marchés sans se développer suffisamment sur aucun d’entre eux. Pour réussir aux États-Unis, il faut investir massivement dans les ventes et le marketing, surtout si vos concurrents sont bien dotés en capital.

S’implanter rapidement aux États-Unis peut fonctionner. Aircall et Workable y sont parvenus. Pour y a arriver, ils avaient notamment plusieurs atouts : une offre exclusive, un ou plusieurs fondateurs s’installant sur place, une stratégie axée sur le marché américain et un budget suffisant face aux concurrents.

" Tester " l’expansion internationale dans les petits pays voisins

Nous voyons souvent des entreprises allemandes " tester l’internationalisation " en Autriche ou en Suisse, ou des entreprises britanniques faire de même en Irlande. En général, l’expansion sur les petits marchés voisins est plus facile, car elle ne nécessite pas de traduction, d’adaptation de produit, de nouveau bureau ou de nouvelle logistique. Cependant, étant donné que c’est plus facile, vous ne testez pas vraiment votre capacité à vous développer dans des pays plus grands et plus difficiles d’accès.

Une expansion au niveau des pays frontaliers coûte de l’argent mais également du temps et  retarde le moment où vous pouvez accéder aux nouveaux marchés plus importants. Dans la plupart des cas, il est donc préférable d’investir sur un marché plus important ou se contenter de se développer dans son pays.

Par exemple, Hailo a rencontré un vif succès en Irlande, mais en définitive, cela s’est avéré être insignifiant. L’expansion internationale dans les petits pays voisins peut également être considérée comme un manque d’ambition auprès des investisseurs. Il peut toujours y avoir des exceptions, mais les raisons doivent être claires.

Sous-estimer le potentiel des petits marchés

À un stade ultérieur de leur développement, une fois qu’elles ont réussi sur de grands marchés, les startups avisées doivent également étendre leurs activités à de petits marchés. Ces marchés sont souvent les plus rentables, et ne pas s’y installer, c’est perdre des parts de marché. Amazon, par exemple, a tardé à ouvrir des points de vente sur des petits marchés européens. L’entreprise n’est toujours pas présente en Suède et perd du terrain au profit de Coolblue aux Pays-Bas.

Pendant de nombreuses années, l’Australie a été un marché négligé, ce qui s’est traduit par un manque d’offres de services en ligne et des marges élevées pour les sociétés qui en proposaient. Toutefois, les entreprises doivent étendre leurs activités à ces petits marchés ultérieurement, une fois qu’elles se sont implantées avec succès sur des marchés à dimension internationale.

Signer des accords exclusifs de distribution

Dans un monde connecté, il est de plus en plus rare d’avoir recours à des accords de distribution exclusifs pour s’implanter sur de nouveaux marchés, mais c’est encore parfois le cas.

L’objectif est de réaliser des bénéfices sans investir. Les dangers sont les suivants : un partenaire négligent ne vend pas bien votre produit ; le message concernant votre produit n’est pas bien adapté au nouveau marché et votre partenaire n’est pas en mesure de l’adapter ; votre produit évolue constamment et le partenaire ne suit pas son évolution ; enfin, votre produit est trop petit en termes de chiffre d’affaires par rapport aux autres produits distribués par le partenaire et ses vendeurs le négligent.

Concéder une licence d’utilisation de votre technologie à d’autres acteurs sur de nouveaux marchés présente le même type de risques. Les partenariats peuvent être un excellent moyen d’accélérer l’expansion, mais pour réussir à l’international, vous devez d’abord démontrer votre capacité à vendre votre produit en direct.

En fin de compte, il est toujours difficile de se développer à l’international et, même si vous y êtes bien préparé, l’échec est possible. Ce qu’il faut faire, c’est essayer d’éviter ces erreurs.