Tribunes par Antoine Baschiera
20 décembre 2019
20 décembre 2019
Temps de lecture : 4 minutes
4 min
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Que faut-il attendre du FT120, le petit frère du Next 40 ?

Les critères de sélection du FT120, qui doit être dévoilé en janvier, ne reflètent pas les nouveaux modèles de croissance de l'écosystème français, estime Antoine Baschiera, fondateur d'EarlyMetrics.
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L'appel à candidatures pour le programme gouvernemental d'accompagnement des startups, le FT120, s'est cloturé vendredi 29 novembre. Cet indice complètera le Next 40 et offrira à une sélection de jeunes pousses un accompagnement personnalisé des services de l’État.

Le choix des critères de sélection interroge sur la forme que prendra ce vivier de startups prometteuses et sur son objectif : vise t-il à propulser des jeunes pousses au fort potentiel en les faisant bénéficier d’une exposition médiatique importante ? Ou à construire un index dynamique à l’image du SB120, qui classe des pépites déjà affirmées à partir de critères financiers ?

Tout comme le Next 40, le FT120 est présenté comme un indice par le gouvernement. Un indice boursier se définit comme un indicateur du changement général des valeurs des titres cotés sur une bourse spécifique. Si on parle bien d’un indice pour le Next 40 et pour le FT 120, il faudrait alors que les sociétés rentrent et sortent en fonction des valeurs déterminées, ici leur chiffre d’affaires, et cette liste ne serait pas fixe.

Par ailleurs, si le FT120 est imaginé comme un indice, il faudrait qu’il regroupe des sociétés de tailles, de maturités et de niveaux d’indépendance comparables. Or on connait déjà le concours des " métropoles " French Tech pour sélectionner des startups de tous les territoires, Outre-Mer compris, et répondre à la critique d’un Next 40 trop parisien.

Concernant les critères de sélection des futurs champions de la French Tech, le gouvernement a fait le choix de se concentrer sur les fonds levés et sur l’hypercroissance. La première moitié des places de l’indice sera attribuée en fonction du montant du chiffre d’affaires de la startup, et le reste se fera sur la base des levées de fonds : au moins 20 millions d’euros en equity lors des deux dernières années.

Ce choix fait donc de la croissance effrénée un modèle de référence. Pourtant, certaines startups ont réussi à mettre en place une stratégie robuste afin d’atteindre la rentabilité rapidement, au détriment d’une croissance plus rapide. Quand la profitabilité des sociétés ne reste qu’une hypothèse lointaine et que l’hypercroissance n’a pas de fondamentaux économiques clairs, alors cette dernière peut s’arrêter brutalement.

Par ailleurs, en fixant un montant minimal de fonds levés, l’indice exclut automatiquement les sociétés qui n’ont pas eu besoin de recourir à des levées importantes. Certes les méga-levées attirent l’attention des médias et des investisseurs, mais alors pourquoi inclure ces jeunes pousses dans un programme qui vise justement à donner plus de visibilité aux sociétés sélectionnées ? Le succès d’une startup ne dépend pas seulement de sa capacité à recourir à des levées de fonds importantes – la faillite de la startup de livraison Take Eat Easy ou encore les turbulences rencontrées par WeWork ces dernières semaines en sont la preuve.

La question qui découle est donc celle du bon étalon de valeur pour la French Tech. Peut-on mesurer la valeur de notre écosystème à travers le montant des levées de fonds et le taux de croissance des sociétés ? En sélectionnant ces critères, on fait le choix de se concentrer sur les liquidités qui rentrent dans l’écosystème, et non sur celles qui en ressortent (les exits, en anglais). Or ces deux montants sont très différents : les sorties françaises ne suivent pas encore les valorisations accordées aux startups. Ces dernières ne réussissent pas à aboutir à des IPO ni à engendrer assez de rachats nationaux, qui permettraient d’amorcer un cercle vertueux de financement de l’écosystème.

Les enjeux de la constitution du FT120 sont donc multiples, tant l’écosystème des startups est pourvoyeur d’emplois et de croissance. Face à la concurrence féroce des États-Unis et de la Chine, la France a de nombreux atouts à mettre en lumière : une recherche académique de haut niveau, des investissements en R&D importants, des profils d’ingénieurs et de scientifiques hautement qualifiés. Plutôt que de participer à la surenchère de la course aux licornes, cet indice offre l’opportunité d’accompagner les pépites tricolores qui, grâce à leur innovation, peuvent répondre à cet enjeu de souveraineté.