Décryptage par Maddyness avec AFP
25 octobre 2019
25 octobre 2019
Temps de lecture : 4 minutes
4 min
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Comment les médecins se forment avec la réalité virtuelle

Pauline fait quelques pas, un casque de réalité virtuelle sur les yeux, une manette dans chaque main. La jeune femme ne se trouve pas dans une salle de jeu mais dans une faculté de médecine, où elle se forme à son futur métier.
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Plus précisément dans l'une des salles du "LabForSims", le laboratoire de formation par la simulation et l'image de la faculté de médecine Paris-Sud. Ici, c'est dans un hôpital virtuel que quatre élèves de l'Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) de Corbeil apprennent les gestes nécessaires.

Pauline Rocheteau, 20 ans, a pour mission de changer la perfusion sanguine d'une patiente virtuelle, cheveux sombres et teint fatigué. Sur l'écran de retransmission, on aperçoit la patiente étendue sur son lit tandis que Pauline vérifie son identité, son groupe sanguin... Les gestes s'enchaînent avec l'aide de la formatrice, le docteur Antonia Blanié, médecin anesthésiste au CHU Bicêtre et responsable adjointe de LabForSims.

"La recherche d'agglutinines irrégulières est-elle conforme?" interroge l'ordinateur, incitant Pauline à vérifier les informations. "C'est un soin important donc il faut vérifier toutes les étapes. C'est intéressant de se mettre en situation réelle. On est seul face à un patient, c'est très réaliste", commente l'étudiante une fois la transfusion virtuelle réalisée. "Dans mes stages, je n'ai pas eu l'occasion de le faire en vrai pour l'instant", poursuit-elle.

"C'est plus facile à organiser que s'il faut commander du sang à l'Institut français du sang. C'est un outil complémentaire", souligne le docteur Blanié.

A côté d'elle, trois étudiantes sont sur écrans d'ordinateurs, immergées elles aussi dans une autre scène d'hôpital en 3D, les lunettes de réalité virtuelle en moins.

Elles surveillent une patiente venue se faire opérer pour une prothèse et dont la condition va se détériorer au fil de l'exercice. Le pansement à la hanche, les divers paramètres vitaux, tout est sur l'écran pour que les étudiantes infirmières soient en situation quasi-réelle. "On doit essayer de raisonner, faire le lien entre ce qui se passe dans la chambre et nos connaissances. Cela permet de voir des cas que l'on n'a pas forcément vus en stage", explique Sandadi Sockeyna, 21 ans.

Marché prometteur

"Quand les étudiants sont en stage, ils sont présents sur une durée de temps limitée. Il y a des cas cliniques où la détérioration progressive d'un patient se fait sur 24 heures. Là ils peuvent voir les différentes étapes et l'importance de détecter précocement", confirme le docteur Blanié.

Ce nouvel outil est proposé par SimforHealth, une entreprise bordelaise qui développe ces programmes, aussi bien en formation initiale que continue, en collaboration avec les équipes soignantes. "On a formé plus de 50.000 professionnels de santé dans le monde", décompte Jérôme Leleu, le président de SimforHealth. Que ce soit pour des CHU, des IFSI, "nos simulateurs vont répondre à des besoins pédagogiques extrêmement importants" avance-t-il.

Car le marché est prometteur, des pays comme la Chine ayant d'énormes besoins en formation médicale. "Le marché de la simulation numérique au niveau mondial va croître de 20 à 25% chaque année durant les cinq ans à venir", estime Jérôme Leleu.

D'autres sociétés sont sur le créneau, dont la start-up HRV qui développe des simulateurs de chirurgie dentaire, comprenant écran 3D et bras à technologie haptique, utilisant les sensations du toucher, pour reproduire les gestes comme dans un cabinet. "Les étudiants, avant de voir leur premier patient réel, peuvent s'exercer sur le patient virtuel plusieurs fois", explique James Markey, responsable des ventes et du produit.

Ce type de formation est toutefois onéreux: "60.000 euros pour un simulateur" de HRV, détaille M. Markey, dont la société a vendu 75 simulateurs, notamment à l'étranger. D'ici 2020, HRV entend commercialiser une version simplifiée avec casque de réalité virtuelle pour 20.000 euros.

Pour SimforHealth, le simulateur numérique en réalité virtuelle est facturé 1.800 euros pour un abonnement annuel par établissement. Mais avec l'arrivée d'équipements moins chers et autonomes, les capacités de la réalité virtuelle et leur déploiement auprès des établissements de santé n'en sont qu'à leur début, anticipe M. Leleu.