Le traditionnel vendredi noir, transformé en un week-end prolongé, a finalement pris les allures d’une guerre des prix à coup de réductions agressives et massives. Depuis son arrivée en France il y a 7 ans, le phénomène ne faiblit pas, bien au contraire. L’an dernier, plus de 50 millions de transactions bancaires ont été réalisées ce seul week-end. À lui seul, le géant Amazon a enregistré plus de 180 millions de produits vendus. En quelques années, l’événement est devenu le symbole des excès du capitalisme. 

Et cette année ne devrait pas faire exception à 2018. RetailMeNot estime à 5,9 milliards d’euros les dépenses réalisées en France pour ce seul week-end. Rien d’étonnant puisque l’étude de la Maif et d’Envie indique qu’un Français sur deux compte y participer. 

Doit-on avoir honte de consommer ?

Pourtant, et selon une récente étude menée par la Maif et Envie, 78% des Français relient le Black Friday à la surconsommation et 30% désirent participer simultanément au Black et au Green Friday. Également, 85% des Français s’interrogent sur la nécessité d’acheter un produit et 25% y accordent une importance primordiale. Toujours selon l’étude Maif- Envie, plus d’un Français sur deux s’intéressent au caractère éthique d’une marque, aux produits recyclés et aux produits d’occasion.

Entre éthique et frénésie d’achat, le coeur des Français balance, donc. Et ça, les marques l'ont bien compris. Lancé en 2017 par Envie, le Green Friday marque la volonté de stopper cette logique promotionnelle. Cette année, le mouvement a pris de l’ampleur et fait naître de multiples initiatives. MakeFridayGreatAgain, FairFriday, HackFriday sont devenus des hashtags de résistance et d’engagement. 

Envie, société de reconditionnement, et les multiples entreprises qui l’ont rejointes, ont choisi de ne pas faire de remise sur leur prix et de reverser 10% des bénéfices réalisés ce jour-là à des associations comme HOP, Zero Waste ou Ethique sur l'Étiquette. En parallèle est né le Fair Friday qui encourage les citoyens à réaliser un achat engagé et responsable. Rutabago, qui propose des paniers prêts-à-cuisiner, a, de son côté, lancé une campagne de don. Tous les 5 euros, un repas bio est offert à l’association Aurore qui héberge des personnes en situation de précarité. De son côté, Adresse propose aux parisiens un atelier de réparation pour redonner une seconde vie à leurs vêtements fétiches. Une manière de favoriser l'extension de vie plutôt que le remplacement.

Mais cette année, c’est l’initiative de Faguo qui a galvanisé les foules. Début novembre, l’enseigne de chaussures éco-conçues a lancé MakeFridayGreatAgain. Avec ce clin d’oeil au slogan de nombreuses campagnes présidentielles américaines, la marque encourage les Français à “trier leurs placards, faire le point sur ce dont ils ont vraiment besoin et acheter ce qu’ils souhaitent au juste prix”. Plus de 550 entreprises ont rejoint le mouvement. 

Même Amazon l’a compris. Fait de circonstance surprenant, la plateforme a, en effet, publié un article intitulé “le numérique, une chance pour tous” dans plusieurs quotidiens. Frédéric Duval, directeur général de l'entreprise, y souligne que "10 000 PME françaises vendent aujourd'hui sur Amazon et que 80% d'entre elles profitent de ses services pour exporter partout dans le monde". Un papier qui sonne comme une justification au Black Friday et une réponse à la volonté affichée de la Mairie de Paris de taxer les livraisons dans la capitale, jugées trop polluantes. 

Entre bon sentiment et publicité, que se cache t-il vraiment derrière toutes ces alternatives? 

La communication, bras armé d’une nouvelle consommation

Les médias ont également pris part au phénomène en relayant en masse les nombreuses initiatives mises en place et leur évolution au fur et à mesure du mois. 

Désormais, afficher sa participation ou non à l’événement est presque devenu une obligation. La guerre froide entre deux modes de consommation étant actée, il faut choisir un camp. Car derrière ces bonnes intentions se cache évidemment une bataille, celle de la communication renforçant l’image positive ou négative de la marque dans l’esprit des consommateurs. Back Market, spécialiste du reconditionnement, a lancé une grande campagne d’affichage dans le métro parisien pour rappeler qu’il proposait des prix aussi bas toute l’année. La posture de Nature et Découvertes interroge également. Rachetée l’été dernier par Fnac Darty, l’enseigne arbore une politique contre le Black Friday à l’opposée du reste du groupe.

À la grande surprise des médias, un groupe de députés a même déposé un amendement au projet de loi anti-gaspillage pour faire interdire l’événement en faisant intégrer sa publicité aux “pratiques commerciales agressives” . L’examen de la proposition interviendra le 9 décembre. Mais cette seule interdiction peut-elle vraiment suffire à responsabiliser l’ensemble des citoyens ?