5 mars 2020
5 mars 2020
Temps de lecture : 5 minutes
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Le pivot : pourquoi, quand et comment l’engager ?

Criteo, Instagram, MWM, AiZimov, BlaBlaCar...toutes ces entreprises ont un point commun : elles ont effectué un pivot, c'est à dire, modifier leur stratégie initiale pour trouver le “bon” produit ou continuer à croître. Comment s’inspirer des startups qui ont tenté l’expérience ?
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Quel est le lien entre Burbn et Instagram ? A priori, aucun. Et pourtant, Burbn est l’ancêtre du réseau social au plus d’un milliard d’utilisateurs mensuel. En 2010, Mike Krieger et Kevin Systrom lancent une application de géolocalisation de soirées qui permet également de partager ses photos. Voyant que l’engouement se focalise essentiellement sur ce dernier point, les fondateurs axent leur solution sur le partage de photos et change de nom.

Le monde de l’entreprise nécessite souvent, pour ne pas dire toujours, de faire évoluer sa vision en fonction de sa cible, son marché et la société dans l’espoir d’atteindre le fameux product market fit

Le pivot, un second souffle

Dans la majorité des cas, le pivot intervient lorsqu’un entrepreneur manque de trésorerie. Cette situation le pousse à s’interroger sur les raisons de cet “échec”. Sans être exhaustives, les principales situations évoquées sont alors :

  • un mauvais time-to-market (une arrivée trop rapide ou trop tardive sur le marché) : Kodak n’a pas su prendre le virage du numérique et ne figure plus parmi les leader du secteur, par exemple.  
  • un marché devenu trop concurrentiel avec le temps, 
  • une mauvais cible identifiée au départ (B2C/B2B) : 10-Vins a lancé la Divine, une machine permettant d’obtenir un verre de vin à température, en pensant aux particuliers avant d’opérer un revirement vers l’hôtellerie et la restauration. 
  • un produit qui ne répond pas parfaitement aux attentes : le cas d’AiZimov qui est passé d’une solution de mails pré-rédigés à un plugin LinkedIn de prospection.
  • une opportunité de s’attaquer à d’autres marchés : MWM, BlaBlaCar...

Cette “erreur” de jugement est loin d’être fatale mais nécessite avant tout que l'entrepreneur “reconnaisse son échec et accepte ensuite de prendre un nouveau risque” explique Thibaut Lagorce, cofondateur de la méthode HyperGrowth. Or, une des principales caractéristiques d’un dirigeant est bien de croire “fortement” à une idée quand les autres ne le font pas. 

Accepter l’échec et ne pas trop tarder

Avant de se lancer dans une course effrénée au pivot, certains critères doivent être analysés et validés. “Le temps estimé pour pivoter et le temps de survie de l’entreprise sur sa trésorerie” doivent correspondre, expliquent Thibaut Lagorce et Bruno Levy. L’entrepreneur doit aussi acquérir “des preuves de la réussite de son pivot, des faits tangibles sur lesquels s’appuyer”. Le changement de cap d’un concurrent peut être un bon indicateur. 

Mais attention à ne pas voir une raison de pivoter à chaque coup dur. Les entrepreneurs “ont parfois du mal à distinguer l’absence de marché de leur échec à faire percevoir la valeur de leur solution auprès du marché visé” précisent Thibaut Lagorce et Bruno Lévy. La startup QuickText, qu’ils ont accompagné, proposait aux hôteliers d’utiliser l’IA pour gérer leurs réservations. Le service, lancé au début des années 2010, n’a pas convaincu. Mais en parlant à leur cible, impactée par les comparateurs en ligne, de “reprendre le contrôle de leurs ventes”, ils ont réussi à prouver leur plus value. 

Il faut laisser du temps au produit pour qu’il fasse ses preuves” explique Fabrice Marsella, directeur du management au Village by CA, sans attendre indéfiniment un succès qui ne viendra pas.

Pivoter en early stage est également “plus facile car il n’y a pas forcément des investisseurs, pas forcément de salariés” souligne Bruno Lévy. La pression et le risque qui pèsent sur l'entrepreneur sont moins importants. 

Mais ces changements de stratégie peuvent également s’opérer bien plus tard. Criteo a mis trois ans pour passer du conseil de DVD et vidéos en ligne au retargeting publicitaire. L’entreprise est coté au Nasdaq depuis 2013. 

Le client : le pilier d’un bon pivot

Le plus important est la vision de son business” estime Mike Dejardin, fondateur d’Utily, une plateforme de déménagement. Pour éviter les erreurs, “il faut connaître son écosystème sur le bout des doigts et être en contact continu avec ses clients pour apporter le service attendu”.

Plusieurs méthodes sont apparues ces dernières années pour aider les startups à trouver ce fameux product market fit qui leur apporterait une grande croissance. Dans tous les cas, le client est toujours au coeur du processus. 

Le Lean Startup, théorisé par Eric Rie en 2008, consiste à lancer rapidement un produit minimum viable doté de fonctionnalités primaires afin de tester les réactions de sa cible et faire évoluer le prototype en fonction des retours. Cette méthode est particulièrement adaptée dans des secteurs très concurrentiels où il faut être le premier sur le marché et offre également l’avantage de limiter les investissements au départ. 

Thibaut Lagorce et Bruno Lévy ont mis au point une méthode nommée HyperGrowth, basée sur l’étude des “facteurs qui entrent en considération dans le processus de validation d’un produit”. Il s’agira alors des points positifs mais aussi négatifs que rencontrent la cible. 

Engager ses équipes

Connaître sa cible, trouver un bon axe de pivot sont les prémices mais ne suffisent pas à réussir ce changement. Un autre point essentiel est l’engagement des collaborateurs qui doivent être informés et mis à contribution durant tout le processus. “Lorsque Soan, une startup d’architectes, a décidé de contacter 60 freelances en deux semaines, elle a mis à profit tous les salariés, sans restriction, même le PDG” explique Thibaut Lagorce. 

Dans le cadre d’un changement de cible du B2C vers le B2B, les commerciaux sont souvent impactés puisque “la typologie de client, les process de vente et d’accompagnement changent complètement” explique Mike Dejardin d’Utily.

Les RH sont aussi fortement touchés. Lorsque 10-Vins a choisi de se tourner vers l'hôtellerie et la restauration plutôt que les particuliers, les équipes ont profondément été modifiées. “Nous avons embauché 17 commerciaux et les équipes sont passées d’une vie collective à une relation, en partie, à distance” explique Julie Jonchère, responsable communication, RH et développement international de 10-Vins. Pivoter n’est donc pas qu’un changement de stratégie mais aussi de structuration de l’entreprise dans son ensemble. 

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