Et s’il fallait s’associer au géant plutôt que de le combattre ? Le prix organisé par Raise et Bain & Company reprend pour la troisième année la métaphore d’un célèbre épisode de la Bible : le combat de David contre Goliath. Sauf qu’il ne s’agit pas en 2019 de s’affronter, mais d’allier ses forces.

Le Prix David avec Goliath, créé par Raise et Bain & Company, vient récompenser la collaboration d’un grand groupe, fort de son expérience et de son réseau, et d’une startup, riche en flexibilité et en innovation. “Si on ne réussit pas la transformation numérique des grands groupes, ce sera extrêmement violent pour l’économie et la société” prévenait le 31 octobre dernier Cédric O, secrétaire d’Etat au Numérique, lors d’un petit-déjeuner avec les 10 finalistes.

Message reçu 5/5 par le Goliath Bouygues Construction, lauréat avec la startup K-Ryole de la 3ème édition du Prix David avec Goliath.

Des contraintes d’adaptabilité aux chantiers

Leur histoire a commencé en novembre 2017, alors qu’Aurélie Despretz, à l’époque Responsable Innovation chez Bouygues Construction, assiste à un afterwork du Club de l’Innovation positive.

Mon travail était entre autres d’aller identifier les différentes startups qui pouvaient nous intéresser en fonction de nos problématiques. J’ai vu pitcher K-Ryole, qui proposait une remorque intelligente pour vélo avec la promesse de tout transporter sans effort. Comme chez Bouygues Construction, le sujet de la santé et de la sécurité est notre priorité, je me suis demandé si leur système était adaptable à des conditions de chantier”, explique-t-elle à Maddyness.

Aurélie Despretz souligne qu’il existe effectivement des solutions pour la manutention, mais plutôt dans un cadre industriel, avec des sols lisses et propres. Tout le contraire d’un chantier, où il peut y avoir des projections de béton, un sol instable, ou tout simplement de la poussière.

Lorsqu’elle demande aux co-fondateurs de K-Ryole, Nicolas Duvaut et Gilles Vallier, s’ils seraient intéressés pour faire la même chose en plus robuste, avec des pneus increvables et sur des chantiers, ils lui répondent que ce n’est pas du tout un marché qu’ils avaient visé. Eux visaient plutôt la logistique urbaine, notamment la gestion du dernier kilomètre de livraison.

“Un produit auquel ils n’avaient pas pensé, pour un marché qu’ils n’avaient pas ciblé”

Pourtant, “K-Ryole a accepté de prendre le risque de développer un produit auquel ils n’avaient pas pensé, pour un marché qu’ils n’avaient pas ciblé”, souligne Aurélie Despretz, aujourd’hui responsable RSE chez Bouygues Construction. Le grand groupe a ainsi financé les premiers prototypes.

Mobilisée sur le transport des charges lourdes depuis 2012, la Responsable Innovation avait déjà essayé de faire adapter des solutions à l’intérieur même du groupe, mais “c’était trop lourd à développer en interne”.

L’intérêt de la collaboration avec des startups est vraiment l’agilité, ainsi que la réactivité”, affirme Aurélie Despretz. “Nous arrivons avec notre besoin et eux sont très rapidement capables de nous proposer un prototype, beaucoup plus rapidement que si on devait le fabriquer en interne.”

“Au début d’avril 2018, on s’est donné quatre mois pour faire un prototype, qui a tourné pendant 6 à 8 mois sur les chantiers et qui nous a permis de voir comment cela fonctionnait, en termes de retour économique, de sécurité, d’ergonomie, etc. Une fois le projet validé, on a repris le prototype pour fabriquer un produit de série”, déroule Nicolas Duvaut, cofondateur et PDG de K-Ryole.

Depuis la commercialisation du produit au début du premier trimestre 2019, tout est allé assez vite. “On touche à une double problématique comme trop de choses sont encore transportées à la main sur les chantiers : une perte de temps en manutention, et un risque de santé et de sécurité”, justifie l’ingénieur.

“Travailler avec un grand groupe, c’est une énorme opportunité et des risques importants”

Aujourd’hui, K-Ryole a des grands comptes comme clients et table sur un million d’euros de vente de produits en 2019 - pour un coût unitaire en 12 et 13 000 euros. Pour 2020, l’objectif est de deux millions d’euros de commandes.

Tout n’est pourtant pas écrit d’avance. “Pour une startup, travailler avec un grand groupe c’est à la fois une énorme opportunité et des risques importants”, constate Nicolas Duvaut. “Si on arrive à travailler de manière efficace, on va avoir un client capable de générer des gros volumes de vente sans avoir à évangéliser, à changer ses habitudes. On a la caution d’un grand nom pour la crédibilité auprès des banques et ça sert de référence”, rappelle-t-il.

En revanche, “la difficulté va être de savoir la capacité de l’interlocuteur en face, dans le grand groupe, à prendre des décisions, à attaquer des budgets et quel est son levier”. “Vous pouvez avoir passé 6 mois sur un projet pour rien, parce que finalement un supérieur a décidé d’arrêter le projet”, prévient Nicolas Duvaut.

Le cofondateur de K-Ryole donne quelques clés de réussite pour ceux qui seraient tentés par une telle collaboration : “Il faut savoir écouter le besoin, pas les solutions. Il faut savoir dire au client, qui a parfois un champ de vue plus limité, que c’est à vous de trouver le chemin. Ne pas faire l’erreur non plus de ne pas faire payer au début, cela dévalorise totalement son produit. Et enfin, il est crucial de ne pas avoir un seul interlocuteur au sein du groupe, mais arriver à réunir la plupart des métiers du grand compte autour du projet.”

Un groupe de suivi au sein de Bouygues Construction

C’est d’ailleurs ce qu’a mis en place Bouygues Construction dès le début de la collaboration. Ont été mobilisés autour de K-Ryole des acteurs pour financer les prototypes et gérer la R&D, l’équipe d’open innovation, des ergonomes et Bouygues Construction Matériel.

Les bénéfices d’une collaboration avec un grand groupe ne sont plus à prouver pour Nicolas Duvaut. A l’avenir, “je validerai uniquement le développement d’un produit s’il n’y a pas une entreprise en soutien derrière”, explique-t-il. “Notre technologie peut permettre le développement de nouveaux produits, mais on va identifier un ou deux projets à très forte valeur ajoutée afin de travailler avec un grand groupe dessus.”

En tant que binôme lauréat du Prix David avec Goliath 2019, K-Ryole reçoit ainsi un Prêt RAISESHERPAS de 100 000€ à taux 0 sans garantie, bénéficie d’un accompagnement en stratégie de 6 mois par Bain & Company et sera intégré à la communauté RAISESHERPAS. La startup a également été récompensée par Mediatransports qui lui offre une campagne média d’une valeur de 100 000 € sur ses réseaux. Pour Bouygues Construction, ce prix valorise auprès de l’écosystème son agilité et le dynamisme de sa démarche d’open innovation.

Maddyness, partenaire média de David avec Goliath.