23 juillet 2019
23 juillet 2019
Temps de lecture : 4 minutes
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Non, entrer en Bourse n'est (pour l'instant) pas une option pour les scaleups françaises

Récemment remis au gouvernement, le rapport Tibi sur le financement de l'innovation souligne les lacunes françaises au stade late stage. Et préconise une mobilisation nationale pour y remédier.
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L'innovation serait-elle une affaire de modes ? S'il y a quelques années, les entrepreneurs rêvaient d'une introduction en Bourse et fustigeaient la perspective d'un rachat par un grand groupe, les temps ont bel et bien changé. Désormais, les fantasmes d'une cotation boursière se font plus discrets tandis que les CEO, y compris des entreprises innovantes les plus en vue, n'hésitent plus à s'acoquiner ouvertement avec les corporates. La Bourse est-elle devenue has been ?

Elle n'a, en fait, jamais été une véritable option pour les startups françaises, du moins pas une cotation sur un marché européen. Le rapport de Philippe Tibi, intitulé Financer la quatrième révolution industrielle et remis vendredi à Bruno Le Maire, explique plus précisément ce paradoxe entre des jeunes pousses dont on a cultivé les ambitions sans que le marché ne leur en donne les moyens. L'introduction en Bourse "est souvent un pis-aller pour des entreprises encore immatures et qui n’ont pas réussi à se refinancer auprès de fonds de capital-innovation ou à se faire racheter par un industriel", juge sévèrement le professeur de finance à Polytechnique. Il rappelle que "la médiane des capitalisations boursières des entreprises technologiques introduites ces trois dernières années était ainsi de 57 millions d'euros en France", contre 608 millions de dollars pour les 214 entreprises recensées par Crunchbase sur le Nasdaq et le NYSE.

Pas de cerveaux, pas de capitaux : pas d'ICO

Selon Philippe Tibi, le problème repose sur deux causes bien distinctes : d'une part un manque de capitaux susceptibles de financer la dernière marche avant l'introduction en Bourse ; de l'autre, une méconnaissance du secteur technologique qui effraye les investisseurs, peu enclins à y injecter de l'argent. La France ne dispose ainsi d'aucun fonds global tech, "géré par des professionnels experts des technologies, aptes à prendre des décisions d’investissement fondées sur des convictions et la compréhension des modèles économiques originaux des entreprises innovantes", ni d'aucun fonds pré-IPO, "généralement géré par des gestionnaires d'actifs qui entrent au capital des startups lors de la levée de fonds précédant l'introduction en Bourse".

L'équation est donc simple : pas de cerveaux, pas de capitaux... les scaleups françaises restent sur le carreau ! Elles se retrouvent alors face à un dilemme : chercher ailleurs - et en général aux États-Unis - ce qu'elles ne trouvent pas en France en s'introduisant sur le Nasdaq ou se rapprocher d'un corporate, seule ressource financière et opérationnelle européenne pérenne en late stage. Dans un cas comme dans l'autre, cela implique une modification du centre de décision de l'entreprise, qui bascule alors aux États-Unis ou au grand groupe acheteur. Refuser l'une ou l'autre perspective revient pour les entrepreneur·e·s à se résigner que leur potentiel géant se contente d'être une PME ronronnante. Et ce alors même que le rapport Tibi souligne que le financement de l'innovation et, par là même, une forme d'excellence technologique revêt un "impérieux sujet de souveraineté et la condition de notre prospérité future".

Ouvrir le robinet late stage et gagner la bataille des idées

Pour remédier à cette délicate situation, Philippe Tibi ne formule "qu'une recommandation stratégique : transformer l’investissement dans le secteur technologique grâce à de plus nombreux fonds late stage et global tech, pour un total de 20 milliards d'euros". Cela prendra du temps - l'auteur du rapport table sur deux à cinq ans - mais c'est possible en cumulant plusieurs actions, énoncées dans le rapport remis au gouvernement. Il s'agit d'abord de structurer l'offre, en suscitant l'émergence, d'ici trois ans, de dix fonds late stage gérant chacun un milliard d'euros, et de cing à dix fonds global tech rassemblant au total une cinquantaine de gérants spécialisés chacun gérant, là aussi, des enveloppes d'au moins un milliard d'euros.

Cet argent existe déjà, il suffirait d'aller le chercher là où il se trouve : chez certains institutionnels, publics ou privés, dans les fonds d'investissement soutenus par la sphère publique ou... chez les particuliers, qui pourraient investir leur épargne salariale dans des fonds labellisés French Tech Investissement dédiés aux titres technologiques. Le rapport estime que la collecte auprès des particuliers pourrait atteindre 2 milliards d'euros, tandis que celle auprès des investisseurs comblerait les 8 milliards restants.

Enfin, Philippe Tibi précise qu'il est également essentiel de changer le regard des investisseurs comme des particuliers sur l'investissement dans le secteur technologique. Le rapport rappelle que les habitudes françaises dirigent les capitaux vers des valeurs peu risquées, ce qui pénalise fortement les titres technologiques. "Nous recommandons donc d’exprimer et d’illustrer une forte volonté politique pour faire du développement et du financement des entreprises technologiques françaises une " ardente obligation ". C’est ainsi prolonger la volonté de faire de la France une startup nation. Il faut promouvoir la French Tech comme un grand thème d’investissement au même titre que l’investissement socialement responsable ou l’investissement solidaire." Après les mots, les actes ?

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